Le Temps

Simon Romang, sa grossesse, sa fille

- MARIE-PIERRE GENECAND

Dans un solo énergique, le comique romand retrace toutes les étapes qui ont précédé l’avènement de Lili. Au Théâtre Boulimie, après Yverdon et Rolle, le spectacle réjouit

Le double éternuemen­t suivi d'un vomissemen­t. Apparu au huitième mois de grossesse, ce symptôme est une découverte pour l'autrice de ces lignes, trois fois mère. C'est dire si le comique vaudois est précis lorsqu'il évoque les longues semaines qui ont abouti à l'arrivée de sa fille, Lili, le 29 mars, jour de grâce de l'an 2021.

Construit comme un péplum avec Florence Annoni, l'épouse et mère un tout petit peu concernée par l'aventure, Poussette tire parti de l'énergie et du capital sympathie de celui qui a déjà conquis le coeur du public avec Charrette, récit de son enfance paysanne – à voir ou revoir au Théâtre du Crève-Coeur, à Genève, dès le 17 mai. Poussette, le dernier-né, est à savourer au Théâtre Boulimie, jusqu'à ce dimanche.

Cinquante heures pour accoucher

«Ce spectacle parle surtout aux gens qui ont eu des enfants.» Cette remarque, attrapée à la sortie de Boulimie, donne à réfléchir. La grossesse et l'accoucheme­nt ne seraient donc pas des sujets universels? Pourtant, comme le remarque le comédien à la fin de Poussette, on est tous sortis d'un ventre humain et plutôt féminin… Mais voilà, le rapport au corps n'est pas le fort de nos esprits cartésiens et, ne serait-ce que pour cela, c'est beau qu'un humoriste masculin plonge dans le fleuve tout sauf tranquille de la maternité.

Du point de vue de l'action, on peut dire que le couple Romang-Annoni a décroché le gros lot. Nausées carabinées, douleurs un peu partout et surtout au talon, valse des éternuemen­ts-vomissemen­t évoquée plus haut ou encore bébé frappeur qui fait du punching-ball avec l'estomac. Florence a beau être rebaptisée «Olympique de Marseille parce qu'elle va droit au but», sa grossesse l'a mise dans les cordes, pour rester dans la métaphore sportive.

Et on n'a pas encore parlé de l'accoucheme­nt. Cinquante heures au compteur, avec une sage-femme qui résiste à la «péri», un anesthésis­te hypotoniqu­e et, au final, un hurlement de poussée qui réveille tout le quartier de la maternité.

L’art du contraste

Clair que le couple Romang-Annoni en rajoute un peu. Le rire naît de l'excès et repose beaucoup sur le contraste entre le calme des experts et la panique des parents débutants. Simon Romang excelle à passer de l'un à l'autre, avec balance lumineuse et effets sonores à la clé. Comme il excelle à mimer l'agent imaginaire du bébé qui, des poumons à la rate, met tous les organes au garde-à-vous pour le confort de son client.

Le comédien est encore impayable quand il restitue la démarche de rappeur que Florence adopte au comble de la grossesse. Sans oublier le canyon entre la maman du comédien vaudois, Madame Super, trop heureuse que son «chipelou» devienne papa, et la maman de Florence, nettement plus réservée façon Jura bernois… La force du comique romand réside là. Dans son amour des gens et sa capacité à les observer. Il en témoigne encore lors des commentair­es suscités par l'annonce du bébé. La voisine surangoiss­ée qui n'en revient pas qu'à neuf mois de l'accoucheme­nt, les jeunes parents n'aient encore ni crèche, ni pédiatre… La pharmacien­ne revêche qui pousse Simon à la reconnaiss­ance de paternité ou les militants du climat qui disent que «non, vraiment, faire des enfants, aujourd'hui, c'est super égoïste, quoi!».

«Quand tu attends un bébé, le monde entier est spécialist­e. Ta vie devient un groupe de parole», rigole le comédien avant d'avouer la même faiblesse lorsqu'il rencontre aujourd'hui de tout jeunes papas. «On veut absolument partager, dire qu'on a connu ça.»

L'humoriste est tellement touché par la paternité qu'il a écrit une chanson à Lili, le bébé farceur qui préfère «les miettes du sofa aux purées bios et n'importe quel objet aux beaux jouets en bois». Quand ce spectacle passe du péplum à la comédie romantique, on est beaucoup, dans la salle, à retenir une larme. Malgré les douleurs et le chaos, ce solo est une belle invitation à rire et à se reproduire.

Théâtre Boulimie, Lausanne, jusqu’au 15 mai. Charrette est à voir ou revoir du 17 au 29 mai, au Théâtre du Crève-Coeur à Genève.

«Quand tu attends un bébé, le monde entier est spécialist­e. Ta vie devient un groupe de parole» SIMON ROMANG, COMÉDIEN

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