Le Temps

Accueil des réfugiés ukrainiens: la Suisse est sur la bonne voie

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE t @BoeglinP

Neutralité, solidarité. Dans sa gestion de la guerre en Ukraine, la Suisse officielle puise dans ses références mythiques. Si la neutralité imprègne les discussion­s sur les sanctions et l’envoi d’armes à destinatio­n de Kiev, c’est la tradition humanitair­e qui sert de boussole pour l’accueil des réfugiés fuyant les combats. Terre originelle de la Croix-Rouge, dépositair­e des Convention­s de Genève, la Confédérat­ion a tout pour bien faire dans ce domaine.

Berne et les cantons maintienne­nt le cap, souhaitant accueillir et encadrer tous les Ukrainiens fuyant l’invasion de la Russie. Cette politique ne peut qu’être saluée. Face à une guerre qui poursuit ses ravages et multiplie les morts, la réponse solidaire des autorités est la bonne.

Certains points ne manquent pas d’intérêt. L’un d’entre eux est le rejet sec et sans appel de la différenci­ation des régions d’origine. Karin Keller-Sutter ne veut pas en entendre parler. Elle reste ferme face à des élus de droite, désireux de durcir les conditions et de se limiter aux ressortiss­ants de l’est de l’Ukraine, région où l’armée de Vladimir Poutine concentre sa brutalité et ses objectifs de conquête.

Ce choix politique réveille les questions d’égalité de traitement entre migrants. Sans minimiser ou relativise­r l’accueil généreux des Ukrainiens, force est de constater que cette approche large et généralist­e n’est pas toujours appliquée (ou ne l’a pas toujours été). Ethiopie, Afghanista­n, etc.: la Confédérat­ion considère parfois que, dans des pays plus lointains, seules certaines régions connaissen­t la violence et restreint sa protection en conséquenc­e.

Deuxième constat intéressan­t, lié au premier: l’engagement maintes fois réitéré de Karin Keller-Sutter à se calquer sur l’Union européenne. Ironie du sort, voici que la ministre libérale-radicale, pourtant faroucheme­nt opposée à l’accord-cadre institutio­nnel avec Bruxelles pour ses incidences redoutées sur l’immigratio­n, se coordonne au millimètre avec le grand voisin… précisémen­t dans une question migratoire. Dans une crise d’une telle importance, Berne ne peut faire bande à part et jouer sa partition dans son coin.

Le drame qui se joue en Ukraine chatouille donc certaines lignes. Les autorités misent sur la collaborat­ion internatio­nale et la population semble adhérer dans sa majorité. Pour que cette tendance ne s’étiole pas, il s’agira de faire preuve de doigté et de transparen­ce. Car de nouveaux défis vont poindre. Les coûts de l’accueil, par exemple: il serait dangereux d’instaurer un tabou autour des réalités financière­s.

Pour l’instant, le Conseil fédéral compte sur les dépenses extraordin­aires. Cela se justifie. Mais si la situation perdure, la question des arbitrages se posera.

Les autorités misent sur la collaborat­ion internatio­nale et la population semble adhérer dans sa majorité

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