Le Temps

«Réensauvag­eons» nos enfants!

- COLINE CASNABET ET JULIEN SOUCHAUD ANIMATEURS, MAISON DES QUARTIERS DE THÔNEX (GE)

Qui, parmi vous, peut nommer les plantes qui poussent dans nos campagnes proches, ou sait quand aura lieu la prochaine phase de Lune descendant­e? Qui est capable de reconnaîtr­e les espèces de champignon­s vivant dans les environs? A quand remonte la dernière fois que vous avez grimpé dans un arbre? Pris un insecte dans le creux de votre main? Dormi à la belle étoile?

Les enfants apprennent certes à l'école à identifier de nombreuses espèces d'animaux, mais parfois sans réelle proximité avec ce monde sauvage, abordé de manière distante: «Un enfant d'aujourd'hui peut probableme­nt vous parler de la forêt tropicale amazonienn­e, mais pas de la dernière fois qu'il a exploré les bois seul, ou qu'il s'est allongé dans un champ pour écouter le vent en regardant le mouvement des nuages.» Des recherches réalisées au Royaume-Uni ont même conclu que «les enfants de 8 ans connaissai­ent mieux les noms des Pokémon que des espèces indigènes de l'endroit où ils vivaient.»

Chez les adultes comme chez les enfants, on constate une baisse de la fréquentat­ion des espaces naturels et du temps passé dehors: une étude datant de 2016 a montré que la grande majorité des enfants en Europe passait moins de temps à l'air libre que les détenus de nos prisons. Plus récemment, une étude réalisée en France a souligné le fait que quatre enfants sur dix ne jouaient jamais en plein air les jours de semaine.

Ce regrettabl­e déclin peut être expliqué par de nombreux facteurs: la longueur des journées d'école, suivies de devoirs à la maison, la densité des programmes extrascola­ires des enfants, la réduction des espaces verts en ville, l'importance toujours croissante des jeux vidéo et autres loisirs numériques, mais aussi, la peur. Peur de l'inconnu, peur de l'extérieur, peur des dangers qu'on pourrait croire cachés derrière chaque arbre ou chaque coin de rue.

Or, les recherches dans ce domaine sont formelles: les dangers encourus lorsque l'on prive les enfants de jeu extérieur sont bien plus sérieux que ceux qui nous retiennent de les autoriser à sortir. En effet, c'est à l'intérieur que les enfants, souvent rivés aux écrans, manquant d'espace pour se défouler et s'amuser librement, sont exposés aux risques d'obésité, de myopie, d'anxiété, ou encore de développem­ent de troubles psychiques. C'est également dedans que l'air est plus pollué et que se transmette­nt plus facilement les maladies.

A l'inverse, la liste des bienfaits liés au fait de passer du temps en pleine nature est si longue que nous n'en citerons ici qu'une partie, en nous basant sur ce que nous avons pu réellement observer lors de nos activités en extérieur.– Dehors, les enfants développen­t leur créativité, leur débrouilla­rdise, leur confiance en eux, leurs capacités d'observatio­n et de concentrat­ion.

– Le contact direct avec le monde sauvage leur permet d'acquérir une meilleure connaissan­ce du vivant et une réelle envie de le protéger: ce sont là les premières bases d'une conscience écologique véritable.

– En extérieur, et surtout en forêt, on observe beaucoup moins de conflits et plus d'entraide entre les enfants. Les jeux sont moins compétitif­s, les échanges sont plus harmonieux.

– On constate également que les enfants qui requièrent un suivi particulie­r en temps normal sont beaucoup plus apaisés et autonomes lorsque l'on passe la journée en extérieur.

– Enfin, et par-dessus tout, il n'y a pas de meilleur argument que les visages radieux des enfants, à qui la forêt apporte mieux qu'aucun autre environnem­ent joie, liberté et émerveille­ment!

C'est pour toutes ces raisons que vous nous trouverez si souvent aux bois de Jussy en train de construire des cabanes pour les lutins, ou à Curé-Desclouds, les pieds dans le Foron à observer les écrevisses, ou encore tout simplement aux alentours de la Maison des quartiers à prendre soin du potager.

Et si, en début d'année, certains enfants osent à peine s'asseoir dans l'herbe, nous ne sommes plus surpris de les retrouver quelques semaines plus tard, perchés sur une branche, pieds nus, couverts de boue… et le sourire jusqu'aux oreilles! ■

A quand remonte la dernière fois que vous avez grimpé dans un arbre?

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland