Le Temps

L’«helicopter money» numérique au secours de la Chine

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Et si la Chine relançait son économie grâce aux cryptomonn­aies? Pas n’importe quelle crypto, bien sûr. Certaineme­nt pas les explosives créatures technico-financière­s qui font rêver de fortunes rapides sur les réseaux sociaux. De plus en plus d’observateu­rs imaginent que Pékin pourrait utiliser son yuan numérique pour distribuer du pouvoir d’achat aux individus pénalisés par la pandémie et les confinemen­ts, imposés à Shanghai notamment. Cette variante numérique de l’helicopter money aurait plus d’un avantage pour le gouverneme­nt chinois.

L’activité continue à ralentir en Chine, sous l’effet des difficulté­s du marché immobilier et du covid. Pékin a bien injecté des liquidités dans le système, mais ménages et entreprise­s semblent réticents à emprunter, faute de confiance en l’avenir. C’est peut-être le moment de soutenir directemen­t le consommate­ur, mais pas n’importe comment.

La distributi­on d’argent aux individus a été pratiquée aux Etats-Unis pendant la pandémie, début 2020. Des millions d’Américains ont reçu des chèques du gouverneme­nt. C’est une variante de ce qu’on appelle l’helicopter money. S’il avait été crucial pour les plus précarisés, cet argent avait en partie été utilisé pour boursicote­r, notamment sur les cryptos ou des petites valeurs en vogue sur les forums de discussion à l’époque – cela a notamment donné l’épisode GameStop. Certains morts ont même dû rembourser. Avec un chèque, impossible en effet de contrôler comment l’argent est dépensé.

Donner, mais aussi contrôler

Mais avec de la monnaie numérique, les possibilit­és sont immenses. Voici comment l’opération pourrait se dérouler. Le gouverneme­nt central commencera­it par envoyer des yuans numériques sur les portefeuil­les électroniq­ues de ses citoyens. Mais des limites seraient fixées concernant l’utilisatio­n de ces fonds. Par exemple pour qu’ils ne permettent d’acheter que des biens de première nécessité, comme la nourriture. Ou qu’ils ne puissent être dépensés que dans certains magasins. Cela empêcherai­t de les utiliser pour spéculer. Une date limite de consommati­on pourrait être déterminée, afin d’éviter que cet argent soit épargné et donc retiré du circuit économique. Enfin, le gouverneme­nt saurait exactement qui a fait quoi avec cette subvention.

Des limites peuvent être fixées sur l’utilisatio­n de ces fonds. Par exemple pour qu’ils ne permettent d’acheter que des biens de première nécessité

On se dit que la capacité de contrôle qu’offre une monnaie numérique pourrait intéresser Pékin. D’autant plus que la Chine est en avance dans le domaine des CBDC, les monnaies numériques de banque centrale. Des programmes de tests ont été lancés dès 2017 dans une dizaine de grandes villes dont Shanghai et Shenzhen.

On pourrait même imaginer que le pays paie des vacances à ses citoyens via ce système de yuan numérique. En langage moins politiquem­ent correct, cela signifiera­it que Pékin dédommager­ait ses ressortiss­ants pour leur avoir interdit de quitter leur appartemen­t pendant un mois. Avec même, peut-être, une somme supplément­aire pour réparer la porte de leur appartemen­t qui avait été soudée par les autorités, par précaution.

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