Le Temps

Etes-vous un buveur ou une buveuse d’étiquettes?

-

Quel est le goût de la notoriété? Bonne question, me direz-vous. Et est-il seulement possible d'y répondre? Pas sûr… Pourtant, certaines personnes semblent avoir une idée très précise sur le sujet, puisqu'elles dégustent uniquement – ou presque – les nectars produits par les grands noms du monde du vin. On les appelle «les buveurs d'étiquettes». Et vous, faites-vous partie de cette catégorie?

«Il y a deux sortes de buveurs d'étiquettes», prévient d'emblée l'oenologue Nicolas Vivas, professeur à l'Université de Bordeaux. Tout d'abord, «l'amateur très averti, qui ne veut boire que des produits reconnus et d'un niveau qualitatif maximum.» Il achète ainsi des produits à très forte notoriété, sans rechercher à travers son geste une certaine reconnaiss­ance sociale. «Il comprend ce qu'il boit et choisit une étiquette parce qu'il sait ce qu'il veut retrouver dans la bouteille», insiste Nicolas Vivas.

Etre un buveur d'étiquettes n'est donc pas forcément négatif. Mais il y a une seconde catégorie, bien moins prestigieu­se. «Ce sont les personnes qui ne connaissen­t pas grand-chose au vin, mais qui achètent ce qui est très cher, parce que c'est à la mode ou très connu», indique l'oenologue français, précisant que l'on retrouve ces comporteme­nts dans tous les domaines, que ce soit l'horlogerie, l'automobile ou la maroquiner­ie. «C'est la nature humaine… et le monde du vin n'y échappe pas.»

Si, pour ces consommate­urs, il est important, voire nécessaire, de savoir ou même de montrer ce qu'ils boivent, qu'en est-il de manière générale? Est-il primordial de voir l'étiquette pour mieux apprécier le vin? S'il sait que tout le monde ne sera pas d'accord avec lui, Nicolas Vivas estime qu'il «est important de savoir ce qu'on boit pour déguster pleinement un vin». Et d'ajouter: «Lorsqu'on voit l'étiquette, notre cerveau charge, en quelques secondes, le référentie­l des dégustatio­ns passées de ce même vin.» L'oenologue compare cela à un musée. «Lorsqu'on décide d'aller voir une exposition de Picasso, on sait ce que l'on va admirer et l'on vit tout de même un moment exceptionn­el. Savoir ce que l'on boit, c'est pareil: cela permet de déguster le vin avec plus de respect», relève-t-il. N'existe-t-il tout de même pas un risque, celui de se faire avoir par un vin qui ne correspond­rait pas à l'étiquette qu'on met en avant? «Il existe des fausses bouteilles de grands domaines, mais on le remarque dès le départ: on n'est pas dans le même univers», assure Nicolas Vivas. Pour lui, «on est rarement trompé par une étiquette, parce qu'un grand vin, c'est une évidence, un moment exceptionn­el. Il est extrêmemen­t difficile de reproduire cela avec un vin moyen ou passable.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland