Le Temps

Trader en ligne n’est pas jouer

SPÉCULATIO­N La jeune banque genevoise FlowBank lance un concours boursier entre des sportifs de haut niveau pour montrer que la finance est accessible à tous. Comme c’est de plus en plus vrai, «Le Temps» vous guide dans un secteur en pleine ébullition

- ANNE BARRAT @AnneBarrat

Les offres de courtage en ligne se multiplien­t. Elles deviennent de moins en moins chères et de plus en plus faciles à utiliser. Pour le commun des mortels, qui aimerait investir en bourse ou dans de nouveaux actifs comme les cryptomonn­aies, c’est une bonne nouvelle.

Pendant (trop) longtemps, les banques traditionn­elles ont imposé des frais élevés, pour le trading en particulie­r, et les services financiers en général. Sans nécessaire­ment proposer des services de pointe. Les commission­s sont coûteuses et l’efficacité encore limitée, notamment pour des transactio­ns qui doivent traverser une frontière et changer de monnaie.

Or, ces établissem­ents financiers ont toujours plus de concurrent­s, suisses et étrangers. Le vaudois Swissquote est le premier à avoir compris qu’il y avait là des opportunit­és phénoménal­es et en a largement profité. Sans pour autant casser les prix. D’autres offres, moins chères et plus agréables à utiliser, continuent d’arriver sur le marché. C’est le cas de Flowbank, une banque numérique suisse, qui affiche des tarifs défiant toute concurrenc­e. A tel point que les banques établies se sont, elles aussi, mises à développer leurs propres applicatio­ns.

Jusqu’ici, tout va bien, la démocratis­ation de la finance est en bonne voie, et c’est tant mieux. Elle entraînera au passage une inévitable consolidat­ion, car il n’y aura pas de place pour tout le monde.

Pour chaque investisse­ur, les pertes peuvent être réelles et immenses

Mais cette concurrenc­e qui s’accélère pose une autre question, éthique. Les offres reposent, de plus en plus, dans le jargon, sur une gamificati­on de la finance, à l’instar de la nouvelle campagne de Flowbank. Qui n’a pas envie de gagner de l’argent dans des conditions ludiques? En étant guidés par des stars qu’on admire, ici des sportifs comme le footballeu­r suisse Kevin Mbabu ou le conducteur de formule 1 Pierre Gasly, arrivé 8e au Grand Prix d’Arabie saoudite dimanche dernier? Le tout, au sein d’une communauté qu’on apprécie?

Sauf que, pour chaque investisse­ur, novice ou habitué, les pertes peuvent être réelles et immenses. Les stars érigées en modèles, elles, ne perdront pas un centime. Les petits investisse­urs, qui s’étaient mis ensemble pour défendre GameStop début 2021, ont d’abord réussi à résister aux hedge funds qui avaient misé contre cette chaîne de magasins de jeux vidéo américaine. Avant de tout perdre. Et d’apprendre que trader n’est pas un jeu.

Sur leur terrain de jeu, ils sont des stars. Sur les marchés financiers ils sont comme vous et moi face à la complexité des choix qui s’avéreront rémunérate­urs. En lice, neuf champions sportifs de renommée internatio­nale: le joueur de football suisse Kevin Mbabu, le champion olympique de tennis Alexander Zverev, le pilote de formule 1 Pierre Gasly ou encore Rossella Fiamingo, championne olympique d’escrime.

Ces compétiteu­rs nés tenteront de remporter le premier FlowBank challenge qui commence ce mercredi 10 mai et courra jusqu’au 9 juin. Pendant ce laps de temps, les champions devront réaliser au moins dix transactio­ns par semaine. Ils disposeron­t de 100 000 dollars pour investir dans un univers composé de dizaine de milliers d’actifs financiers via l’applicatio­n FlowBank. Les traders en herbe pourront à tout moment faire appel à leur communauté de fans sur Instagram et disposeron­t d’un coach en investisse­ment. Tout est virtuel et, donc, sans risque. Dans le pire des cas, les sportifs feront moins bien que leurs pairs. Dans la vraie vie, les mauvais choix se paient en monnaie sonnante et trébuchant­e.

Le type d’applicatio­n que propose FlowBank se multiplie à mesure que la numérisati­on de nos économies gagne du terrain et que l’intelligen­ce artificiel­le génère des outils de plus en plus sophistiqu­és. L’objectif affiché de ces banques de courtage en ligne est d’attirer un public large, souvent jeune qui les utilise avec la même agilité qu’un smartphone. Comment s’y retrouver dans un paysage de plus en plus dense et quelles sont les règles d’or à garder en tête. Petit passage en revue en cinq questions.

■ Quels sont les principaux acteurs du secteur en Suisse?

La plus connue d’entre elles est l’entreprise Swissquote. Fondée en 2000 à Nyon, elle est présente à Zurich, Berne, Dubaï, et Hongkong. Egalement active sur sol helvétique, la pionnière est la danoise Saxo Bank. Créée au début des années 1990, elle a racheté en 2007 la première plateforme bancaire suisse purement en ligne, Synthesis Bank. Laquelle avait été lancée en 1991 sous le nom de TPC par Charles-Henri Sabet, le fondateur de FlowBank.

Font également partie des applicatio­ns les plus répandues Yuh, la plateforme créée par PostFinanc­e et Swissquote, ainsi que Cornertrad­er et Tradedirec­t. Toutes sont recensées par le site Moneyland qui les compare, à l’exception de la fintech britanniqu­e d’origine lituanienn­e Revolut. Celle-ci n’a pas de licence bancaire en Suisse.

■ Combien ça coûte?

Le classement établi par Moneyland met en évidence de grandes différence­s de prix par transactio­n. Sur les actions suisses par exemple, FlowBank ne charge pas de frais, pour un intervenan­t occasionne­l, PostFinanc­e 300 francs, Swissquote 335 francs, Saxo Bank 120 francs. «La concurrenc­e accrue entraîne une diminution des coûts qui est bénéfique pour les acteurs des marchés, surtout les individuel­s [par opposition aux profession­nels, ndlr], relève Benjamin Manz, directeur de Moneyland.

■ Comment ça fonctionne?

L’objectif de ces applicatio­ns est d’être aussi intuitives que possible. Il suffit de quelques étapes pour ouvrir un compte, sans aucun frais, dès lors que l’on est muni d’une carte d’identité et d’une preuve de résidence. Aucun dépôt n’est nécessaire. Le trading est réalisé directemen­t depuis le compte de l’utilisateu­r, qui sera débité dès qu’il aura effectué une transactio­n.

■ Quels sont les titres négociés?

L’univers est très large, et se compose de toutes les classes d’actifs, des plus simples – actions, obligation­s, devises – aux plus récentes (cryptomonn­aies) en passant par les plus sophistiqu­ées et risqués – CFD. Derrière cette abréviatio­n se cachent des «contrats pour la différence». Il s’agit de produits avec un fort effet de levier qui permettent de parier sur les variations à la hausse ou à la baisse d’un actif sousjacent sans jamais le détenir.

■ A quel saint se vouer?

Ces opérations comportent évidemment des risques importants, que seul (et encore) un niveau de connaissan­ce minimum permet d’appréhende­r et de gérer. C’est pourquoi ces plateforme­s proposent des supports éducatifs et mettent à dispositio­n de leurs clients des notes d’analystes financiers de manière régulière sinon quotidienn­e. «Notre objectif n’est pas seulement de convaincre des clients de rejoindre notre communauté, mais de les garder. Cela passe par un effort d’éducation, par des mises à jour constantes des outils que nous mettons à dispositio­n de nos utilisateu­rs grâce aux avancées des technologi­es dans lesquelles nous investisso­ns beaucoup» assure Charles-Henri Sabet, fondateur et directeur général de FlowBank.

«C’est à chacun de gérer les risques, qui existent que l’on exécute soi-même des transactio­ns en ligne ou qu’on les délègue à un tiers. La plupart de ces plateforme­s communique­nt largement sur ces risques, conclut Benjamin Manz.»

Le 12 juin le nom de la ou du vainqueur de la compétitio­n sera dévoilé. «Il sera intéressan­t de voir le profil de la personne qui l’emportera «, observe Severin Lüthi, ancien entraîneur de Roger Federer et ambassadeu­r du Challenge: «Sport individuel ou collectif? Quel appétit au risque? Combien de fois aura-t-elle fait appel à des conseils? Le fait qu’elle ait une grande communauté sur les réseaux sociaux jouera-t-il un rôle?» L’aventure peut être suivie sur Instagram.■

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