Le Temps

La bataille du salaire minimum lancée dans le canton de Vaud

Malgré un contexte fédéral incertain, la gauche et les syndicats ont lancé hier la récolte de signatures pour leur double initiative demandant l’introducti­on d’un salaire minimum. Le patronat dénonce une attaque du partenaria­t social

- YAN PAUCHARD @yanpauchar­d

La question du salaire minimum enflamme le monde politique suisse depuis plusieurs mois. A Genève, la mise en oeuvre de l’initiative cantonale fixant la rémunérati­on minimale à 24 francs de l’heure, acceptée en septembre 2020, ne se fait pas sans heurts. Alors qu’à Berne, les Chambres fédérales ont accepté l’année dernière la désormais fameuse motion Ettlin, du nom du conseiller aux Etats centriste d’Obwald Erich Ettlin. Elle contraint le Conseil fédéral a préparer un projet de loi faisant primer les CCT (convention­s collective­s de travail) nationales sur les salaires minimums cantonaux. Ce contexte incertain ne décourage cependant pas la gauche vaudoise qui, ce vendredi matin, à la Maison du Peuple à Lausanne, a lancé sa double initiative pour un salaire minimum cantonal.

Exceptions pour l’agricultur­e

Concrèteme­nt, la première initiative ancre le principe dans la Constituti­on, l’autre définit le montant du salaire minimum à 23 francs de l’heure. Juridiquem­ent, l’une ne peut pas entrer en vigueur sans l’autre. Le texte prévoit des dérogation­s. Les contrats d’apprentiss­age et les stages de formation certifiant­e ou de réinsertio­n sont ainsi exclus du champ d’applicatio­n. Des exceptions sont aussi prévues pour l’agricultur­e. La démarche est soutenue par un large front, avec pas moins de vingt associatio­ns, partis et syndicats. «Les bas revenus sont ceux qui ont le moins augmenté et qui sont le plus frappés par la hausse des prix, plaide le conseiller national socialiste Samuel Bendahan. Il est urgent d’agir, car avec un salaire de moins de 4000 francs, on ne vit pas, on survit». Secrétaire régional à Unia, Arnaud Bouverat a rappelé que 8% de la population vaudoise est considérée comme working poor.

En 2017, Neuchâtel était le premier canton suisse à avoir introduit un salaire minimum, suivi une année plus tard par le Jura. Se sont rajoutés Genève, Bâle-Ville et le Tessin. Par le passé, la population vaudoise a refusé à deux reprises une telle mesure sociale, en 2011 au niveau cantonal, puis en 2014 au niveau fédéral. Mais pour le conseiller national Pierre-Yves Maillard, présent avec sa casquette de président de l’Union syndicale suisse, le contexte est aujourd’hui totalement différent. La démarche vaudoise s’inscrit dans un mouvement plus vaste.

Une initiative similaire a été lancée en Valais au mois de janvier dernier; une autre est en préparatio­n à Fribourg. Le socialiste insiste sur l’arrêt du Tribunal fédéral de 2017 qui, à ses yeux, a profondéme­nt changé la donne. Celui-ci énonce que le principe d’un salaire minium, dont le but est de permettre à toute personne exerçant une activité salariée de disposer d’un salaire qui lui garantisse des conditions de vie décentes, est conforme avec la Constituti­on et le principe de liberté économique.

Milieux patronaux «déçus» de la démarche

«Les bas revenus sont ceux qui ont le moins augmenté et qui sont le plus frappés par la hausse des prix»

SAMUEL BENDAHAN, CONSEILLER NATIONAL (PS)

Du côté des organisati­ons patronales, on ne cache pas la «déception» devant le lancement de ces initiative­s. «Nous sommes tout à fait conscients qu’il faut porter une attention particuliè­re aux salaires les plus précaires, mais cela doit faire partie de la discussion entre les partenaire­s sociaux, réagit Christophe Reymond, directeur général du Centre patronal vaudois. Le salaire demeure le coeur des CCT. Si on règle la question par la loi, que restera-t-il à négocier? Les relations entre syndicats et employeurs vont diminuer, pour ne pas dire s’effondrer». De son côté, la présidente du PLR vaudois Florence Bettschart-Narbel craint également une atteinte portée au partenaria­t social si l’initiative devait aboutir. La députée voit d’un mauvais oeil une mesure qui, selon elle, amènera de nombreux effets pervers, comme un dumping vers le bas des salaires juste au-dessus du minimum ou une hausse du travail au noir.

Les initiants ont dorénavant jusqu’au 12 septembre pour récolter les 12 000 signatures nécessaire­s. ■

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