«Quand on achète du luxe, on achète un héritage»
Le luxe demeure un secteur où malgré la globalisation et l’essor de la Chine, l’Europe conserve un quasi-monopole. Annie-Paule Quéré, intervenante à l’Institut supérieur de marketing du luxe à Paris, décrypte ce phénomène
Annie-Paule Quéré est consultante en stratégies de marque, plus particulièrement pour le luxe et les marques d’héritage, mais également intervenante à l’Institut supérieur de marketing du luxe à Paris. Fondé par Cartier en 1990, Sup de luxe est la seule formation au monde voulue et encadrée par les professionnels du secteur.
Qu’est-ce qui fait que l’Europe demeure si désirable en termes de luxe?
Si l’Europe n’a pas le monopole du luxe dans l’histoire, les grands mouvements artistiques et périodes de l’histoire européenne ont produit des savoir-faire, des styles, des visions et une imagerie puissante du luxe. Par exemple, la Renaissance et le baroque pour l’Italie ou Versailles pour la France. L’Europe est le berceau historique des grandes marques du luxe. Les maisons
de champagne datent pour la plupart des XVIIIe et XIXe siècles. Louis Vuitton, Cartier, Hermès sont nées à Paris au XIXe siècle. Chanel, Prada, Gucci ont vu le jour à Paris, Milan et Florence au début du XXe siècle. Ces maisons s’appuient sur un double héritage: l’héritage culturel national dont elles sont ambassadrices et leur propre héritage, leur prestigieuse histoire de marque. Tout en sachant sans cesse créer, innover, se réinventer pour être à chaque époque dans l’époque. Elles ont «des racines et des ailes» en quelque sorte.
Quelle autre partie du monde pourrait s’attaquer à ce monopole?
Cette domination mondiale actuelle n’est pas un passeport pour l’éternité. Les marques sont mortelles, même si certaines sont séculaires. Tout pays avec une histoire, un savoir-faire, des conditions économiques propices au business, une élite économique, sociale, culturelle pour clientèle et des talents managériaux peut produire des marques de luxe locales ou nationales. Et d’ailleurs, il en existe beaucoup. Pour rivaliser à l’international, il faut du temps et un soft power du pays d’origine suffisamment attractif dans le monde sur lequel s’appuyer.
«La domination mondiale actuelle des marques européennes n’est pas un passeport pour l’éternité»
ANNIE-PAULE QUÉRÉ, CONSULTANTE EN STRATÉGIES DE MARQUE