Le Temps

Une série pour découvrir Miep, l’ange gardien d’Anne Frank

Cette secrétaire néerlandai­se avait aidé la famille de la jeune adolescent­e allemande à se cacher dans l’Annexe. Elle est l’héroïne d’«Une Lueur d’espoir», diffusée sur Disney+

- VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_nb Une Lueur d’espoir, huit épisodes de 50’, dont quatre sont disponible­s sur Disney+.

Il y a près de 80 ans, Anne Frank, disparait de la surface de la Terre – mais plus que jamais sa silhouette occupe les écrans. Une websérie néerlandai­se a fait d’Anne une youtubeuse (Anne Frank Video Diary, 2020), un film d’animation a donné vie à Kitty, l’amie imaginaire de l’adolescent­e (Où est Anne Frank!,

2021) et une production Netflix revisitait son amitié avec Hannah Goslar, sortie, elle, vivante des camps (Anne Frank, ma meilleure amie).

Hermine Gies-Santrousch­itz, dite Miep: le nom résonne moins haut, moins fort et pourtant, sans elle, on ne connaîtrai­t certaineme­nt pas celui des Frank. Car c’est cette jeune Néerlandai­se qui, avec son mari Jan Gies, a aidé à cacher la famille Frank dans l’Annexe durant deux ans. Elle encore qui, lors de leur arrestatio­n en août 1944, a récupéré les écrits d’Anne, permettant leur publicatio­n à la fin de la guerre. Décédée en 2010 à l’âge de 100 ans, Miep Gies aura entre-temps écrit un livre, donné des conférence­s et reçu l’Ordre du mérite de la République fédérale d’Allemagne. Une Lueur d’espoir, mini-série américaine coproduite par National Geographic, éclaire ce destin extraordin­aire.

C’est en visitant la Maison d’Anne Frank en famille que Tony Phelan, showrunner connu pour son travail sur Grey’s Anatomy, et sa femme, la scénariste Joan Rater, ont le déclic. «Nous avons découvert l’histoire de cette jeune femme, à qui son patron demande de sauver la vie de sa famille… et qui accepte instantané­ment. Elle et Jan continuero­nt à le faire, au détriment de leurs amitiés, de leurs relations familiales et quasiment de leur mariage. Nous nous sommes demandé: qui fait ça?» Une héroïne ordinaire qui, dans l’ombre, a déjoué l’injustice et la haine.

Le poids du secret

On la rencontre en 1934, vingtaine florissant­e et rouge aux lèvres, s’en allant faire la tournée des bars d’Amsterdam, sa ville d’adoption. Née à Vienne, elle est envoyée par ses parents aux Pays-Bas à 11 ans pour échapper aux restrictio­ns alimentair­es. Miep rencontre Otto Frank, père de famille juif à la tête d’Opekta, un commerce prospère de gélifiant pour confiture. Au culot, elle devient sa secrétaire et ils développen­t une relation quasi filiale. La guerre paraît loin et Miep, lors d’un dîner, défend la capacité des Pays-Bas, son pays de coeur, à repousser Hitler. Mais bientôt les étoiles s’épinglent aux manteaux et les check-points balafrent la ville. En 1942, Otto Frank, sa femme et ses deux filles, Anne et Margot, emménagent dans l’arrière-boutique d’Opekta – bientôt rejoints par une autre famille, les Van Pels, et un dentiste, le Dr Pfeffer. Au total, huit clandestin­s à qui Miep et Jan livreront nourriture, médicament­s et nouvelles du dehors. L’insoucianc­e est un lointain souvenir, le danger omniprésen­t – Miep ne peut faire confiance à personne, pas même à sa meilleure amie, qui fréquente un sympathisa­nt nazi. Les secrets pèsent lourd, mais elle ne flanche pas.

Un personnage à qui la jeune actrice londonienn­e Bel Powley insuffle la bonne dose de férocité et d’idéalisme, tandis qu’Anne, et c’est toute l’originalit­é de la série, n’apparaît qu’au troisième plan,

pleurant son chat disparu ou se disputant avec sa mère.

Car à l’image du fameux journal intime, Une Lueur d’espoir veut raconter la grande (et innommable) histoire à travers la petite, plus intime. Et comme son nom l’indique, elle ne fait pas l’économie de moments lumineux comme cette fête d’Hanouka arrosée, dans l’Annexe, d’un champagne inespéré. «Nous disions aux acteurs: n’anticipez pas la fin de l’histoire car aucun des personnage­s ne la connaissai­t, souligne Tony Phelan. Tous ont vécu dans l’espoir immense d’une libération et d’ailleurs, un mois avant leur arrestatio­n, les Alliés débarquaie­nt en Normandie… La légèreté, l’espoir et l’humour étaient donc très importants pour nous.»

En sortant ses héros, humains et accessible­s, des livres d’histoire, la série pousse surtout à s’interroger: qu’aurait-on fait à la place de Miep? Elle qui, toute sa vie, n’aura cessé de le dire: «Même une secrétaire ordinaire, une femme au foyer ou une adolescent­e peut, à sa manière, allumer une petite lumière dans une pièce sombre.» ■

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