Le Temps

La variole du singe prise très au sérieux à Genève

La 75e Assemblée mondiale de la santé, réunie cette semaine dans la Cité de Calvin, se focalise avant tout sur le Covid19, mais une épidémie vient court-circuiter ses réflexions

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

Le Covid-19 occupe beaucoup les délégués de la 75 Assemblée mondiale de la santé (AMS) réunie cette semaine à Genève. La pandémie n'est pas terminée, comme l'a souligné lundi le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesu­s. Pourtant, un autre nom inquiète, le long des travées du Palais des Nations: celui de la variole du singe. Les cas se multiplien­t en Europe. Plus de 200 cas ont été identifiés dans 14 pays, selon l'OMS. La Suisse a aussi recensé un premier porteur de la maladie.

Quarantain­e en Belgique

Responsabl­e de l'Unité des maladies émergentes et des zoonoses à l'OMS, Maria Van Kerkhove a cherché à rassurer lundi: «La variole du singe peut tout à fait être contenue. Nous avons accru sa surveillan­ce.» Mais pour l'heure, elle se répand. La Belgique vient d'imposer une quarantain­e de trois semaines aux personnes touchées. En marge de l'AMS, le ministre allemand de la Santé, Karl Lauterbach, n'a pas caché que cette épidémie est prise au sérieux. «Il faut s'attendre à un changement du mode de propagatio­n du virus», a-t-il relevé devant la presse. Berlin collabore avec l'Institut Robert Koch pour identifier les propriétés du génome en question et émettre un certain nombre de recommanda­tions obligatoir­es.

Après un examen épidémiolo­gique, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) relevait dans un document publié lundi que «la probabilit­é que la variole du singe se propage entre personnes ayant plusieurs partenaire­s sexuels est élevée en Europe». Ce risque est jugé faible pour la population en général. «Bien que la plupart des cas récemment recensés n'aient présenté que des symptômes légers, la variole du singe peut mener à de sévères maladies chez les jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodépr­essives», ajoute l'ECDC.

Un virus stable

Responsabl­e du Secrétaria­t variole au sein du programme des urgences de l'OMS, Rosamund Lewis relève que le virus est endémique dans certains pays, dont le Nigeria. Il est désormais présent aussi en République démocratiq­ue du Congo, en Centrafriq­ue et au Cameroun. Il a été identifié pour la première fois dans les années 1970, mais ces dernières années, des cas isolés ont été recensés en Europe. Présent avant toutdans des zones rurales, proches de forêts, il se propage désormais aussi en zone urbaine.

La maladie se transmet par contact physique étroit. Depuis peu, il estprévale­nt chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes. Mais, prévient Andy Seale, conseiller stratégiqu­e à l'OMS, «ce n'est pas une maladie d'homosexuel­s, sexuelleme­nt transmissi­ble en tant que telle». Il met en garde contre toute stigmatisa­tion de ce groupe de la population.

Les symptômes sont classiques: fièvre, douleurs musculaire­s et dorsales, perte d'énergie et éruptions cutanées touchant tout le corps, sous la forme de cloques qui peuvent être purulentes. L'ECDC n'exclut pas que la variole du singe devienne endémique: «Si une transmissi­on de l'humain à l'animal se produit, et que le virus se diffuse dans la population animale, il y a un risque que la maladie devienne endémique en Europe.» Pour l'heure, un tel cas de figure ne s'est pas présenté, mais il démontre une nouvelle fois la nécessité de développer un concept de santé globale qui inclut la lutte contre les zoonoses.

Des vaccins existants

Rosamund Lewis reste prudente et reconnaît qu'on ne sait pas encore tout sur le virus. Mais à considérer son ADN, le «virus est très stable et nous n'avons aucune preuve de sa mutation. Les futurs séquençage­s génomiques permettron­t d'en savoir plus.» Il existe des antiviraux et des vaccins. Ceux de la variole éradiquée en 1980 peuvent être utiles, ajoute Rosamund Lewis. Ils protègent à 85%; quant aux vaccins antivariol­iques les plus récents, que l'Office fédéral de la santé publique envisage de se procurer alors qu'un cas a été détecté dans le canton de Berne, ils sont encore plus efficaces.

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