Estelle Zamme, electro d’altitude
Le projet audiovisuel piloté par deux Montagnons associe musique électronique solaire et clips tournés dans de grands espaces. Un premier album intitulé «Salut Zamme» sort ce vendredi, à la veille d’un vernissage à Neuchâtel
Comme souvent, les projets aventureux naissent d’une longue amitié. Dans le cas d’Estelle Zamme, elle remonte au début des années 2010. Le Chaux-de-fonnier Etienne Bel, aujourd’hui producteur de musique électronique et responsable du label Blizzard Audio Club, se met à bidouiller sur des machines alors que son compère loclois Julien Ledermann se passionne pour la vidéo. Le duo s’étonne alors que si peu d’artistes liés à l’univers électro créent à la fois l’image et le son d’un même projet.
Pourtant, dès l’avènement des musiques house et techno dans les années 1990, la vidéo joue un rôle prépondérant. Une importance due en partie à la dimension essentiellement instrumentale de ces styles. L’absence de message permet toutes les libertés visuelles. On ne sera pas surpris dès lors qu’autant de cinéastes de renom se soient associés à des compositeurs électros. Les réalisateurs Michel Gondry et Mike Mills sont liés à l’univers de Daft Punk, tout comme Chris Cunningham à celui d’Aphex Twin, le Mozart de la techno.
«Salut, tout le monde»
Parmi les rares artistes ayant à la fois composé et créé des visuels, on peut citer The Blaze, ou Underworld connu pour son tube Born Slippy, incorporé dans la bandeson du film culte Trainspotting. Estelle Zamme suit à sa manière ce même chemin en associant par ailleurs un troisième univers, celui de la performance. Chacun des quatre clips que le duo a sortis met en scène un personnage, mi-danseur, mi-acteur improvisateur. Le concept d’Estelle Zamme est simple: à partir d’une composition électronique, créer un clip loufoque et lumineux en jouant à la fois sur la beauté de la nature, ainsi que sur la musique et le mouvement.
La première vidéo du duo est réalisée en 2017, elle a pour cadre rien de moins que le Cervin et ses alentours. Etienne Bel et Julien Ledermann invitent un ami particulièrement désinhibé à qui ils proposent d’improviser une chorégraphie au bord d’un lac alpin. Le petit film est irrésistible, d’humour et de dynamisme. Au cours de ses évolutions, le danseur se voit rejoint par un troupeau de moutons avant de faire un saut arrière pour terminer dans l’eau glacée.
Le succès est immédiat: en deux semaines, le clip intitulé Fiston dépasse les 10 000 vues sur YouTube. Mais autant que le bon accueil réservé au projet, c’est toute l’aventure liée au film qui incite le duo à réitérer l’expérience. Chaque tournage est l’occasion pour le team de voyager et de prendre du bon temps ensemble. Julien Ledermann confirme: «Etienne et moi sommes des passionnés de nature et de montagne. On adore faire de longues randonnées ou des week-ends à ski. Et naturellement, on a eu l’envie de faire une vidéo face à une des montagnes les plus emblématiques.»
Dialogue avec le kitsch
Deux clips suivront en 2018 et 2019, ayant à nouveau pour décor les Alpes (Appenzell, Grindelwald, le Valais et les Dolomites), avant que la pandémie mette entre parenthèses le projet. L’an passé, la petite équipe concrétise un rêve en faisant cap sur l’extrême nord de la Scandinavie, plus précisément sur les îles Lofoten. Le clip en question suit le parcours surréaliste d’un étrange Robinson Crusoé débarquant sur l’archipel. Superbement réalisé malgré des moyens toujours limités, il sort aujourd’hui en même temps que le premier album d’Estelle Zamme, Salut Zamme. Un titre qui fait référence à l’expression de salutation utilisée par nos voisins alémaniques. Etienne Bel précise: «En fait, quand on est parti tourner en montagne, on entendait régulièrement les gens s’adresser des «Ciao Zamme», «Salut Zamme»… ce qui veut dire salut tout le monde… et cela nous a fait sourire. Mais ne me demandez pas pourquoi on a choisi le prénom Estelle! C’est sorti comme cela, sans raison…»
Avec la sortie de cet album, Etienne Bel voulait prolonger le projet musical au-delà des vidéos. Estelle Zamme permet au producteur neuchâtelois de proposer un univers sonore plus large et plus grand public que celui présenté sous le nom de Pavel. Réputé pour ses compositions expérimentales, le Neuchâtelois s’accorde ici plus de liberté et flirte avec des tendances plus commerciales de la musique électronique. «Travailler sur ce projet me permet de respirer, de travailler de manière plus spontanée et naturelle. C’est aussi une musique plus facile à clipper. L’atmosphère musicale est plus joviale, plus aérienne.» Estelle Zamme revisite des styles musicaux populaires, de l’happy house à la trance en passant par le hip-hop, il taquine avec le mauvais goût sans jamais y céder.
Ce dialogue avec le kitsch se traduit en images et en sons, avec la présence d’un dauphin dans la plupart des clips du duo. Qu’il apparaisse en dégradé sur la nuque d’un danseur, qu’il se matérialise en jouet de plastique, en peluche ou en sample sonore, l’animal rythme de sa présence surréaliste l’univers d’Estelle Zamme en audio, en vidéo et bientôt sur scène. Le duo peaufine actuellement un live qu’il présentera prochainement lors du vernissage de son album puis au P’tit du Gros, le pan suisse du festival du Chant du Gros. Un spectacle audiovisuel sous forme de randonnée technicolor en pleine nature. ■
Estelle Zamme, «Salut Zamme», sorti en double vinyle et en version numérique. En concert le samedi 14 mai à Neuchâtel (Case à chocs), avec Psycho Weasel et Partiboi69, et le 9 septembre au Noirmont (P’tit du Gros).