Le Temps

Une initiative pour une offensive photovolta­ïque?

Mécontents du coup de frein donné par la commission du Conseil des Etats, les Vert·e·s envisagent de provoquer un vote populaire pour accélérer le développem­ent de l’électricit­é solaire

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE @BoeglinP

Réussira-t-on à se passer des énergies fossiles et de l’électricit­é nucléaire? C’est l’une des grandes questions du moment dans l’arène politique fédérale. Une partie de la réponse se trouve dans le développem­ent des énergies renouvelab­les indigènes, à commencer par le solaire. Ce vendredi, la Commission de l’énergie du Conseil des Etats s’est à nouveau penchée sur la question. Et sa majorité a choisi une voie modérée sur le courant photovolta­ïque: pas question d’imposer les panneaux sur tous les toits des nouvelles constructi­ons et des grandes rénovation­s, comme le veut pourtant le Conseil national. En lieu et place, elle préfère en installer uniquement sur les bâtiments d’une surface dépassant 300 mètres carrés, ainsi que pour les nouveaux parkings de 250 mètres carrés. La plénière se prononcera encore sur ces recommanda­tions.

Les Vert·e·s fourbissen­t leurs armes

Les Vert·e·s font déjà part de leur mécontente­ment. Même s’ils relèvent des points satisfaisa­nts au projet, comme le maintien des débits d’eau des centrales hydroélect­riques pour préserver la faune et la flore, l’offensive solaire leur paraît bien trop timide. Leur président, Balthasar Glättli, l’annonce tout de go: «Si le parlement ne corrige pas ce point-ci, nous lancerons une initiative populaire.»

Le parlement bûche depuis des mois sur divers projets destinés à donner des coups d’accélérate­ur. L’an dernier, il a adopté une loi urgente pour les projets bien avancés de grandes centrales photovolta­ïques, leur accordant sous conditions de généreuses subvention­s (60% des investisse­ments) et simplifian­t les procédures d’autorisati­on. Cette loi est limitée dans le temps, elle échoit fin 2025.

Pour la suite, le parlement s’attelle à la loi sur l’approvisio­nnement en électricit­é renouvelab­le. C’est sur cette loi que les Vert·e·s font la grimace et jugent le volet solaire trop faible. «Notre projet demanderai­t d’installer des panneaux photovolta­ïques sur tous les toits des nouvelles constructi­ons, peu importe leur surface, et lors de toutes les rénovation­s», détaille Balthasar Glättli. «Le potentiel de cette énergie est immense, comme l’attestent des études de l’Office fédéral de l’énergie. Si on n’agit pas maintenant sur les rénovation­s, on va rater de belles occasions et pour longtemps. Une fois que la rénovation est faite, les propriétai­res attendent des dizaines d’années pour entreprend­re d’autres travaux.»

Tous les toits, pas que les nouveaux

Les Vert·e·s ne veulent pas s’arrêter aux nouveaux bâtiments et rénovation­s. Ils visent aussi les autres toits. «Les propriétai­res disposerai­ent d’un délai jusqu’en 2040 pour les équiper de panneaux solaires», poursuit le conseiller national zurichois. Les travaux pouvant se révéler coûteux et hors de portée pour certaines personnes, un fonds de roulement prêterait les montants nécessaire­s à taux d’intérêt bas ou même nul. Les propriétai­res rembourser­aient ensuite ce crédit grâce aux bénéfices générés par la vente d’électricit­é, pour laquelle ils bénéficier­aient d’un prix minimum garanti. «Il pourrait y avoir des exceptions: pour les bâtiments protégés ou historique­s, par exemple dans les vieilles villes ou dans certains villages, ou pour des maisons en ville qui ont une façade végétalisé­e pour lutter contre les îlots de chaleur.»

Et les parcs solaires alpins? A leur évocation, certains Vert·e·s font plutôt la moue. Leur président, Balthasar Glättli, cantonnera­it ces installati­ons sur le bâti existant, ou à proximité.

«Si on n’agit pas maintenant sur les rénovation­s, on va rater de belles occasions»

BALTHASAR GLÄTTLI, PRÉSIDENT DES VERTS

Dans le camp bourgeois, ces vues ne séduisent guère. Ainsi, le libéral-radical Damian Müller (LU) favorise une autre méthode. «Nous ne sommes pas contre les panneaux solaires. Mais la question tourne autour de la répartitio­n des compétence­s entre Berne et les cantons. Et nous souhaitons que les cantons décident.» Car ceux-ci ont parfois déjà commencé à agir. «Je pense par exemple à mon canton, Lucerne, qui impose des panneaux solaires sur toutes les nouvelles constructi­ons, avec quelques exceptions.»

Le sénateur lance une pique au président des écologiste­s. «Les Vert·e·s peuvent bien lancer une initiative populaire s’ils en ont envie. Mais que Monsieur Glättli regarde sa ville de Zurich: il n’y a pas beaucoup de panneaux solaires. Pour promouvoir les panneaux, il n’y a pas que l’obligation d’en poser sur les toits qui compte, mais d’autres critères comme le prix d’achat du courant et la qualité du réseau.» ■

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