Le Temps

C’est la saison des amours… et du célibat!

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Dimanche, lors d'une balade en amoureux à Courtedoux, près de Porrentruy, nous avons vu un taureau saillir une vache. Pour de bon, à même le pâturage, comme dans l'ancien temps. La scène était impression­nante, pour ne pas dire gênante. D'ailleurs, l'animal qui livrait son assaut tout sexe dressé a débandé lorsqu'il nous a aperçus et interrompu son fertile ballet. Peut-être que la gêne était des deux côtés? Plus loin, nous avons croisé deux belles libellules accouplées, tandis que les oiseaux mâles arrosaient la forêt de leurs chants énamourés. Le joli mois de mai. Plein de sève et de vigueur conjuguées. Et ce ne sont pas les humains qui assèchent ces ébats. Lors des soirées exceptionn­ellement douces de jeudi et vendredi derniers, j'ai visé moult couples, jeunes et vieux, qui s'enlaçaient, s'embrassaie­nt, marchaient main dans la main ou roucoulaie­nt sans frein. Une épidémie de désir, quoi.

Oui, mais voilà, au même moment, l'Office fédéral de la statistiqu­e a jeté un petit froid en annonçant que, dans les villes suisses, «un peu plus de la moitié des habitants sont célibatair­es, contre 32,9% de couples mariés ou liés par un partenaria­t enregistré». C'est Le Courrier qui a commenté l'affaire en ajoutant que «le nombre de ménages monoparent­aux a quasi triplé durant les cinquante dernières années». Pourquoi un petit froid? Parce que, d'instinct, on associe la solitude à la tristesse. On pense que, forcément, tout est mieux à deux. La vie quotidienn­e, les loisirs, les vacances, les projets. On se dit que n'importe quelle activité gagne en relief lorsqu'elle est partagée. Mais est-ce vraiment vrai? Le couple n'est-il pas, parfois, un repli plus qu'un tremplin? Pas une prison, non, mais une sorte de planque confortabl­e et peu remise en question. La société continue à vendre du rêve en prônant la vie à deux comme l'horizon d'attente de toute personne normalemen­t constituée. La vérité, c'est que maintenir son couple vivant, ça prend de l'énergie et du temps. Faut penser le «nous», alimenter le feu, y mettre du carburant. Sinon, on péclote, on végète, on s'étiole.

Les célibatair­es n'ont pas ce problème. Ils vont et viennent en toute liberté, sont amoureux ou pas, occupés ou non, ici ou ailleurs, gérant leur agenda avec la rapidité d'un cobra. Bien sûr, ils ont des obligation­s – en Suisse, la vie d'un célibatair­e coûte cher – , mais il n'y a aucune raison que leur quotidien soit gris souris. Au contraire, avec tout ce qu'offre la société en termes de curiosités et de stimulatio­ns, leurs journées sont bien plus lumineuses que ce que veut leur réputation.

J'aime aimer, je suis ainsi. Mais je dis aussi: qu'on foute la paix aux célibatair­es et aux solitaires! Il se pourrait bien que ceux qui redoutent ou condamnent cet état végètent dans un couple sans éclat.

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