Formons notre société au pouvoir de la bienveillance
La pause qui marque la fin d’une année et le début d’une nouvelle est un instant propice à la réflexion. Passé l’excitation qui précède Noël, les quelques jours où tout s’arrête nouslaissent la possibilité de nous poser face à nousmêmes, et pour peu qu’on y mette suffisamment de sincérité, nous permettent ce nécessaire et bénéfique exercice d’introspection.
J’en sors avec une conviction qui s’est dessinée depuis quelque temps et qui, désormais,me tient lieu de doctrine, dans ma vie personnelle comme dans mes activités professionnelles. Cette conviction se résume en une expression, qui m’est venue dans ma langue natale, l’italien: «Il potere della gentilezza». Le pouvoir de la bienveillance. Je suis intimement convaincue que cette posture positive facilite les relations humaines, et particulièrement les relations de pouvoir. Evidence? Pas tant que cela.
Mon parcours est celui d’une jeune femme combative, qui s’est construite une carapace faite d’exigence voire d’intransigeance, envers soi-même et les autres. Mais plus j’ai avancé dans ma vie, et dans les postes successifs où j’ai pu exercer mes capacités, plus j’ai apprécié à sa juste valeur ce que la Suisse m’a appris. La qualité du dialogue, la nécessité du consensus,la valeur du respect. Et le pouvoir de la bienveillance.
J’ai notamment compris ce qui me paraît fondamental: la bienveillance – ou la gentillesse, ce mot que l’usage a fini par travestir – ne signifie aucune mollesse, aucun renoncement,aucune compromission. Elle permet de rester ferme sur ses valeurs, et sur ses décisions. Mais elle rend les situations difficiles moins sévères, moins dures à avaler. Surtout lorsqu’on détient une part de pouvoir sur les autres.
Je le prends pour moi aussi. Il m’est arrivé de mal traiter autrui, de mal répondre. Je le regrette. Jadis, je pouvais m’énerver contre une personne qui se trompait et la réprimander. Aujourd’hui, je m’efforce d’expliquer pourquoi cette erreur me met en difficulté, et comment nous pouvons éviter qu’elle se reproduise. C’est plus responsabilisant, me semble-t-il.
L’actualité récente, en Suisse et ailleurs (notamment en Italie, où je conserve de fortes attaches), nous a montré à quel point la maltraitance, dans le domaine sportif, scolaire ou éducatif, a fait des dégâts psychologiques et physiques incommensurables. Il fut un tempsoù ces types de comportements étaient tolérés, ou même acceptés, parce qu’ils étaient soi-disant le prix à payer pour atteindre le succès ou l’excellence. Les temps ont changé. Le curseur s’est déplacé, le succès a d’autres facettes. Surtout, le succès ne prime pas sur le respect de l’intégrité d’autrui. Tant mieux.
Maintenant, il nous faut passer à l’étape suivante. De la dénonciation nécessaire des abus,qui doit se poursuivre, passons à la promotion active et organisée de la bienveillance. Soyons cette génération qui aura amené la transition, qui aura vécu les reliquats d’une société où l’on confondait la persuasion avec la violence, l’éducation et la formation avec le dressage, et qui aura su ne pas les reproduire mais fonder un nouveau pacte de transmission des connaissances et des décisions.
Je suis intimement persuadée que cette approche donne de meilleurs résultats, et de meilleures personnes. C’est la philosophie qui nous guide au sein de la HES-SO, et il est normal que les milieux de l’enseignement, des classes enfantines aux hautes écoles, soient le moteur de cette révolution. Une révolution qui formera des professionnels meilleurs, mais surtout des citoyens meilleurs. Une révolution douce et ferme, résolue et engageante, porteuse d’espoir.
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