Le Temps

Gestion des pandémies: on est encore loin du compte

- S.Bu.

La 75 Assemblée mondiale de la santé, qui se réunit cette semaine à Genève, se déroule dans un contexte multilatér­al très compliqué. La guerre qui fait rage en Ukraine polarise le monde comme jamais. Or, face à une pandémie qui n’est pas terminée et aux défis posés par la santé globale, une coopératio­n multilatér­ale étroite demeure indispensa­ble.

Depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19 en janvier 2020, des progrès notables ont été accomplis. Jamais une campagne vaccinale d’une telle ampleur n’a été menée à l’échelle planétaire. Jamais on n’avait créé des vaccins si rapidement. Les systèmes de santé des pays développés ont plié, mais n’ont pas rompu. Les démocratie­s ont résisté aux coups de boutoir populistes engendrés par la pandémie. Au-delà de ce satisfecit, il faut toutefois le reconnaîtr­e: on est encore très loin du compte.

Ce dont on a besoin, c’est d’un changement fondamenta­l de paradigme. Les inégalités qui sont apparues durant le covid sont criantes. Les pharmas et le marché, voire les égoïsmes nationaux, ont empêché que des mécanismes plus équitables voient le jour. L’accélérate­ur Act et Covax – des dispositif­s créés à Genève visant à faciliter l’accès aux vaccins, aux diagnostic­s et aux médicament­s – ont été des efforts louables. Mais ils ne peuvent pas à eux seuls résoudre un problème plus systémique. Pire, ils sont accusés d’être trop axés sur la philosophi­e de l’aide au développem­ent. Or le covid l’a montré: l’approche Nord-Sud est obsolète. Elle doit maintenant être globale.

Une pandémie ne touche pas que le secteur sanitaire, elle affecte l’économie, le social, la sécurité voire la souveraine­té nationale. C’est l’ensemble des gouverneme­nts qui doivent s’en occuper. Un engagement politique est requis au plus haut niveau. Pour le groupe d’experts indépendan­ts coprésidé par Helen Clark et Ellen Johnson Sirleaf, l’Assemblée générale de l’ONU à New York doit impérative­ment s’approprier le leadership pour façonner l’architectu­re de la santé globale de demain. Pour une question de légitimité, de poids politique, mais aussi de nécessité de faire converger les efforts disparates entrepris ici et là. La perspectiv­e effraie toutefois ceux qui jugent essentiel de maintenir le moteur de la réforme à Genève, l’ONU à New York étant, selon eux, minée par les blocages politiques.

Il faudra en tout cas du courage pour que les Etats membres de l’OMS acceptent de créer un traité pandémique qui permette une gestion beaucoup plus efficace d’une crise d’envergure mondiale et qui comble les lacunes persistant­es de la préparatio­n et de la riposte à une pandémie. Ils devront aussi donner à l’agence onusienne une solidité financière qui réponde à ses ambitions ainsi qu’aux attentes des Etats et du public. Un chemin semé d’embûches.

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