En Ukraine, une escalade sous contrôle
Après l’annonce par Berlin et Washington de l’envoi prochain de Leopard et Abrams à Kiev, la crainte de l’engrenage est perceptible. Mais la première escalade, c’est celle russe
Faut-il craindre une escalade dans la guerre en Ukraine après l’annonce de la livraison par l’Allemagne et les Etats-Unis de chars à Kiev? Les Leopard 2 et les Abrams n’arriveront toutefois pas avant le mois de mars pour les premiers, et bien plus tard pour les seconds. Hier, la montée des tensions a été provoquée par les forces russes qui ont tiré plus de 55 missiles sur l’Ukraine.
Selon le général ukrainien Valery Zaloujny, 47 d’entre eux ont pu être détruits, dont 20 à proximité de la capitale. Au moins 11 personnes ont été blessées et 11 autres tuées. Moscou a par ailleurs utilisé des drones iraniens de type Shahed, dont 24 ont été abattus. Des sites énergétiques ont été détruits, privant d’électricité une partie des habitants de Kiev et d’autres régions. Après avoir subi plusieurs défaites consécutives l’an dernier, le Kremlin a opté pour une autre stratégie, celle de bombarder les infrastructures énergétiques, des installations civiles et des zones peuplées. Comme ce fut le cas hier.
Demande d’avions de combat
Du côté ukrainien, le président Volodymyr Zelensky n’en est pas à sa première tentative, mais il a à nouveau exhorté les Occidentaux à livrer à son pays des avions de combat, notamment des F-16 américains que possèdent plusieurs pays européens. La Maison-Blanche a toutefois toujours mis son veto à de telles demandes, de peur de voir ces appareils frapper le sol russe. Olaf Scholz n’a pas tenu un autre discours mercredi: «J’ai fait savoir très tôt que nous refusions d’envoyer des avions de combat et je le répète aujourd’hui encore.»
La livraison des chars Leopard et Abrams constituent un tournant stratégique. Elle aggrave le degré de dangerosité du conflit en Ukraine mais n’implique pas, comme cherche à le dire Moscou, une cobelligérance des Occidentaux dans la guerre. Elle s’ajoute à l’envoi déjà important d’autres armes comme les lance-roquettes américains Himars ou les canons français Caesar. Le chancelier allemand Olaf Scholz, qui a beaucoup hésité avant d’accepter d’envoyer des chars allemands, l’a martelé mercredi devant le Bundestag: «Nous faisons ce qui est nécessaire et possible pour soutenir l’Ukraine, mais nous empêchons en même temps une escalade de la guerre, vers une guerre entre la Russie et l’OTAN.»
L’apport de matériel militaire lourd supplémentaire à Kiev vise à permettre au pays de défendre son territoire et sa souveraineté. Il cherche à soutenir des forces ukrainiennes en difficulté à Bakhmout, dans le Donbass, et à anticiper une possible offensive au printemps de la Russie, laquelle entend procéder à une nouvelle mobilisation massive. Les livraisons occidentales se concentrent sur le champ de bataille en Ukraine. Le président américain Joe Biden ne dit pas le contraire: «Il ne s’agit pas d’une menace offensive contre la Russie.»
C’est là tout l’exercice d’équilibrisme des Occidentaux, en particulier des Américains qui sont les plus grands – et de loin – fournisseurs d’aide à Kiev (quelque 27 milliards de dollars depuis le 24 février 2022). Des armes oui, mais sans toute la panoplie de missiles de longue portée qui accompagne généralement le système d’artillerie Himars. Washington n’a jamais voulu livrer des missiles capables de frapper la Russie.
Cette livraison aggrave le degré de dangerosité du conflit mais n’implique pas une cobelligérance
Tout le monde n’a toutefois pas la même prudence. Des discussions seraient en cours entre certains pays européens et l’avionneur Lockheed Martin sur les F-16. Cité par le Financial Times, le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Wopke Hoekstra, disait vouloir prendre en compte «avec un esprit ouvert» d’éventuelles demandes de F-16 de la part de l’Ukraine et qu’il n’y avait pas de «tabous». Les Pays-Bas disposent d’une quarantaine de F-16 qu’ils souhaiteraient peutêtre remplacer par des F-35 plus modernes. Au début de la guerre, la Pologne avait proposé d’envoyer ses MiG-29 à Kiev et de recevoir en échange des F-16 des Etats-Unis. Washington avait décliné, estimant que la démarche pouvait provoquer une escalade excessive du conflit.
En attendant, escalade il y a bel et bien. Et la fameuse horloge de l’apocalypse, une horloge conceptuelle créée en 1947 par le Bulletin des scientifiques atomiques (dont Einstein était un fondateur) a été avancée. Elle n’est plus qu’à 90 secondes avant minuit, qui symboliserait l’apocalypse. Elle n’a jamais été aussi proche de cette heure fatale… ■