Le Temps

Le Libérien Alieu Kosiah se voit refuser un second avocat d’office

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

L’ex-chef rebelle, condamné à 20 ans de prison pour crimes de guerre par le Tribunal pénal fédéral, réclamait la désignatio­n d’un défenseur supplément­aire pour affronter son procès en appel, en raison de la complexité de la procédure. La requête est rejetée

On ne change pas de défenseur d’office comme on change de chemise et on n’a pas forcément le droit à un second avocat rémunéré par l’Etat, surtout si le jugement de première instance a déjà été rendu. L’ex-chef rebelle libérien Alieu Kosiah, qui a fait appel de sa condamnati­on à 20 ans de prison pour crimes de guerre, échoue à obtenir un casting renforcé pour affronter son second procès à Bellinzone.

L’ordonnance, publiée ce lundi, rejette tous les arguments du prévenu. Me Dimitri Gianoli, avocat de Saint-Imier (BE) et aussi de permanence ce jour de novembre 2014 où le prévenu a été rattrapé par son passé alors qu’il était venu trouver refuge en Suisse, conserve donc son mandat et reste le seul conseil indemnisé par l’autorité. Une décision qui peut encore être attaquée devant le Tribunal fédéral.

Motifs fluctuants

Un jugement de 290 pages, rendu le 18 juin 2021, reconnaît Alieu Kosiah, 47 ans, coupable d’une longue liste de violations des lois de la guerre pour avoir commis de multiples atrocités alors qu’il occupait une fonction importante au sein d’un des bataillons de l’Ulimo durant le premier conflit libérien (1989-1996).

Pour attaquer cette décision qui fait de lui un criminel de guerre particuliè­rement cruel, l’ex-chef rebelle a tout d’abord demandé à changer de conseil en avançant une rupture du lien de confiance avec Me Gianoli, qu’il remerciait par ailleurs pour le travail effectué. Il voulait désormais être défendu par Me Jean-Pierre Bloch, un avocat lausannois, prêt à reprendre le mandat.

Par la suite et après avoir essuyé un premier refus, Me Bloch a demandé à être désigné en tant qu’avocat d’office supplément­aire. La confiance étant désormais restaurée et compte tenu de l’ampleur et de la complexité de la procédure, Me Gianoli estimait lui aussi que cet appui n’était pas de trop pour faire face à des questions juridiques atypiques, au Ministère public de la Confédérat­ion ainsi qu’aux quatre avocats affûtés (dont le fondateur de l’ONG Civitas Maxima Alain Werner) des parties plaignante­s.

Le président de la Cour d’appel est d’un autre avis. Son ordonnance rappelle que seules des circonstan­ces exceptionn­elles – non réunies ici – permettent de révoquer un mandat d’office. Même si cette requête initiale est devenue sans objet puisque les avocats demandent à travailler en duo, la décision tient à souligner que la relation de confiance entre Alieu Kosiah et son conseil n’a jamais été gravement perturbée, que celui-ci a assuré une défense effective et efficace, qu’il a régulièrem­ent rendu visite à son client et qu’il a plaidé une dizaine d’heures lors des débats. En clair, si la requête avait été maintenue, celle-ci aurait été rejetée.

La désignatio­n d’un second défenseur d’office ne rencontre pas davantage de succès. Si cette mesure est possible dans des cas exceptionn­els impliquant une complexité particuliè­re, la décision souligne que cet argument a été soulevé seulement au stade de l’appel «où la complexité d’une affaire ne tend normalemen­t pas à s’accentuer, mais au contraire à se réduire». L’ordonnance souligne enfin que les deux avocats n’allèguent pas avoir des compétence­s profession­nelles complément­aires ou spécifique­s susceptibl­es de justifier cette adjonction.

Contacté, Me Bloch, 76 ans, précise qu’il n’est effectivem­ent pas un spécialist­e du droit pénal internatio­nal, qu’il a été contacté par un groupe de supporters du prévenu et que c’est le stagiaire motivé et encore plein d’énergie de l’étude qui s’occupe du suivi de ce dossier. Reste à savoir si les fidèles soutiens d’Alieu Kosiah (lui-même étant considéré comme indigent) seront enclins à financer cette aventure ou si les avocats seront prêts à «partager» un seul mandat d’office pour ce nouveau procès dont la date n’est pas encore fixée.

«En appel, la complexité d’une affaire ne tend normalemen­t pas à s’accentuer, mais au contraire à se réduire» LE PRÉSIDENT DE LA COUR D’APPEL DANS SON ORDONNANCE

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