Le Temps

Un benchmarki­ng ESG pour l’immobilier indirect

Evaluer un portefeuil­le passe par l’analyse de l’exposition de toutes les classes d’actifs aux critères environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (ESG), dont l’immobilier indirect. Une étude pose les bases d’une mesure de référence

- FABIO SIMONCINI, SENIOR STRATEGIST INVESTMENT MANAGER, GESTION IMMOBILIER INDIRECT SUISSE, BCV ÉRIC JONDEAU, PROFESSEUR DE FINANCE, HEC, UNIVERSITÉ DE LAUSANNE, CODIRECTEU­R DU CRML

Faut-il accroître l’exposition de son portefeuil­le à l’immobilier indirect? La question se pose non seulement dans le cadre de l’évaluation du rapport rendement/ risque de son allocation, mais aussi dans le cadre de la notation de son portefeuil­le en matière de durabilité. C’est vrai pour les investisse­urs institutio­nnels, mais aussi pour un nombre toujours croissant d’investisse­uses et d’investisse­urs privés. Une étude sur la prise en compte des critères ESG (environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e) dans la gestion des fondations, des sociétés et des fonds immobilier­s pose les jalons d’une référence dans la mesure de ces performanc­es extra-financière­s en Suisse*.

Vu sous l’angle financier, le retour de l’inflation peut être un facteur de pression à la baisse sur l’immobilier indirect suisse en raison de la hausse des taux. A plus longue échéance toutefois, cette classe d’actifs est plus apte à préserver sa valeur en agissant sur les loyers. L’immobilier, qu’il soit direct ou indirect, reste par ailleurs un placement recherché en période de tensions.

Qu’en est-il des risques non financiers, dont ceux liés au respect des critères ESG? La question est d’autant plus importante qu’un tiers des émissions de CO2 en Suisse provient du secteur du bâtiment qui couvre près de la moitié de la demande en énergie du pays. L’immobilier indirect ne représente certes qu’une petite part du parc immobilier suisse. Il pèse néanmoins 174 milliards de francs investis dans l’immobilier locatif et commercial. Son effet de levier sur l’atteinte des objectifs de la Confédérat­ion en matière énergétiqu­e et climatique n’est ainsi pas des moindres.

Proches des objectifs

Ainsi, la plupart des véhicules de placement immobilier suisses disposent de données proches des objectifs de la politique énergétiqu­e 2030 de la Confédérat­ion pour ce qui est de l’intensité énergétiqu­e. C’est ce que révèle une analyse menée par l’Université de Lausanne dans le cadre d’un partenaria­t avec la BCV. Conduite par le Center for Risk Management de la Faculté des hautes études commercial­es de l’Unil*, l’étude a récolté des données quantitati­ves et qualitativ­es couvrant 65% du marché en termes d’actifs sous gestion.

Trois quarts des répondants de l’étude disposent déjà d’objectifs qui doivent leur permettre de réduire leurs émissions de CO2 de 16% d’ici à 2025, de 40% d’ici à 2030 et de 96% d’ici à 2050. En ce qui concerne l’intensité énergétiqu­e, les portefeuil­les affichent une moyenne de 105,5 kWh/m², soit une valeur bien en dessous du parc immobilier suisse, qui est de 126,7 kWh/m².

Meilleur mix énergétiqu­e

Dès que l’on entre dans le détail des rapports fournis, les données se font plus rares. Ainsi 10% des répondants n’ont pas transmis d’éléments concernant la consommati­on énergétiqu­e de leurs bâtiments. Par ailleurs, 40% ne différenci­ent pas les kilowatthe­ures utilisés pour le chauffage ou pour l’électricit­é. Les données manquent aussi lorsque sont évoqués d’autres volets du critère environnem­ental, comme la gestion des déchets ou la consommati­on d’eau. Reste que l’ensemble du parc étudié présente un mix énergétiqu­e plus favorable que l’ensemble du parc immobilier suisse.

En ce qui concerne les critères sociaux, seule la moitié des entités se sont dotées d’objectifs et lorsqu’ils existent, ils concernent essentiell­ement le bien-être des employés. Sur le plan de la gouvernanc­e, la prise en compte des critères ESG dans la gestion du parc immobilier mobilise toujours davantage de collaborat­eurs et collaborat­rices des véhicules de placement ayant répondu à l’étude. Ainsi, 50% dédient un équivalent plein-temps à cette activité et 70% ont mis sur pied un comité dédié ou une task force.

Première référence

Cette analyse de la prise en compte des critères ESG des fonds, sociétés et fondations immobilièr­es sera répétée d’année en année. Elle constitue un premier pas vers un benchmarki­ng de la performanc­e ESG annuelle des portefeuil­les d’investisse­ment immobilier suisse. Cette référence permettra de comparer les données relatives aux trois critères sur le long terme pour faire face à la demande croissante de labels et ratings. D’ailleurs, l’Office fédéral de l’énergie vient d’annoncer vouloir harmoniser les nombreux labels existants en Suisse pour que le bâtiment contribue à l’atteinte des objectifs de la Confédérat­ion en matière d’énergie, de climat et de développem­ent durable.

L’étude permettra de prolonger les observatio­ns réalisées sur le marché de l’immobilier indirect suisse. Ainsi, la prise en compte des critères ESG s’est accélérée récemment sous l’impulsion notamment des acteurs les plus importants. Pour les petits acteurs, en revanche, le poids humain et financier de la démarche constitue souvent un handicap. Or la pression augmente. Les caisses de pension doivent fournir à leurs assurés des gages de durabilité et demandent toujours plus de reportings. A terme, l’on peut supposer que les investisse­urs et les investisse­uses poseront le respect des critères ESG comme condition à toute levée de fonds. Un rating ESG prend ainsi la valeur d’un atout dans la manche des gestionnai­res. ■

* «Indirect Real Estate Sustainabi­lity Report – 2021», mars 2022, CRML (Center for Risk Management Lausanne), Université de Lausanne, BCV.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland