Coup de boost pour les robots désherbeurs
Ecorobotix vient de lever 46 millions de francs et compte parmi ses investisseurs l’un des principaux actionnaires de BMW. L’entreprise basée à Yverdon vise désormais le marché américain avec ses machines agricoles futuristes
Il faudra prendre l’habitude de voir de nouvelles machines sillonner les champs. A l’avant, un tracteur classique. Et juste derrière, une étrange remorque composée de trois éléments. Il s’agit de robots désherbeurs, capables de pulvériser de manière précise des produits chimiques uniquement sur les mauvaises herbes, grâce à des caméras et des algorithmes perfectionnés. C’est une entreprise basée à Yverdon, Ecorobotix, qui développe ces machines. Et cette semaine, la société vaudoise a franchi une étape importante de son développement en levant 52 millions de dollars, soit 46 millions de francs.
Cet investissement sera le quatrième tour de table réalisé par l’entreprise depuis sa création, en 2014. Au total, Ecorobotix aura reçu l’injection de quelque 74 millions de francs. Et avec l’argent fraîchement levé, la société, qui compte 80 employés, voit loin. «C’est une étape très importante pour nous, se réjouit Aurélien Demaurex, cofondateur et directeur financier. Nous allons désormais pouvoir nous attaquer au marché américain, avec un potentiel énorme aux Etats-Unis, au Canada, mais aussi au Brésil et en Argentine, où les possibilités de développement sont très importantes.»
Surface sextuplée
A ses débuts, Ecorobotix avait une double ambition: créer non seulement une machine capable de ne pulvériser du désherbant que sur les mauvaises herbes – permettant de diminuer de 95% la quantité de pesticide – mais aussi que cette machine soit autonome. «On s’est rendu compte que l’on était un peu trop ambitieux, en essayant de résoudre plusieurs problèmes en même temps, poursuit Aurélien Demaurex. Nous sommes parvenus à créer un tel robot. Mais le marché n’est pas encore prêt à voir des robots dans les champs. Nous avons du coup intégré notre technologie dans une machine agricole tractée, ce qui permet de sextupler la surface traitée.» Les clients finaux doivent souscrire à des abonnements annuels, comprenant le traitement d’un certain nombre de cultures (épinards, maïs, etc.).
Aujourd’hui, les machines d’Ecorobotix sont en vente dans quinze pays européens, pour un peu plus de 100 000 francs pièce. Aurélien Demaurex l’assure, sa société profite de nouvelles tendances sur le marché agricole. «Bien sûr, il y a l’envie de très nombreux agriculteurs, par économie et par conscience écologique, d’utiliser moins de produits phytosanitaires. Et on voit apparaître un nouveau phénomène, l’agriculture dite régénératrice, qui se situe entre le bio et le traditionnel: l’idée est d’utiliser toujours de la chimie, mais un minimum.»
Conséquences de la guerre
Le cofondateur de la société ne le cache pas, les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec une explosion du prix des produits phytosanitaires et des engrais, ont dopé la demande. «Et nous sommes en train de développer notre technologie pour qu’elle permette de distribuer aussi de manière parcimonieuse des engrais, poursuit Aurélien Demaurex. A ce titre, le fait d’avoir désormais dans notre capital des acteurs de taille mondiale dans ce marché est très important.»
Parmi les actionnaires d’Ecorobotix, l’on trouve en effet le groupe chimique allemand BASF, mais aussi la société norvégienne Yara, un des leaders du marché des engrais. Et la nouvelle levée de fonds a été principalement effectuée auprès d’AQTON Private Equity GmbH (l’un des principaux actionnaires de BMW avec environ 25% du capital) et Cibus Capital LLP. Des investissements supplémentaires ont été consentis par Swisscanto Invest / Swisscanto Growth Fund, Yara Growth Ventures, Flexstone Partners, ainsi que Swisscom Ventures, 4FOX Ventures et Verve Ventures. «L’agriculture de très haute précision et les solutions comme celle d’Ecorobotix sont essentielles pour améliorer l’efficacité des agriculteurs et contribuer à un avenir plus respectueux de l’environnement», a affirmé dans un communiqué Stefan Quandt, propriétaire d’AQTON PE – lui-même détient à titre individuel 0,2% du capital de BMW.
Encore en phase de développement, Ecorobotix communique peu sur ses chiffres. «Nous visons à devenir bénéficiaires d’ici à deux ou trois ans. Notre chiffre d’affaires a été multiplié par dix en 2022 et devrait tripler cette année», glisse Aurélien Demaurex. Sa société, désormais valorisée à plus de 100 millions de francs, vise-t-elle à terme une introduction en bourse? «Ce n’est pas le scénario privilégié, répond le cofondateur. Il pourrait plutôt s’agir d’intégrer des multinationales du secteur agricole. Mais avant cela, nous voulons grandir très rapidement et avoir un impact non seulement économique mais aussi en faveur de l’environnement.» ■
«Nous développons notre technologie pour qu’elle puisse aussi distribuer de manière parcimonieuse des engrais»
AURÉLIEN DEMAUREX, COFONDATEUR ET DIRECTEUR FINANCIER D’ECOROBOTIX