Les livraisons d’armes, vu de Russie
Hier, la presse russe commentait abondamment la décision allemande et américaine d’envoyer des chars de combat à l’Ukraine
«Possible reprise de la mobilisation», «représailles», «le plus gros échec de Sholz»… Jeudi, alors que le Kremlin dénonçait «l’engagement direct» des Occidentaux dans le conflit en Ukraine – son porte-parole Dmitri Peskov assurant que l’armée russe anéantirait les chars dont l’Occident «surestimait» l’avantage qu’ils offraient à l’armée ukrainienne – les éditorialistes russes n’avaient que deux noms sous la plume: Leopard et Abrams, ceux des chars livrés respectivement par Berlin et Washington.
«L’Allemagne, pour la troisième fois de son histoire enverra ses chars en Ukraine pour affronter la Russie», écrit un journaliste de Vzgliad, un site d’informations en ligne considéré comme proche du Kremlin. Et de se demander pourquoi Berlin n’a pas directement donné son consentement lors de la réunion des pays alliés de l’Ukraine à Ramstein, en Allemagne, la semaine dernière. Vu de Russie, la décision de Berlin d’envoyer 14 chars Leopard en Ukraine ne passe pas plus que celle des Américains qui ont choisi d’expédier une trentaine de chars Abrams. Le chancelier allemand qui n’a pas su être le «pacificateur» attendu et a «pris part» au conflit, semble avoir particulièrement déçu. «Il a déjà été prouvé deux fois que la tentative allemande d’envoyer des chars en Ukraine contre la Russie est un échec. Vous devez être un leader exceptionnel pour vous y essayer une troisième fois en espérant réussir», tacle l’éditorialiste, concluant qu’Olaf Scholz ne l’est pas.
«L’Allemagne, pour la troisième fois de son histoire enverra ses chars en Ukraine pour affronter la Russie» UN JOURNALISTE DE VZGLIAD
«Nouvelle mobilisation?»
Le quotidien économique russe Kommersant rapporte quant à lui les propos de Sergueï Nechaev, l’ambassadeur de Russie en Allemagne. La décision «amène le conflit à un nouveau niveau de confrontation. Cette décision contredit les déclarations des politiciens allemands sur leur réticence à s’impliquer dans le conflit. Une fois de plus, nous sommes convaincus que l’Allemagne, tout comme ses alliés les plus proches, n’est pas intéressée par une solution diplomatique à la crise ukrainienne. Elle se positionne pour son escalade permanente et fournit au régime de Kiev des armes de plus en plus meurtrières.» Cité dans le même article, le Ministère russe des affaires étrangères qualifie la décision de Berlin «d’extrêmement dangereuse». D’autres journaux d’informations, comme les tabloïds Komsomolskaïa Pravda ou Moskovski Komsomolets, font quant à eux l’inventaire de l’arsenal ukrainien, listant les avantages et les points faibles des chars Leopard et Abrams et interrogeant des experts militaires qui débattent des stratégies «pour les détruire».
D’autres quotidiens, comme la Nezavissimaïa Gazeta, s’interrogeaient sur un tout autre sujet: celui de la mobilisation militaire. Quelques jours après la première grande interview de Valeri Guerassimov, chef de l’état-major général des forces armées russes, qui reprend désormais en mains les opérations en territoire ukrainien, le quotidien russe, comme d’autres, s’inquiète: de nouveaux conscrits seront-ils appelés sous les drapeaux? Et le quotidien de se préoccuper, dans un éditorial, de la «vague d’angoisse» qui accompagnerait la confirmation de telles rumeurs. ■