Matthieu Mégevand rejoint le groupe Bayard
L’auteur genevois quitte l’éditeur Labor et Fides pour reprendre la direction éditoriale du domaine Spiritualité de la maison parisienne
Sept, un chiffre qui aurait quelque chose de symbolique. Directeur de la maison d’édition protestante et quasi centenaire Labor et Fides, Matthieu Mégevand quitte ses fonctions pour intégrer le groupe Bayard. Il prendra en charge la direction éditoriale pour développer le segment Spiritualité dans le cadre d’un déploiement de la ligne éditoriale de la maison Bayard Editions.
«Me voici auteur genevois publié par une maison parisienne [Flammarion] et désormais éditeur dans une grande structure française», plaisante-t-il. Sans avoir cherché à devenir éditeur, il fut recruté après le départ du précédent directeur, Gabriel de Montmollin. «J’avais collaboré avec la maison Labor et Fides, mais c’est eux qui sont venus me chercher.» Autant intégrer la petite structure genevoise ne posait pas tant de problèmes, autant le fait que le groupe Bayard le sollicite devient flatteur. «Le télétravail, après le covid, a rendu cela possible. Il m’était autrement compliqué d’imaginer comment expatrier ma famille sur Paris de la sorte.»
Entre Bayard et le futur directeur éditorial, un diagnostic commun s’opère: «Le public a considérablement changé, avec une accélération qui implique, pour les éditeurs, d’évoluer. Proposer des ouvrages sur des questions dites religieuses, développer des concepts théologiques revient à chercher des passionnés ou des lecteurs convaincus. Il importe, selon moi, de s’ouvrir dans nos ouvrages à des questions existentielles, en sortant de ces mots qui rebutent — théologie, religion, etc. Voilà vingt ou trente ans, ces termes entraînaient une certaine crispation. Aujourd’hui, nous nous confrontons à un désintérêt total.» Et les travaux sociologiques le démontrent: sortir des publications de niche devient fondamental, pour ne pas s’épuiser sur des ouvrages intrinsèquement trop conscrits.
Bayard Editions a d’ores et déjà lancé une collection de littérature du réel, dont les premiers titres verront le jour en 2023. Matthieu Mégevand entend, lui, oeuvrer à des «livres existentiels» et tenter de répondre à cette phrase du théologien protestant Paul Tillich: «Ce qui nous préoccupe ultimement.» Si l’Américain répond avec une grande spontanéité «Dieu», la démarche portée vers le questionnement prime – le chemin toujours plus crucial que la destination.
Autrement dit, pour l’éditeur, il s’agira de «remettre du sens dans l’existence, en sortant d’une tradition ou d’un ancrage spécifique, reprend-il. Chez Labor et Fides, j’avais entamé une collection, Lignes intérieures, qui proposait à des auteurs de littérature d’aborder un sujet intime, une réflexion sur leur propre parcours. De la sorte, on touche le coeur par le coeur: des préoccupations personnelles du quotidien, ainsi développées, loin de toute théorie.»
Avec les moyens du groupe Bayard, il deviendra plus simple de convaincre des auteurs de prendre part à des projets de la sorte. Le futur directeur éditorial n’entend pourtant pas débaucher ses anciens auteurs: «Je souhaiterais poursuivre notre collaboration avec certains, mais le choix leur reviendra.»
Quant à la maison qu’il quitte, «ce sont des années, des collègues et finalement le milieu de l’édition suisse romande qui me manqueront». Autant que sa fragilité: si la maison a connu des périodes difficiles, Labor et Fides dispose aujourd’hui de bases saines, «malgré des perspectives toujours compliquées, à l’image de toute l’édition romande: les maisons tiennent sur un équilibre instable». Alors, oui, Bayard apportera un certain confort, et de véritables changements, mais persiste une pensée à l’attention des confrères.
En attendant de recruter un ou une remplaçante, le conseil d’administration de la maison Labor et Fides assurera l’intérim. Matthieu Mégevand prendra lui ses fonctions chez Bayard en juillet prochain.
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«Je souhaiterais poursuivre notre collaboration avec certains auteurs, mais le choix leur reviendra» MATTHIEU MÉGEVAND, FUTUR DIRECTEUR ÉDITORIAL CHEZ BAYARD