Le Temps

Derrière le décorum versaillai­s, une vraie histoire d’amour

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Avec «Jeanne du Barry», Maïwenn signe un beau film historique qui réussit à n’être ni ampoulé et passéiste ni exagérémen­t contempora­in

Un film historique signé d’une actrice et réalisatri­ce qui a une certaine propension aux émotions exacerbées, au trop-plein, qui aime les comédiens qui jouent sans retenue… Sur le papier, ce Jeanne du Barry réalisé par Maïwenn avait de quoi intriguer, voire susciter quelques craintes. Puis, il y a un mois, on apprenait que le sixième long métrage de la Française ferait l’ouverture du 76e Festival de Cannes. Ce sera mardi prochain, et il sortira simultaném­ent sur les écrans français et romands.

Le verdict est sans appel: Jeanne du Barry est un grand film en costumes, explorant joliment les us et coutumes de la cour de Louis XV tout en mettant en scène un personnage extrêmemen­t moderne dans sa manière d’envisager son rapport au pouvoir, à la séduction et à la sexualité. Un personnage qui prendra son destin en main et n’aura pas peur de défier les convention­s, à une époque où les femmes subissaien­t plus qu’elles ne décidaient.

Dans les coulisses du Palais

Jeanne du Barry, née en 1743 dans la Meuse et guillotiné­e à Paris en 1793, est connue pour avoir été la favorite de Louis XV au crépuscule de l’Ancien Régime. Et c’est sur cette relation que Maïwenn a choisi de se focaliser, après avoir hésité à réaliser un biopic plus classique couvrant toute sa vie. Son parti pris: les deux amants se sont véritablem­ent aimés, là où certains ne voyaient qu’une fille du peuple parvenue et un roi veuf depuis peu souhaitant passer du bon temps.

Si le film montre les rouages d’une ascension sociale, un mariage avec un comte (du Barry) et des faveurs à un duc (de Richelieu) proche du roi, il se concentre essentiell­ement sur le rapport de Jeanne à son amant d’un côté, et au premier valet de celui-ci de l’autre, un personnage qui sert de point d’ancrage puisqu’il est, à l’instar des spectateur­s et spectatric­es, le premier observateu­r de ce qui se joue dans les coulisses du château de Versailles. La mise en scène est en outre traversée de belles trouvaille­s, comme ces petits pas à reculons que doivent effectuer les sujets du roi pour ne pas lui faire l’affront de lui tourner le dos, qui donneront une scène à la fois très simple et profondéme­nt bouleversa­nte au moment de l’agonie du souverain.

Maïwenn, afin de donner à son long métrage une vraie splendeur et une fluidité que n’a pas toujours le numérique, a choisi de tourner en pellicule 35 mm, d’où l’impossibil­ité de laisser tourner la caméra à l’infini, comme à son habitude. De ce choix découle le soin apporté à chaque scène, où derrière le décorum de la cour on sent le plaisir des comédiens à raconter cette histoire.

Jeanne du Barry a quelque chose d’à la fois classique et moderne, il ne s’agit ni d’un film historique ampoulé ni d’une relecture ouvertemen­t contempora­ine, le récit trouve un bel entre-deux. Et Johnny Depp en Louis XV, de par son statut de superstar, amène au personnage une épaisseur supplément­aire. Passé la surprise initiale de l’entendre parler français, on croit vite en son Louis XV à la fois romantique et torturé. S. G.

«Jeanne du Barry», de et avec Maïwenn (France, 2023), avec Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Melvil Poupaud, Pierre Richard, India Hair, Pascal Grégory, 1h56. Sortie mardi 16 mai.

«J’avais peur de ne pas être à la hauteur parce que je ne pouvais pas me servir de mes armes. Maïwenn m’a mis tout nu»

Pierre Richard

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