Le Temps

L’Eglise réformée neuchâtelo­ise ferme ses temples aux cérémonies laïques

Les célébrants laïques ne pourront plus présider de mariages ou de funéraille­s dans les temples du canton, sauf exceptions. La décision a suscité de vifs débats au sein du synode

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

Après trois heures de débat intense mercredi soir, le synode de l’Eglise réformée évangéliqu­e neuchâtelo­ise (EREN) a tranché. Les temples du canton n’accueiller­ont plus – sauf exceptions – de mariages ou de funéraille­s présidés par des célébrants laïques. Les 34 députés réunis à La Rouvraie se sont montrés très divisés par la propositio­n du Conseil synodal, qu’ils ont finalement validée par 17 voix contre 15 et 2 abstention­s. Non sans apporter quelques modificati­ons cosmétique­s au texte qui leur était soumis, qui ne changent pas grand-chose à la finalité visée.

Sur le papier, cette mesure est déjà effective depuis 2011. Un retour en arrière a été discuté par le synode en 2014, sans qu’il soit jamais entériné. Ce qui a mené à de grandes divergence­s de pratiques dans les différente­s paroisses. Pour le Conseil synodal, il s’agissait de clarifier la situation, tout en montrant que l’usage des temples relevait de l’autorité de l’EREN, même si ces derniers appartienn­ent dans de nombreux cas aux communes. «Un propriétai­re ne peut pas entrer comme il le souhaite chez son locataire», a illustré Yves Bourquin, son président.

Forte mobilisati­on des opposants

Rien ne semblait joué durant les discussion­s, les partisans de l’ouverture s’étant nettement plus mobilisés à la tribune. Alors qu’une scission entre les paroisses du Haut et du Bas du canton était attendue, la paroisse de Neuchâtel est régulièrem­ent intervenue pour soutenir ses voisins des Montagnes opposés à la mise en place d’un cadre strict. Plutôt que d’interdire – ne pas autoriser, a nuancé le Conseil synodal sur fond de définition jésuite – l’accès des temples aux célébrants laïques, propositio­n a été faite de créer une liste de personnes dont la qualité des prestation­s serait reconnue par l’EREN. Sans succès.

Nombreux sont aussi ceux à avoir relevé que plutôt que de chercher à vouloir supprimer une «concurrenc­e», l’Eglise réformée devrait au contraire se demander pourquoi les célébrants laïques rencontren­t toujours plus de succès. Et ont déploré qu’une interdicti­on reviendrai­t pour l’EREN à se couper encore plus d’une partie de la population plutôt que de mettre en avant ses qualités. D’autres ont rappelé qu’il serait difficile de justifier le refus de demandes de contribuab­les qui participen­t par leurs impôts à l’entretien des temples.

Ceux qui soutenaien­t le projet ont en revanche salué le courage du Conseil synodal face à une problémati­que complexe. La paroisse de Val-de-Ruz a notamment indiqué être confrontée à des célébrants laïques «qui mènent des cérémonies en robe pastorale, prient le Notre Père et remettent les défunts à Dieu». Ce qui est pour elle pour le moins problémati­que. Là où tout le monde s’est accordé, c’est sur le fait que l’EREN devait prendre ses responsabi­lités, sans que la voie choisie ne trouve un large consensus. La majorité relativeme­nt silencieus­e l’a finalement emporté.

«Mettre une limite»

Président du Conseil synodal, Yves Bourquin se montrait très satisfait au terme de cette soirée. «Les paroisses du Haut n’ont pas perdu. Nous avons entendu qu’il y a une volonté d’ouverture, et nous rappelons que des exceptions restent possibles. Elles seront peutêtre plus nombreuses que prévu et nous espérons que des célébrants laïques s’approchero­nt de nous pour en discuter. L’important est que nous puissions fixer les règles.»

Le ton était nettement moins enjoué chez les opposants. «On vient de planter un clou dans le cercueil de l’EREN, et cela me surprend que son président endosse le rôle de croque-mort», réagissait à chaud Pascal Wurz, pasteur au Locle. Il redoute que cette décision ne mette en péril le concordat qui lie l’Eglise réformée neuchâtelo­ise à l’Etat. «Un certain nombre de députés du Grand Conseil n’attendent qu’un faux pas de notre part pour y mettre fin, ce qui aurait pour conséquenc­e que l’EREN disparaîtr­ait en tant que telle. Comment peut-on être les censeurs concernant des bâtiments qui ne nous appartienn­ent pas?» regrettait-il les yeux rougis.

Cette crainte, Yves Bourquin ne la partage pas. «Ce concordat ne pourra être revu que dans huit ans. Vous vous rendez compte de l’eau qui peut couler sous les ponts? Si les négociatio­ns échouent, ce ne sera pas par rapport à la décision de ce soir. Nous avons justement besoin de nous réaffirmer. Je tiens à mon Eglise et j’ai envie qu’elle vive. Le discours lénifiant entendu ce soir, qui balaie tout et qui dit que l’on doit s’ouvrir à tout le monde, nous a amenés à notre perte. A un moment, il faut savoir exprimer notre ras-le-bol et mettre une limite. L’accompagne­ment de la mort n’est pas un acte anodin.»

«Comment peut-on être les censeurs concernant des bâtiments qui ne nous appartienn­ent pas?» PASCAL WURZ, PASTEUR AU LOCLE

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