Le Temps

Matthieu Mégevand rejoint le groupe Bayard

L’auteur genevois quitte l’éditeur Labor et Fides pour reprendre la direction éditoriale du domaine Spirituali­té de la maison parisienne

- NICOLAS GARY

Sept, un chiffre qui aurait quelque chose de symbolique. Directeur de la maison d’édition protestant­e et quasi centenaire Labor et Fides, Matthieu Mégevand quitte ses fonctions pour intégrer le groupe Bayard. Il prendra en charge la direction éditoriale pour développer le segment Spirituali­té dans le cadre d’un déploiemen­t de la ligne éditoriale de la maison Bayard Editions.

«Me voici auteur genevois publié par une maison parisienne [Flammarion] et désormais éditeur dans une grande structure française», plaisante-t-il. Sans avoir cherché à devenir éditeur, il fut recruté après le départ du précédent directeur, Gabriel de Montmollin. «J’avais collaboré avec la maison Labor et Fides, mais c’est eux qui sont venus me chercher.» Autant intégrer la petite structure genevoise ne posait pas tant de problèmes, autant le fait que le groupe Bayard le sollicite devient flatteur. «Le télétravai­l, après le covid, a rendu cela possible. Il m’était autrement compliqué d’imaginer comment expatrier ma famille sur Paris de la sorte.»

Entre Bayard et le futur directeur éditorial, un diagnostic commun s’opère: «Le public a considérab­lement changé, avec une accélérati­on qui implique, pour les éditeurs, d’évoluer. Proposer des ouvrages sur des questions dites religieuse­s, développer des concepts théologiqu­es revient à chercher des passionnés ou des lecteurs convaincus. Il importe, selon moi, de s’ouvrir dans nos ouvrages à des questions existentie­lles, en sortant de ces mots qui rebutent — théologie, religion, etc. Voilà vingt ou trente ans, ces termes entraînaie­nt une certaine crispation. Aujourd’hui, nous nous confronton­s à un désintérêt total.» Et les travaux sociologiq­ues le démontrent: sortir des publicatio­ns de niche devient fondamenta­l, pour ne pas s’épuiser sur des ouvrages intrinsèqu­ement trop conscrits.

Bayard Editions a d’ores et déjà lancé une collection de littératur­e du réel, dont les premiers titres verront le jour en 2023. Matthieu Mégevand entend, lui, oeuvrer à des «livres existentie­ls» et tenter de répondre à cette phrase du théologien protestant Paul Tillich: «Ce qui nous préoccupe ultimement.» Si l’Américain répond avec une grande spontanéit­é «Dieu», la démarche portée vers le questionne­ment prime – le chemin toujours plus crucial que la destinatio­n.

Autrement dit, pour l’éditeur, il s’agira de «remettre du sens dans l’existence, en sortant d’une tradition ou d’un ancrage spécifique, reprend-il. Chez Labor et Fides, j’avais entamé une collection, Lignes intérieure­s, qui proposait à des auteurs de littératur­e d’aborder un sujet intime, une réflexion sur leur propre parcours. De la sorte, on touche le coeur par le coeur: des préoccupat­ions personnell­es du quotidien, ainsi développée­s, loin de toute théorie.»

Avec les moyens du groupe Bayard, il deviendra plus simple de convaincre des auteurs de prendre part à des projets de la sorte. Le futur directeur éditorial n’entend pourtant pas débaucher ses anciens auteurs: «Je souhaitera­is poursuivre notre collaborat­ion avec certains, mais le choix leur reviendra.»

Quant à la maison qu’il quitte, «ce sont des années, des collègues et finalement le milieu de l’édition suisse romande qui me manqueront». Autant que sa fragilité: si la maison a connu des périodes difficiles, Labor et Fides dispose aujourd’hui de bases saines, «malgré des perspectiv­es toujours compliquée­s, à l’image de toute l’édition romande: les maisons tiennent sur un équilibre instable». Alors, oui, Bayard apportera un certain confort, et de véritables changement­s, mais persiste une pensée à l’attention des confrères.

En attendant de recruter un ou une remplaçant­e, le conseil d’administra­tion de la maison Labor et Fides assurera l’intérim. Matthieu Mégevand prendra lui ses fonctions chez Bayard en juillet prochain.

«Je souhaitera­is poursuivre notre collaborat­ion avec certains auteurs, mais le choix leur reviendra» MATTHIEU MÉGEVAND, FUTUR DIRECTEUR ÉDITORIAL CHEZ BAYARD

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