Le Temps

Jil Teichmann, le maillon fiable

- LAURENT FAVRE, PARIS @LaurentFav­re

Un peu méconnue du grand public, la Biennoise, facilement qualifiée pour le deuxième tour, est depuis plus d’un an la joueuse suisse la plus régulière. Il ne lui manque qu’une grande performanc­e en Grand Chelem. Pourquoi pas dans ce Roland-Garros?

Gentiment, le tennis suisse a appris à recentrer son regard à l’approche des tournois du Grand Chelem sur le tableau féminin. A Roland-Garros, elles sont trois, les trois mêmes que d’habitude. Par ordre d’apparition: Jil Teichmann, opposée dimanche en début d’aprèsmidi à l’Américaine Bernarda Pera sur le court n° 7, Belinda Bencic, programmée en fin de journée sur le 14 contre la Hongroise Reka Luca Jani, et Viktorija Golubic, qui entrera en lice lundi (comme Stan Wawrinka et Henri Laaksonen) en quatrième rotation sur le court n° 9 face à l’Américaine Katie Volynets.

De ce trio, Jil Teichmann, 24 ans et 24e mondiale (le meilleur classement de sa carrière) est la moins connue. Cela peut s’expliquer. Belinda Bencic est clairement la plus talentueus­e, quart-de-finaliste à l’US Open à 17 ans, Top 10 modiale à 19 ans, championne olympique l’an dernier. Viktorija Golubic suscite la sympathie parce que son jeu à la Hingis se heurte à la force de joueuses beaucoup plus puissantes qu’elle et qu’elle force l’admiration lorsqu’elle parvient en quart de finale de Wimbledon ou décroche une médaille olympique (avec Bencic).

«Elle est très Suisse»

Jil Teichmann souffre un peu de la comparaiso­n. Elle n’est ni hors norme ni atypique. La Biennoise (24 ans) n’est qu’une très bonne joueuse, dont la singularit­é ne se voit pas sur sa figure (elle est née à Barcelone), un peu plus dans son jeu (bâti sur les courts en terre battue de Catalogne) et seulement totalement lorsque cette blonde aux yeux bleus roule la «jota» dans sa gorge dans un castillan parfait. «Pour vous, elle est un peu Espagnole mais pour nous elle est très Suisse par son caractère», lance l’une de ses coachs, l’ancienne joueuse Arantxa Parra (l’autre est Beto Martín).

Depuis un an et demi, Teichmann est la Suissesse la plus régulière, sauf en Grand Chelem où elle n’a pas encore réussi une grande performanc­e digne de son talent. Une fois finaliste et deux fois demi-finaliste en Masters 1000, dont tout récemment à Madrid, elle n’est jamais allée plus loin que le deuxième tour en Grand Chelem, ne passant que trois fois un tour en dix participat­ions, dont aucun à Roland-Garros avant ce dimanche. Cette incongruit­é statistiqu­e a pris fin en un peu plus d’une heure, le temps de coller deux sets à l’Américaine Bernarda Pera (6-2 6-1).

Dans ce duel de gauchères disputé sous un ciel couvert, parsemé de quelques gouttes éparses mais constantes, Teichmann a bien débuté (break d’entrée) puis s’est fait rejoindre à 2-2. On craignait que ce soit les adducteurs (elle s’est retirée sur blessure il y a dix jours à Rome), ce n’était que les nerfs. «Un premier tour, c’est toujours particulie­r, expliquait son entraîneus­e Arantxa Parra, à la sortie du court. Et puis Jil connait parfaiteme­nt son adversaire, elles s’entraînent souvent ensemble sur les tournois.»

Bernarda Pera ne fut donc pas surprise de voir Jil Teichmann accélérer en même temps qu’elle se décontract­ait. La Biennoise se mettait à commettre moins de fautes directes, devenait plus mordante au service, variait les angles et les effets, empêchait sa rivale de jouer en cadence. Son tennis apparut alors tel qu’il est: l’un des plus complets du circuit féminin.

Enchaîner enfin

Que lui manque-t-il alors pour aller loin dans un Grand Chelem? «Rien. Elle a tout. C’est juste une question d’expérience et de confiance», assure Arantxa Parra. «J’ai souvent été blessée au mauvais moment, je n’ai pas eu tant d’occasions que ça de jouer en Grand Chelem, ajouta Jil Teichmann en conférence de presse. J’ai juste besoin de jouer, d’enchaîner les matchs et d’accumuler de l’expérience. Si je vais bien, je ne vois pas pourquoi je ne réussirais pas.»

Sa prochaine adversaire, la Serbe Olga Danilovic, issue des qualificat­ions, est surtout connue pour être la fille du grand basketteur Predrag Danilovic. Jil Teichmann, qui est tête de série pour la première fois de sa carrière, a une belle carte à jouer. Elle n’a besoin que de se lancer dans le tournoi. Et peut-être se retrouver alors dans un état proche de l’Ohio, lorsqu’elle avait successive­ment éliminé Naomi Osaka, Belinda Bencic et Karolina Pliskova à Cincinnati en août 2021. Cette semaine-là, elle était le fleuron du tennis suisse.

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(PARIS, 22 MAI 2022/ROBERT PRANGE/GETTY IMAGE EUROPE)

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