Le Temps

La Russie accuse l’Occident d’avoir provoqué la famine

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A Moscou, cela ne fait aucun doute: ce sont les sanctions occidental­es infligées à la Russie qui risquent de conduire de nombreux pays au bord de la famine

Les réactions se sont multipliée­s ces derniers jours à Moscou au sujet de la pénurie de blé et des menaces de crise alimentair­e mondiale. «Il aurait fallu donner des garanties de sécurité à la Russie au lieu d'essayer de l'étrangler avec des sanctions. Il n'y aurait pas eu de crise de l'énergie ou du blé», a écrit vendredi le sénateur russe Alexeï Pouchkov sur son compte Telegram. «Au contraire, l'Occident, obsédé par le jeu de la domination mondiale, a largement «oublié» que la mondialisa­tion est une question d'interdépen­dance.» Son message commentait la couverture du numéro de mai du magazine The Economist titrée «The coming food catastroph­e». La veille, Alexeï Pouchkov avait accusé les Etats-Unis d'avoir «provoqué la crise alimentair­e dans le monde par leur stratégie politique».

Mêmes coupables selon l'assistant présidenti­el russe Maxim Oreshkin, qui a fustigé jeudi la politique monétaire des autorités américaine­s et prédit une «famine mondiale» qui pourrait commencer d'ici à la fin de 2022.

La Russie augmentera ses livraisons de céréales vers les pays d'Asie du SudEst, du Moyen-Orient et d'Afrique, a toutefois déclaré jeudi le ministre russe du Développem­ent économique, Maxim Rechetniko­v, cité par l'agence Tass, lors d'un sommet économique à Kazan. Le ministre a souligné que la Russie proposait d'examiner la possibilit­é de mettre en place des hubs alimentair­es aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite, en Malaisie et à Singapour.

La presse russe a également suivi de près le thème de la crise alimentair­e cette semaine. Dans un article détaillé publié le 18 mai, le quotidien Izvestia estime que «la guerre du blé mondiale prend de l'ampleur» annonçant que l'envolée des cours du blé, qui a augmenté de plus de 60% depuis le début de l'année sur fond de crise en Ukraine, suscite des inquiétude­s sur les marchés alors que les réserves mondiales commencent à s'épuiser.

Le journal met en cause «les sanctions», responsabl­es selon lui d'un risque de «famine à grande échelle» sur le continent africain. «La rupture brutale des relations commercial­es de longue date et le retrait de plusieurs entreprise­s de Russie ont engendré des perturbati­ons sur les chaînes d'approvisio­nnement», précise l'article. Izvestia cite également le cas de l'Inde qui a interdit l'exportatio­n de son blé, une décision qui a «fortement alimenté la pression sur les prix de l'alimentati­on alors que la pénurie de l'offre mondiale secouait déjà les marchés internatio­naux». Selon le quotidien, cette mesure touchera d'abord les pays asiatiques qui achètent activement du blé à l'Inde, mais elle sape également les espoirs de l'Europe et des Etats-Unis qui tablaient sur le fait que l'Inde serait en mesure de remplacer les volumes d'exportatio­n en baisse de la Russie et de l'Ukraine.

«L’Occident, obsédé par le jeu de la domination, a «oublié» que la mondialisa­tion est une question d’interdépen­dance» ALEXEÏ POUCHKOV, SÉNATEUR RUSSE

Comme le pétrole

Dans un article intitulé «Les jeux de la faim 2022», le journalist­e Anatoly Kostyrev du quotidien Kommersant dresse la liste des pays producteur­s de blé prévoyant de mauvaises récoltes cette année et fait un constat imparable. «En fait, le seul pays de la liste qui semble bien parti pour l'instant est la Russie, où l'on s'attend à une récolte record», écrit-il, en précisant que les analystes prévoient que la part de la Russie dans les exportatio­ns mondiales de blé atteindron­t 20% cette année. «Cela signifie qu'il sera presque aussi difficile de renoncer aux céréales de la Russie qu'au pétrole et au gaz.»

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