La droite romande fait-elle main basse sur l’école?
Après vingt-huit ans de règne socialiste, l’éducation vaudoise échoit au PLR Frédéric Borloz. Dorénavant, une majorité des départements de la formation des cantons romands sont gérés par la droite. C’est tout sauf anecdotique au vu des enjeux à venir
C'est la fin d'un long règne socialiste. Vingt-huit ans pour être précis. L'enseignement du canton de Vaud passera auxmains du PLR Frédéric Borloz. Un petit séisme politique. Comptable, président des vignerons suisses, l'ancien syndic d'Aigle semblait naturellement taillé pour reprendre les finances ou l'économie. Mais l'homme a assumé ses responsabilités et les ambitions électorales de son parti dont l'éducation a servi d'angle d'attaque contre la majorité gouvernementale de gauche. Dès l'entrée en fonction du Chablaisien, le 1er juillet, une majorité des départements de la formation des cantons romands (VD, VS, NE et JU) seront aux mains de la droite. C'est peutêtre un détail pour vous, mais ça veut dire beaucoup pour le futur des politiques scolaires. D'autant qu'il y a de fortes probabilités qu'en 2023 l'instruction publique échappe à la gauche genevoise.
Au bout du Léman, il souffle un vent de changement après les mandats des socialistes Charles Beer (2003-2013) et Anne Emery-Torracinta (depuis 2013). D'autant plus que, dimanche, cette dernière a été désavouée par le peuple sur son projet de réforme du cycle d'orientation. Le référendum était porté par le PLR et l'UDC. Récemment, la droite s'est ainsi mobilisée sur le domaine de l'enseignement. Fait rare, au début de l'été 2021, les sections romandes du PLR s'étaient concertées pour s'opposer à la promotion de l'orthographe rectifiée.
Prudence du côté syndical
La droite a-t-elle donc décidé de ne plus laisser la thématique à la gauche? «Nous n'avons jamais été absents de ces débats sur l'école, corrige Florence BettschartNarbel, vice-présidente du PLR vaudois. Mais il est également vrai qu'aujourd'hui il y a une véritable volonté d'être présent. Je me réjouis que mon parti ait repris la formation. L'école vaudoise a besoin d'être apaisée et de revenir aux fondamentaux, après une multiplication de réformes qui l'ont transformée en laboratoire.»
Face à l'arrivée d'un conseiller d'Etat de droite, le président du Syndicat SSP Vaud, Julien Eggenberger se montre prudent: «Nous attendons avec impatience le programme de législature, relève celui qui est également enseignant et député socialiste. Nous serons attentifs non seulement aux projets présentés, mais aussi aux moyens qui y seront alloués.» Il liste les enjeux, nombreux, de la poursuite du concept 360 pour l'école inclusive à la réponse à apporter à la démographie scolaire, passant par le défi de l'accueil des réfugiés fuyant la guerre en Ukraine et la généralisation du gymnase en quatre ans (projet mis en consultation cette semaine par la Confédération).
Sur le dossier – majeur – du gymnase en quatre ans, le changement à la tête du département vaudois pourrait se révéler déterminant. Si le monde enseignant est majoritairement favorable à une formule «11+4», la droite défend un «10+4» afin de ne pas accroître le nombre d'années d'études. Plus généralement, il y a d'autres divergences de vue, comme l'a constaté la députée neuchâteloise Sarah Blum, présidente du groupe VertPOP. «La droite privilégie souvent les économies aux aspects sociaux ou éducatifs», sou
«L’école vaudoise a besoin d’être apaisée et de revenir aux fondamentaux» FLORENCE BETTSCHART-NARBEL, VICE-PRÉSIDENTE DU PLR VAUDOIS
ligne-t-elle, rappelant que le monde enseignant était encore «marqué» par le passage du PLR Philippe Gnaegi (non réélu en 2009) et ses fortes coupes budgétaires. Sarah Blum s'opposera également au projet de l'actuelle ministre, la PLR Crystel Graf. «Elle veut faire passer le taux de jeunes qui vont en apprentissage de 78 à 85%, ça mettrait en danger la place académique de Neuchâtel», conclut la popiste.
Contre-exemple fribourgeois
«Les débats sur les réformes scolaires ont toujours été très émotionnels», remarque Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignants romands (SER). Mais le Jurassien relativise l'impression que la droite s'emparerait des départements de la formation. «Il s'agit à chaque fois de contextes politiques cantonaux différents», explique-t-il, rappelant le contre-exemple de Fribourg, où le département est passé en 2021 à gauche, ou citant des ministres de droite marquants du passé, telle la Genevoise Martine Brunschwig-Graf.
Du côté de Genève, enfin, le député PLR Jean Romain, médiatique défenseur de la tradition scolaire, nuance le poids d'un changement de chef de département. «La vision de l'école n'est pas seulement portée par un conseiller d'Etat, mais également par son staff, les hauts fonctionnaires, et finalement par toute la société, note Jean Romain. Les populations vaudoises et genevoises sont imprégnées par un tout autre historique scolaire que celles de Fribourg ou du Valais.»
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