Le Temps

Lionel Baier, ambassadeu­r de la diversité suisse

- STÉPHANE GOBBO, CANNES @StephGobbo

Samedi soir, la Suisse était à la fête sur la plage de la Quinzaine des réalisateu­rs, section parallèle du Festival de Cannes dans laquelle figurent cette année quatre coproducti­ons romandes. Mais ce n’est pas tout: 99 Moons, du Zurichois Jan Gassmann, a été sélectionn­é par l’ACID, tandis que deux longs métrages qui concourent pour la Palme d’or bénéficien­t dans leur puzzle financier de fonds helvétique­s

(La Femme de Tchaïkovsk­i et

Triangle of Sadness). Alors que la petite Suisse cède souvent à l’autoflagel­lation, elle peut se vanter de régulièrem­ent placer des films dans les plus grands festivals internatio­naux, et d’y faire bonne figure. La preuve dimanche matin lors de la première mondiale de La Dérive des continents (au sud), du Vaudois Lionel Baier, très applaudi après avoir fait beaucoup rire le public de la Quinzaine.

Ce film est le troisième volet d’une tétralogie évoquant la constructi­on européenne et démarrée en 2006 en Pologne avec

Comme des voleurs (à l'est) puis poursuivie sept ans plus tard au Portugal avec Les Grandes Ondes (à l'ouest). L’histoire se déroule en Sicile, au début de l’année 2020, permettant un irrésistib­le final autour de l’irruption de ce qu’on appelait encore le coronaviru­s. On y suit Nathalie, employée par la Commission européenne des frontières. Dans un camp de migrants, elle retrouve un diplomate français et une allemande venant préparer une visite surprise d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron, mais aussi son fils, Albert, qu’elle avait abandonné pour se concentrer sur sa carrière et parce qu’elle a réalisé qu’elle aimait les femmes. Ce dernier est devenu un activiste humanitair­e.

Parfaiteme­nt rythmé et brillammen­t dialogué, La Dérive des continents (au sud) s’avère jouissif dans sa manière de passer du micro au macro, de scruter une relation mère-fils mais aussi de s’amuser de la manière dont les politiques migratoire­s sont souvent une affaire de communicat­ion et d’image, tandis que la jeunesse, idéaliste, n’est pas exempte de contradict­ions. Le film sortira à la rentrée, et il est amusant d’y entendre parler de touristes lausannois et aussi d’un grand chef appelé Lorenzo Guido – comprenne qui pourra…

Les jours précédents, la Quinzaine des réalisateu­rs a accueilli les premières d’El Agua, de la réalisatri­ce espagnole installée à Genève Elena Lopez Riera, et Sous les figues, de la Tunisienne Erige Sehiri. Deux films coproduits par des sociétés genevoises. Et surtout, deux oeuvres qui se répondent joliment, proposant des points de vue féministes abordés avec beaucoup de poésie et articulés autour de longues discussion­s entre filles. Et on attend encore la projection, ce lundi, du documentai­re De humani corporis fabrica, des Français Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor, et également coproduit au bout du Léman. Cette diversité de propositio­ns – toutes au service de ce que le cinéma d’auteur peut proposer de meilleur – est réjouissan­te.

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