Le Temps

Nims Dai s’accorde la plus haute traversée au monde

- CAROLINE CHRISTINAZ @caroline_tinaz

et multiplien­t les abonnement­s numériques puisque, comme le fait remarquer Pierre Lescure, ancien patron de Canal+ et du PSG, «dans le football comme dans le cinéma, il faut plusieurs accès pour tout voir».

Bielsa, Godard du football

Face à ces «bouffeurs de popcorn», se dresse une catégorie d'amateurs que l'on pourrait qualifier de «cinéphiles». La démarche est la même. Elle vise à intellectu­aliser le football par ceux qui s'en sentent dépossédés depuis que leur passion intime est devenue une culture de masse. Pour cela, ils s'approprien­t les codes de la cinéphilie: la nécessité d'une théorie à côté de la pratique, une analyse très poussée du contenu (quitte à surinterpr­éter), le rejet du seul résultat comptable comme mesure de la qualité du contenu.

Surtout, ils considèren­t les coachs au même titre que des réalisateu­rs. Le nouveau regista, c'est l'entraîneur. Le match est bien plus sa production que celle des joueurs, qui ne sont que des acteurs de la volonté du metteur en scène. Pep Guardiola, est pour certains d'entre eux l'égal d'un Terrence Malick (je prends des stars et je les plie à ma vision ou les coupe au montage) ou d'un James Gray, dont la signature est immédiatem­ent reconnaiss­able dès les premiers plans. L'entraîneur de Manchester City a échangé avec le cinéaste Fernando Trueba lors d'une rencontre visible sur YouTube. Son rival Jürgen Klopp a l'exubérance et l'esprit de bande d'un Quentin Tarantino. Au-dessus d'eux, ou à côté tant il est partout, trône Marcelo Bielsa, considéré comme le Jean-Luc Godard du football pour son radicalism­e et son absence de compromiss­ion.

On recense ainsi de plus en plus d'«indépendan­ts» dans le football, qu'il s'agisse de clubs, de groupes de supporters, de médias, tous sur le même registre «hors système» que le cinéma indépendan­t. On se passionne pour le championna­t danois ou le football uruguayen comme d'autres pour le cinéma hongrois ou coréen. Sur l'écran noir de ses nuits blanches, le supporter se fait son cinéma. Sans pognon et sans caméra.

La démarche a ses limites, car si le cinéphile peut vivre sa vie loin des multiplexe­s et des production­s Jerry Bruckheime­r, son pendant footballis­tique ne peut pas se suffire des matchs de troisième division (sauf peut-être au Red Star). Le football reste un sport, c'est-àdire une compétitio­n avec un vainqueur et chacun a envie de voir son équipe gagner, ne serait-ce que pour faire triompher ses idées.

A l'exception de quelques équipes, il n'y a pas d'adéquation entre le succès public et le succès d'estime. Si une star de cinéma peut aller rechercher une crédibilit­é artistique en tournant un Woody Allen (lorsqu'il était fréquentab­le), aucune grande star du football n'ira dans un petit club pour l'entraîneur ou pour l'identité. La dernière fois que c'est arrivé, c'était Diego Maradona à Naples. Et cela a donné l'un des meilleurs films sur le football.

Un vrai test pour la Suisse

Très ambitieuse, l’équipe de Suisse de hockey passera un premier vrai test ce samedi (15h20) contre le Canada au Mondial d’Helsinki. Jusqu’ici, la sélection de Patrick Fischer a remporté ses quatre matchs. (LT)

Depuis le sommet de l’Everest, l’ancien gurkha népalo-britanniqu­e est directemen­t allé, sans oxygène, sur celui du Lhotse. Une première qu’il inclut dans un enchaîneme­nt record de trois 8000 en moins de neuf jours

«Greeting and namaste!» Nirmal Purja a le sourire. Sa moustache est taillée, ses dents aussi blanches que les neiges qui recouvrent l'Everest derrière lui. Il se tient au sommet du Lhotse à 8516 mètres et s'adresse à ses followers sur Instagram, via sa caméra. Il n'en a pas l'air, mais il vient une fois de plus de réaliser un exploit qui le conforte dans sa position hégémoniqu­e en Himalaya.

Beaucoup en rêvaient, il l'a fait. Le monde entier connaît cet homme de 38 ans depuis qu'il a, en 2019, enchaîné l'ascension des 14 sommets de plus de 8000 mètres en six mois et six jours. Respecté depuis qu'il a gravi avec une équipe népalaise le K2 en hivernale et sans oxygène, il a toujours laissé entendre que son cerveau foisonnait d'idées en matière d'accompliss­ement en altitude.

Le 16 mai, il a donc, de nouveau, frappé. Celui que l'on surnomme affectueus­ement Nims Dai a réalisé la traversée entre l'Everest (8848 mètres) et le Lhotse, en 26 heures, sans repasser par le camp de base et sans oxygène. «Une idée simple avec un risque d'échec important», résumait Kilian Jornet avant d'y renoncer lors de sa tentative en 2021 avec l'Allemand David Göttler.

L'arête qui relie la première et la quatrième plus hautes montagnes du monde n'est techniquem­ent pas très difficile, mais elle s'étire en majeure partie à une altitude supérieure à 8000 mètres. Le col Sud à 7906 mètres est le point le plus bas de la traversée. La parcourir revient dont à s'imposer un séjour prolongé dans ce qu'on appelle la zone de la mort où le manque d'oxygène favorise gelures, mal des montagnes et oedèmes.

Ceux qui ont tenté ce doublé sans passer entre les deux sommets par le camp de base font partie du fleuron de l'himalayism­e. Vingt ans avant la tentative catalano-germanique, l'Italien Simone Moro et le Russo-Polonais Denis Urubko ont dû s'en détourner pour venir en aide à la Polonaise Anna Chervinska­ya, en difficulté au

«Ma mission était de montrer ce que l’humain est capable de faire avec un état d’esprit positif» NIMS DAI, ALPINISTE ET GUIDE

col Sud. En 2017, c'est avec ce projet en tête que l'alpiniste suisse Ueli Steck est mort sur le Nuptse, une cime voisine alors qu'il s'acclimatai­t. Personne donc n'y était parvenu avant ce jour de mai.

Concentré sur son travail

Comme souvent en Himalaya, réussir cet exploit requiert une part de chance. La fenêtre météorolog­ique ainsi que la forme physique doivent être au beau fixe. Le soleil a brillé pour Nims Dai qui, avant de réaliser la plus haute traversée du monde, venait d'atteindre, huit jours et 23 heures plus tôt, le sommet du Kangchenju­nga (8586 m). L'air de rien, Nirmal Purja effectue en gravissant trois 8000 en moins de neuf jours un second record.

S'il enchaîne cette année les exploits, l'ancien gurkha précise pourtant que ce n'était pas son intention. «J'étais entièremen­t concentré sur mon travail de guide, écrit-il. J'ai toujours considéré qu'inspirer les gens et montrer ce que l'humain est capable de faire avec un état d'esprit positif était ma mission.» D'ailleurs, tous ses clients sont parvenus aux sommets qu'ils convoitaie­nt, précise-t-il, avant de glisser son credo: «Rien n'est impossible.»

Selon Alpine Mag, seuls cinq alpinistes ont enchaîné les escalades de l'Everest et du Lhotse sans oxygène. Mais chaque fois, ils sont redescendu­s au camp de base. Une fois de plus, Nims Dai semble ignorer les préoccupat­ions bien terre à terre des êtres humains. Pourtant selon son témoignage, durant ces quelques jours en haute altitude, il a souffert d'une mauvaise toux qui ne lui a pas rendu la tâche facile. Mais il bénéficie d'une motivation puissante: «Je fais cela pour les Népalais et pour ceux qui cherchent à dépasser les limites.»

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(ADRIEN QUAN POUR LE TEMPS)
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