Trader en ligne n’est pas jouer
SPÉCULATION La jeune banque genevoise FlowBank lance un concours boursier entre des sportifs de haut niveau pour montrer que la finance est accessible à tous. Comme c’est de plus en plus vrai, «Le Temps» vous guide dans un secteur en pleine ébullition
Les offres de courtage en ligne se multiplient. Elles deviennent de moins en moins chères et de plus en plus faciles à utiliser. Pour le commun des mortels, qui aimerait investir en bourse ou dans de nouveaux actifs comme les cryptomonnaies, c’est une bonne nouvelle.
Pendant (trop) longtemps, les banques traditionnelles ont imposé des frais élevés, pour le trading en particulier, et les services financiers en général. Sans nécessairement proposer des services de pointe. Les commissions sont coûteuses et l’efficacité encore limitée, notamment pour des transactions qui doivent traverser une frontière et changer de monnaie.
Or, ces établissements financiers ont toujours plus de concurrents, suisses et étrangers. Le vaudois Swissquote est le premier à avoir compris qu’il y avait là des opportunités phénoménales et en a largement profité. Sans pour autant casser les prix. D’autres offres, moins chères et plus agréables à utiliser, continuent d’arriver sur le marché. C’est le cas de Flowbank, une banque numérique suisse, qui affiche des tarifs défiant toute concurrence. A tel point que les banques établies se sont, elles aussi, mises à développer leurs propres applications.
Jusqu’ici, tout va bien, la démocratisation de la finance est en bonne voie, et c’est tant mieux. Elle entraînera au passage une inévitable consolidation, car il n’y aura pas de place pour tout le monde.
Pour chaque investisseur, les pertes peuvent être réelles et immenses
Mais cette concurrence qui s’accélère pose une autre question, éthique. Les offres reposent, de plus en plus, dans le jargon, sur une gamification de la finance, à l’instar de la nouvelle campagne de Flowbank. Qui n’a pas envie de gagner de l’argent dans des conditions ludiques? En étant guidés par des stars qu’on admire, ici des sportifs comme le footballeur suisse Kevin Mbabu ou le conducteur de formule 1 Pierre Gasly, arrivé 8e au Grand Prix d’Arabie saoudite dimanche dernier? Le tout, au sein d’une communauté qu’on apprécie?
Sauf que, pour chaque investisseur, novice ou habitué, les pertes peuvent être réelles et immenses. Les stars érigées en modèles, elles, ne perdront pas un centime. Les petits investisseurs, qui s’étaient mis ensemble pour défendre GameStop début 2021, ont d’abord réussi à résister aux hedge funds qui avaient misé contre cette chaîne de magasins de jeux vidéo américaine. Avant de tout perdre. Et d’apprendre que trader n’est pas un jeu.
Sur leur terrain de jeu, ils sont des stars. Sur les marchés financiers ils sont comme vous et moi face à la complexité des choix qui s’avéreront rémunérateurs. En lice, neuf champions sportifs de renommée internationale: le joueur de football suisse Kevin Mbabu, le champion olympique de tennis Alexander Zverev, le pilote de formule 1 Pierre Gasly ou encore Rossella Fiamingo, championne olympique d’escrime.
Ces compétiteurs nés tenteront de remporter le premier FlowBank challenge qui commence ce mercredi 10 mai et courra jusqu’au 9 juin. Pendant ce laps de temps, les champions devront réaliser au moins dix transactions par semaine. Ils disposeront de 100 000 dollars pour investir dans un univers composé de dizaine de milliers d’actifs financiers via l’application FlowBank. Les traders en herbe pourront à tout moment faire appel à leur communauté de fans sur Instagram et disposeront d’un coach en investissement. Tout est virtuel et, donc, sans risque. Dans le pire des cas, les sportifs feront moins bien que leurs pairs. Dans la vraie vie, les mauvais choix se paient en monnaie sonnante et trébuchante.
Le type d’application que propose FlowBank se multiplie à mesure que la numérisation de nos économies gagne du terrain et que l’intelligence artificielle génère des outils de plus en plus sophistiqués. L’objectif affiché de ces banques de courtage en ligne est d’attirer un public large, souvent jeune qui les utilise avec la même agilité qu’un smartphone. Comment s’y retrouver dans un paysage de plus en plus dense et quelles sont les règles d’or à garder en tête. Petit passage en revue en cinq questions.
■ Quels sont les principaux acteurs du secteur en Suisse?
La plus connue d’entre elles est l’entreprise Swissquote. Fondée en 2000 à Nyon, elle est présente à Zurich, Berne, Dubaï, et Hongkong. Egalement active sur sol helvétique, la pionnière est la danoise Saxo Bank. Créée au début des années 1990, elle a racheté en 2007 la première plateforme bancaire suisse purement en ligne, Synthesis Bank. Laquelle avait été lancée en 1991 sous le nom de TPC par Charles-Henri Sabet, le fondateur de FlowBank.
Font également partie des applications les plus répandues Yuh, la plateforme créée par PostFinance et Swissquote, ainsi que Cornertrader et Tradedirect. Toutes sont recensées par le site Moneyland qui les compare, à l’exception de la fintech britannique d’origine lituanienne Revolut. Celle-ci n’a pas de licence bancaire en Suisse.
■ Combien ça coûte?
Le classement établi par Moneyland met en évidence de grandes différences de prix par transaction. Sur les actions suisses par exemple, FlowBank ne charge pas de frais, pour un intervenant occasionnel, PostFinance 300 francs, Swissquote 335 francs, Saxo Bank 120 francs. «La concurrence accrue entraîne une diminution des coûts qui est bénéfique pour les acteurs des marchés, surtout les individuels [par opposition aux professionnels, ndlr], relève Benjamin Manz, directeur de Moneyland.
■ Comment ça fonctionne?
L’objectif de ces applications est d’être aussi intuitives que possible. Il suffit de quelques étapes pour ouvrir un compte, sans aucun frais, dès lors que l’on est muni d’une carte d’identité et d’une preuve de résidence. Aucun dépôt n’est nécessaire. Le trading est réalisé directement depuis le compte de l’utilisateur, qui sera débité dès qu’il aura effectué une transaction.
■ Quels sont les titres négociés?
L’univers est très large, et se compose de toutes les classes d’actifs, des plus simples – actions, obligations, devises – aux plus récentes (cryptomonnaies) en passant par les plus sophistiquées et risqués – CFD. Derrière cette abréviation se cachent des «contrats pour la différence». Il s’agit de produits avec un fort effet de levier qui permettent de parier sur les variations à la hausse ou à la baisse d’un actif sousjacent sans jamais le détenir.
■ A quel saint se vouer?
Ces opérations comportent évidemment des risques importants, que seul (et encore) un niveau de connaissance minimum permet d’appréhender et de gérer. C’est pourquoi ces plateformes proposent des supports éducatifs et mettent à disposition de leurs clients des notes d’analystes financiers de manière régulière sinon quotidienne. «Notre objectif n’est pas seulement de convaincre des clients de rejoindre notre communauté, mais de les garder. Cela passe par un effort d’éducation, par des mises à jour constantes des outils que nous mettons à disposition de nos utilisateurs grâce aux avancées des technologies dans lesquelles nous investissons beaucoup» assure Charles-Henri Sabet, fondateur et directeur général de FlowBank.
«C’est à chacun de gérer les risques, qui existent que l’on exécute soi-même des transactions en ligne ou qu’on les délègue à un tiers. La plupart de ces plateformes communiquent largement sur ces risques, conclut Benjamin Manz.»
Le 12 juin le nom de la ou du vainqueur de la compétition sera dévoilé. «Il sera intéressant de voir le profil de la personne qui l’emportera «, observe Severin Lüthi, ancien entraîneur de Roger Federer et ambassadeur du Challenge: «Sport individuel ou collectif? Quel appétit au risque? Combien de fois aura-t-elle fait appel à des conseils? Le fait qu’elle ait une grande communauté sur les réseaux sociaux jouera-t-il un rôle?» L’aventure peut être suivie sur Instagram.■