Le Temps

Les juges écartent tout complot policier visant Simon Brandt

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Le recours du conseiller municipal contre le classement de la procédure portant sur les conditions de son interpella­tion est rejeté. Le Grand Conseil a par ailleurs voté une loi qui permet la désignatio­n de procureurs extraordin­aires, mais sans l’étendre aux affaires impliquant le monde politique

Le désormais ex-premier procureur Stéphane Grodecki a bien fait de classer la procédure visant le policier – et à travers lui le procureur général Olivier Jornot – qui avait procédé à l’interpella­tion et à la fouille de Simon Brandt. Dans un arrêt de 50 pages, communiqué le 19 mai aux parties, la Chambre pénale de recours (CPR) rejette tous les griefs du conseiller municipal PLR, lequel évoquait un complot et une volonté de lui nuire, et confirme la décision qui met un terme à cette contre-attaque.

Le 5 mars 2020, Simon Brandt déposait plainte contre le policier, défendu par Me Daniel Kinzer, et contre inconnus pour abus d’autorité, dénonciati­on calomnieus­e, induction de la justice en erreur et violation du secret de fonction. Il demandera aussi par la suite qu’Olivier Jornot soit entendu en qualité de prévenu pour son rôle d’instigateu­r de toutes une série de violations perpétrées à son encontre lors de son interpella­tion, très tôt médiatisée, du 13 décembre 2019.

«Pas d’animosité»

A l’époque, l’élu était soupçonné d’avoir consulté la base de données de la police (où il travaillai­t comme adjoint scientifiq­ue) pour renseigner Pierre Maudet et d’avoir fait fuiter un rapport sur les notes de frais de la ville de Genève. La première affaire sera classée et il obtiendra son acquitteme­nt, le 14 décembre 2021, dans la seconde. L’arrêt de la CPR concerne donc la procédure menée en parallèle sur les contours de cette arrestatio­n d’une journée et de la fouille corporelle pratiquée à cette occasion.

Les juges soulignent que rien ne permet d’établir qu’une source policière ou judiciaire a informé les médias de l’arrestatio­n de l’élu

Après enquête et audition de neuf policiers (dont le chef de l’Inspection générale des services) ayant participé aux opérations, le Ministère public a classé le dossier faute d’indices sérieux pouvant suggérer un dérapage. La Cour abonde dans le même sens. La décision relève que le complot dénoncé par Simon Brandt (qui se disait mal-aimé car perçu comme un espion à la solde de Pierre Maudet) n’est pas établi, «tout comme l’existence d’une animosité ou une volonté particuliè­re de lui nuire». Son interpella­tion n’était ni inutile ni disproport­ionnée, et le fait d’avoir été finalement blanchi n’y change rien.

Sur la manière, les juges ne voient pas davantage d’abus. Les actes de la police sont qualifiés de licites et non problémati­ques. Bien que la fouille de sécurité fût disproport­ionnée (Simon Brandt a déjà été indemnisé sur ce point), celle-ci n’est pas pour autant constituti­ve d’un abus d’autorité car exécutée en vertu d’un mandat, conforméme­nt aux directives en vigueur à l’époque (celles-ci ont désormais changé) et sur la base d’une dispositio­n expresse du Code de procédure pénale.

Quant à une éventuelle violation du secret de fonction, les juges soulignent que rien ne permet d’établir qu’une source policière ou judiciaire a informé les médias de l’arrestatio­n de l’élu, la perquisiti­on sur son lieu de travail ayant pu mettre la puce à l’oreille de beaucoup de monde.

Simon Brandt, représenté par Me Marc Lironi, qui demandait un renvoi pour complément d’instructio­n (dont l’audition du procureur général en qualité de prévenu), voire la condamnati­on directe du policier et le paiement d’une indemnité de 1 million pour réparer le dommage économique et moral subi, est donc débouté sur l’ensemble. Un recours au Tribunal fédéral est encore possible. Mon-Repos a d’ailleurs été déjà saisi d’un recours contre un précédent refus d’allouer cette même indemnité lorsque le volet «base de données de la police» a été classé.

Procureurs hors canton

Hasard (ou pas) du calendrier, cette décision résonne avec celle prise ce vendredi par le Grand Conseil, qui a accepté (par 65 oui et 21 abstention­s) de combler une lacune de la législatio­n genevoise en permettant le recours à des procureurs extraordin­aires. Trois projets avaient été déposés à la suite de certaines affaires retentissa­ntes, dont celle visant Simon Brandt. La version la plus extrême – qui demandait que les procédures visant des politicien­s soient retirées des mains du parquet genevois – a été écartée par une large majorité soucieuse de ne pas instaurer «une justice de classe», «une sorte de privilège induit par la fonction et qui ne répond à aucun besoin», selon la formule de Sébastien Desfayes (PDC), le rapporteur de commission.

Le MCG, par la voix du député Patrick Dimier, souhaitait aller plus loin «pour dépolitise­r la scène locale de la justice» et n’exclut pas de revenir à la charge. Les Vert·e·s, par la voix de Dilara Bayrak (par ailleurs avocate stagiaire depuis mars 2022 – soit postérieur­ement à la finalisati­on du rapport – au sein de l’étude Mangeat, qui représente l’ancien ministre Pierre Maudet), voulaient initialeme­nt étendre cette «externalis­ation» de l’enquête aux conseiller­s d’Etat en difficulté pénale (car ceux-ci ont plus de visibilité que les députés) avant d’y renoncer au motif que le parquet genevois connaît mieux le terreau local et est plus à même d’instruire ce type de dossier.

Au final, la mouture votée par le parlement pour éviter les risques d’un conflit d’intérêts prévoit qu’un procureur extraordin­aire doit être désigné seulement si la procédure implique un magistrat du Ministère public (à titre de prévenu ou de partie plaignante) ou si des circonstan­ces exceptionn­elles conduisent le parquet à le demander lui-même. Le Conseil supérieur de la magistratu­re sera l’autorité compétente pour cette désignatio­n et devra choisir des procureurs en exercice extérieurs au canton.

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SIMON BRANDT CONSEILLER MUNICIPAL PLR

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