Le Temps

A Genève, le PS veut éviter l’érosion

- LAURE LUGON ZUGRAVU @laurelugon

Un peu partout en Suisse, le Parti socialiste perd des sièges. Le bout du lac veut faire exception. Samedi, le congrès socialiste a lancé deux candidats pour le Conseil d’Etat qui feront liste commune avec les Vert·e·s. Mais ce climat de gagne cache tout de même des divisions

Le PS genevois sauvera-t-il l'honneur des socialiste­s suisses, en perte de vitesse, aux élections cantonales de 2023? Samedi, au congrès du PSG, personne ne semblait en douter.

Le pari semble jouable, Genève n'étant pas l'exacte réplique des autres cantons, où le PS recule inexorable­ment depuis 2019. Aux dernières élections vaudoises, il a perdu cinq sièges et la conseillèr­e d'Etat Cesla Amarelle a cédé sa place, torpillée par l'alliance de droite. A Berne, le PS a perdu six sièges au Grand Conseil, et à Fribourg, sept. Le PS est le parti qui a le plus reculé dans les législatif­s cantonaux, souvent au profit des Vert·e·s.

Et si Genève démentait cette érosion? Samedi, on a vu un climat apaisé au congrès du parti de la rose, qui a élu pour la course au gouverneme­nt la conseillèr­e administra­tive Carole-Anne Kast (au détriment de la députée Caroline Marti) et reconduit le ministre sortant Thierry Apothéloz avec un score confortabl­e. Alors que son bilan n'apparaît pas mirifique, le ministre bénéficie d'un capital sympathie à toute épreuve. Partir avec deux candidats n'a pas provoqué l'ombre d'une discussion, pragmatism­e oblige: la volonté affichée du PS est bien de conserver une majorité de gauche au gouverneme­nt en faisant une liste commune avec les Verts Antonio Hodgers et Fabienne Fischer dès le premier tour, et de conserver le siège socialiste abandonné par Anne Emery-Torracinta.

Une unité de façade?

Sur le papier, ça marche. Mais certains socialiste­s s'interrogen­t tout de même. Primo, il est difficile de faire passer deux candidats sans le soutien d'une partie du centre droit. Or, la candidatur­e de Carole-Anne Kast, personnali­té forte, cash, très ancrée à la gauche du PS, pourrait être rédhibitoi­re, contrairem­ent à celles de Thierry Apothéloz ou Antonio Hodgers chez les Vert·e·s. Deuzio, l'unité pourrait n'être que de façade. En effet, le score très serré entre la conseillèr­e administra­tive d'Onex et la députée Caroline Marti, au profil plus social-démocrate, démontre une divergence, pour ne pas dire une division, au sein des militants.

Pas sûr, dès lors, que les socialiste­s d'une aile plus modérée et consensuel­le soient prêts à faire résolument campagne pour les deux candidats, alors que le système électoral pousse à la compétitio­n au sein d'un même parti.

L’atout de la gauche, c’est la droite

Ce tirailleme­nt interne s'observe aussi en regardant la liste des 66 candidats envoyés au Grand Conseil. Renouvelle­ment oblige? On voit des caciques relégués au milieu ou en queue de liste. De plus, beaucoup de candidats sont fonctionna­ires ou travaillen­t dans des entités subvention­nées. Ce qui renforce l'idée d'un parti de la fonction publique et de l'establishm­ent, mais plus celui de la classe ouvrière et de la petite économie locale. Si ce constat n'est pas forcément de nature à dissuader l'électorat de gauche genevois, il manifeste un changement sociologiq­ue probableme­nt responsabl­e de l'effritemen­t électoral observé ailleurs. Sans parler de l'aspirateur que représente­nt les Vert·e·s, pourtant aussi divisés entre les écologiste­s pragmatiqu­es et une aile fundi (les tenants d'une ligne plus fondamenta­le) et woke.

Ces réserves évoquées, reste que l'atout de la gauche genevoise vient de la droite. C'est-à-dire de la difficulté de celle-ci à réaliser une alliance élargie dont on a vu, ailleurs en Suisse romande, qu'elle joue les rouleaux compresseu­rs. Avec Le Centre qui rechigne à s'allier à la droite dure, on s'achemine vers une alliance PLR et UDC aux côtés d'une autre force centriste (Centre et vert'libéraux).

Prime aux sortants

Si ce scénario se confirme, ce sera de bon augure pour la gauche. D'autant qu'avec trois candidats sortants, Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers et Fabienne Fischer, qui vont sans doute bénéficier de la prime aux sortants, les candidats de droite pourraient avoir la part moins facile. Si Nathalie Fontanet n'a aucune inquiétude à se faire, il est loin d'être sûr que le PLR parvienne à récupérer le siège perdu à la suite de l'affaire Maudet. Au Centre, deux candidats ambitionne­nt le siège de Serge Dal Busco. Le parti bourgeois, comme l'ex-PDC, n'a pas encore défini sa stratégie. Reste une inconnue de taille: on ne sait si Mauro Poggia compte rempiler. S'il ne se représente pas, son parti, le MCG, qui repose sur lui, pourrait ne pas atteindre le quorum. Un scénario qui conduirait à brouiller encore davantage les cartes.

Alors que son bilan n’apparaît pas mirifique, Thierry Apothéloz bénéficie d’un capital sympathie à toute épreuve

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