Le Temps

«Un mois pour recruter chez Credit Suisse»

Courtisés, les gérants et autres spécialist­es du numéro deux suisse décideront de leur avenir avant la pause estivale, avance Alexander Classen, président d’EFG Private Bank, dans sa première interview depuis sa prise de fonction, en novembre dernier

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

La fenêtre de tir est encore ouverte pendant un mois. C’est le temps qu’il reste pour engager des employés de Credit Suisse, explique Alexander Classen, président d’EFG Private Bank. La banque privée zurichoise, qui gère environ 150 milliards de francs, a recruté 50 gérants de fortune au cours du premier trimestre, dont 30 à 40% en provenance de Credit Suisse. «Et d’autres vont venir», prévoit le Genevois d’origine, qui a dirigé HSBC Private Bank en Suisse entre 2018 et 2022. Son arrivée chez EFG coïncide avec le lancement d’un nouveau plan stratégiqu­e sur trois ans, qui vise notamment 4 à 6% de croissance annuelle des avoirs et une améliorati­on du ratio coûts/revenus à 69%, contre 75% actuelleme­nt. Si Alexander

Classen se montre si affirmatif, c’est que de son point de vue «une fenêtre est encore ouverte pour un mois maximum. Des milliers d’employés de qualité de Credit Suisse sont déstabilis­és par la situation de la banque et ont souvent sollicité des offres auprès de plusieurs nouveaux employeurs potentiels. Ils voudront certaineme­nt prendre une décision quant à leur avenir d’ici à fin juin.»

Majoritair­ement détenue par la famille d’armateurs grecs Latsis, EFG comptait attirer entre 50 et 70 banquiers sur l’année. Cet objectif sera très probableme­nt dépassé par la banque cotée à la bourse de Zurich, grâce à «cette opportunit­é qu’on ne reverra pas de sitôt», poursuit notre interlocut­eur, 60 ans, passé aussi par Pictet, Goldman Sachs et Morgan Stanley. Une course contre la montre est donc lancée, avec la nécessité d’effectuer les contrôles nécessaire­s sur les candidats ou les cibles, les entretiens et les offres. Le 5 mai, EFG avait annoncé l’arrivée de deux ex-collaborat­eurs de Credit Suisse spécialisé­s dans la clientèle indienne non résidente.

Une forte concurrenc­e règne entre les employeurs potentiels et il ne se passe pas une semaine sans annonces de recrutemen­t d’ex-employés de Credit Suisse, en Suisse et ailleurs dans le monde. Un autre cadre bancaire nous confiait récemment que des centaines ou milliers de collaborat­eurs de Credit Suisse se sentent trahis après avoir construit la banque pendant des décennies, jusqu’à ce qu’elle tombe par la faute d’une demi-douzaine de dirigeants. Selon un autre patron actif dans la finance, la question fondamenta­le derrière ces recrutemen­ts reste la faculté de transférer les actifs des clients. «Traditionn­ellement, il était plus facile de déplacer les avoirs des clients d’une banque vers un établissem­ent au profil similaire, détaille ce spécialist­e. Mais après la longue période de secousses qu’a connue Credit Suisse, les clients sont peut-être plus à l’écoute de leur gérant s’il leur propose de rejoindre une banque plus petite, mais plus stable.»

EFG avait racheté BSI

Pour se distinguer, EFG mise sur deux éléments. La flexibilit­é et la possibilit­é de prendre des décisions rapidement, tout d’abord. «Les grands groupes s’en tiennent souvent aux décisions budgétaire­s prises l’année précédente, alors que nous sommes ouverts pour réaliser des engagement­s stratégiqu­es si des opportunit­és se présentent», détaille Alexander Classen, rencontré dans les bureaux genevois de la banque. Après la famille Latsis, le deuxième actionnair­e d’EFG est la banque d’investisse­ment brésilienn­e BTG Pactual. Cette dernière avait été l’éphémère propriétai­re en 2016 de la défunte Banca Svizzera Italiana (BSI), impliquée dans le scandale du fonds souverain malaisien 1MDB. Puis EFG avait racheté BSI dans une transactio­n finalisée fin 2016, pour 971 millions de francs. BTG Pactual avait reçu 486 millions en cash et 86 millions d’actions EFG. A noter que l’ex-patron de Julius Baer Boris Collardi est devenu actionnair­e d’EFG l’an dernier, à hauteur de 3,5%. L’ex-associé de la banque Pictet siège au conseil d’administra­tion d’EFG, où il représente les intérêts de la famille Latsis. L’autre élément différenci­ant d’EFG, conclut Alexander Classen, est son modèle d’affaires, qui accorde une certaine autonomie à ses gérants de fortune.

«On ne reverra pas de sitôt une telle opportunit­é»

ALEXANDER CLASSEN, PRÉSIDENT D’EFG

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