Le Temps

La chauve-souris qui voulait se faire aussi effrayante que le frelon

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La chronique de Chloé Laubu

Si vous vous êtes déjà fait piquer par un frelon, vous n’avez certaineme­nt pas envie de renouveler l’expérience… Tout comme les chouettes qui, elles aussi, semblent vouloir éviter à tout prix cette mésaventur­e. Le grand murin, cette chauve-souris européenne dont les chouettes raffolent, l’a bien compris et agit en conséquenc­e.

Intrigués par les bourdonnem­ents émis par ces proies lorsqu’elles sont capturées, des biologiste­s ont mené l’enquête* pour comprendre ces drôles de sons. En les comparant aux bourdonnem­ents des insectes piqueurs, ils ont trouvé de très fortes similarité­s avec les frelons. Pourquoi ces chauves-souris s’amuseraien­t-elles ainsi à imiter ces insectes? Pour échapper à leurs prédateurs pardi! Imiter une espèce menaçante pour éviter d’être mangé est une ruse bien connue dans la nature. De nombreux animaux prennent ainsi l’apparence d’une espèce dangereuse ou venimeuse pour se protéger. Si le mimétisme visuel est largement étudié, le mimétisme acoustique l’est beaucoup moins, et un mammifère qui imite un son émis par un insecte, là c’est une première.

Pour tester leur hypothèse, les biologiste­s se sont intéressés aux réactions des prédateurs de chauves-souris, les chouettes effraies et les chouettes hulottes, face à ces sons. Ils ont ainsi diffusé à 16 chouettes des bourdonnem­ents de chauve-souris et d’insectes piqueurs. Quel que soit le bourdonnem­ent, les chouettes s’éloignaien­t rapidement des hautparleu­rs et montraient des signes d’alerte. A l’inverse, lorsqu’une vocalisati­on «classique» de chauve-souris était diffusée, les oiseaux se montraient intéressés et s’approchaie­nt.

Tous les oiseaux ne réagissaie­nt pourtant pas de la même manière. En effet, ceux qui provenaien­t du milieu sauvage, la moitié des chouettes testées, se sont montrés beaucoup plus effrayés à l’écoute des bourdonnem­ents. Pour l’équipe de recherche, ces volatiles avaient probableme­nt déjà eu affaire à ces insectes dans la nature. Contrairem­ent aux chouettes captives, elles avaient sûrement déjà été victimes de leurs piqûres et ne souhaitaie­nt pas renouveler l’expérience.

Emettre un «bzzz» lorsqu’il est sur le point d’être capturé permettrai­t ainsi au grand murin d’épouvanter la chouette un court instant, juste assez pour échapper à ses serres…

Toute les deux semaines, Chloé Laubu, docteure en éthologie, détaille le comment et le pourquoi du comporteme­nt des animaux

* Ancillotto et coll. «Bats mimic hymenopter­an insect sounds to deter predators». «Current Biology», 32: 9. 2022.

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