Un benchmarking ESG pour l’immobilier indirect
Evaluer un portefeuille passe par l’analyse de l’exposition de toutes les classes d’actifs aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), dont l’immobilier indirect. Une étude pose les bases d’une mesure de référence
Faut-il accroître l’exposition de son portefeuille à l’immobilier indirect? La question se pose non seulement dans le cadre de l’évaluation du rapport rendement/ risque de son allocation, mais aussi dans le cadre de la notation de son portefeuille en matière de durabilité. C’est vrai pour les investisseurs institutionnels, mais aussi pour un nombre toujours croissant d’investisseuses et d’investisseurs privés. Une étude sur la prise en compte des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans la gestion des fondations, des sociétés et des fonds immobiliers pose les jalons d’une référence dans la mesure de ces performances extra-financières en Suisse*.
Vu sous l’angle financier, le retour de l’inflation peut être un facteur de pression à la baisse sur l’immobilier indirect suisse en raison de la hausse des taux. A plus longue échéance toutefois, cette classe d’actifs est plus apte à préserver sa valeur en agissant sur les loyers. L’immobilier, qu’il soit direct ou indirect, reste par ailleurs un placement recherché en période de tensions.
Qu’en est-il des risques non financiers, dont ceux liés au respect des critères ESG? La question est d’autant plus importante qu’un tiers des émissions de CO2 en Suisse provient du secteur du bâtiment qui couvre près de la moitié de la demande en énergie du pays. L’immobilier indirect ne représente certes qu’une petite part du parc immobilier suisse. Il pèse néanmoins 174 milliards de francs investis dans l’immobilier locatif et commercial. Son effet de levier sur l’atteinte des objectifs de la Confédération en matière énergétique et climatique n’est ainsi pas des moindres.
Proches des objectifs
Ainsi, la plupart des véhicules de placement immobilier suisses disposent de données proches des objectifs de la politique énergétique 2030 de la Confédération pour ce qui est de l’intensité énergétique. C’est ce que révèle une analyse menée par l’Université de Lausanne dans le cadre d’un partenariat avec la BCV. Conduite par le Center for Risk Management de la Faculté des hautes études commerciales de l’Unil*, l’étude a récolté des données quantitatives et qualitatives couvrant 65% du marché en termes d’actifs sous gestion.
Trois quarts des répondants de l’étude disposent déjà d’objectifs qui doivent leur permettre de réduire leurs émissions de CO2 de 16% d’ici à 2025, de 40% d’ici à 2030 et de 96% d’ici à 2050. En ce qui concerne l’intensité énergétique, les portefeuilles affichent une moyenne de 105,5 kWh/m², soit une valeur bien en dessous du parc immobilier suisse, qui est de 126,7 kWh/m².
Meilleur mix énergétique
Dès que l’on entre dans le détail des rapports fournis, les données se font plus rares. Ainsi 10% des répondants n’ont pas transmis d’éléments concernant la consommation énergétique de leurs bâtiments. Par ailleurs, 40% ne différencient pas les kilowattheures utilisés pour le chauffage ou pour l’électricité. Les données manquent aussi lorsque sont évoqués d’autres volets du critère environnemental, comme la gestion des déchets ou la consommation d’eau. Reste que l’ensemble du parc étudié présente un mix énergétique plus favorable que l’ensemble du parc immobilier suisse.
En ce qui concerne les critères sociaux, seule la moitié des entités se sont dotées d’objectifs et lorsqu’ils existent, ils concernent essentiellement le bien-être des employés. Sur le plan de la gouvernance, la prise en compte des critères ESG dans la gestion du parc immobilier mobilise toujours davantage de collaborateurs et collaboratrices des véhicules de placement ayant répondu à l’étude. Ainsi, 50% dédient un équivalent plein-temps à cette activité et 70% ont mis sur pied un comité dédié ou une task force.
Première référence
Cette analyse de la prise en compte des critères ESG des fonds, sociétés et fondations immobilières sera répétée d’année en année. Elle constitue un premier pas vers un benchmarking de la performance ESG annuelle des portefeuilles d’investissement immobilier suisse. Cette référence permettra de comparer les données relatives aux trois critères sur le long terme pour faire face à la demande croissante de labels et ratings. D’ailleurs, l’Office fédéral de l’énergie vient d’annoncer vouloir harmoniser les nombreux labels existants en Suisse pour que le bâtiment contribue à l’atteinte des objectifs de la Confédération en matière d’énergie, de climat et de développement durable.
L’étude permettra de prolonger les observations réalisées sur le marché de l’immobilier indirect suisse. Ainsi, la prise en compte des critères ESG s’est accélérée récemment sous l’impulsion notamment des acteurs les plus importants. Pour les petits acteurs, en revanche, le poids humain et financier de la démarche constitue souvent un handicap. Or la pression augmente. Les caisses de pension doivent fournir à leurs assurés des gages de durabilité et demandent toujours plus de reportings. A terme, l’on peut supposer que les investisseurs et les investisseuses poseront le respect des critères ESG comme condition à toute levée de fonds. Un rating ESG prend ainsi la valeur d’un atout dans la manche des gestionnaires. ■
* «Indirect Real Estate Sustainability Report – 2021», mars 2022, CRML (Center for Risk Management Lausanne), Université de Lausanne, BCV.