Le malentendu climatique
J’aurais préféré qu’on l’appelle «loi pour la modernisation et l’efficience du pays». Car c’est de cela qu’il s’agit.
Tout notre fonctionnement est encore basé sur des technologies archaïques et des infrastructures inefficientes qui, non seulement polluent, mais aussi gaspillent les ressources et engendrent des coûts exorbitants pour la population. On consomme quatre fois plus d’énergie au km avec un moteur thermique qu’avec un moteur électrique; nos bâtiments sont mal isolés et souvent chauffés avec des combustibles fossiles alors qu’ils pourraient être neutres en CO2; les sources renouvelables sont devenues moins chères que le pétrole et le gaz, et comprennent bien plus que le solaire et le vent: on oublie les déchets agricoles pour produire du biogaz et les rivières pour y installer de petites turbines hydroélectriques. Sans même parler de la géothermie de surface. L’économie circulaire permettrait de valoriser les déchets. Tant d’opportunités industrielles sont manquées en restant prisonnières de vieilles habitudes!
En appelant la loi «loi climat», on a réactivé les fantasmes anti-écologiques
Alors oui, il s’agit bien d’électrifier notre société pour la rendre plus efficiente et par conséquent moins chère. On est donc exactement à l’inverse des 6600 francs par personne que coûterait soi-disant la loi, selon les opposants qui négligent les récentes avancées technologiques, et ne voient pas la transition écologique comme une opportunité économique à saisir. Rien qu’en remplaçant tous les radiateurs à résistance par des pompes à chaleur et les ampoules à incandescence par des LED, on économiserait une puissance équivalente à deux centrales nucléaires. Alors où est le «gaspillage d’électricité» redouté par les adversaires? Dans le futur? Au contraire, il est dans notre quotidien, et c’est cela qui doit changer.
De plus, en diminuant les importations d’énergies fossiles pour favoriser la production d’électricité renouvelable et locale, on augmente l’indépendance énergétique du pays. Voilà autant d’arguments pour réjouir en théorie la totalité des partis politiques. Autre tour de force, cette loi n’introduit ni nouvelles taxes, ni interdictions. Ce qu’elle se propose de faire est de créer la nécessité légale d’adopter enfin des solutions propres et efficientes. Alors que s’est-il passé pour qu’on en arrive à un référendum?
En l’appelant «loi climat», on a réactivé les fantasmes anti-écologiques. C’est vrai qu’on n’évitera pas les changements climatiques en supprimant les émissions carbonées de la Suisse, soit 0,1% du total mondial, même si chacun doit faire sa part. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Bien sûr que la neutralité carbone impliquera des investissements: 12,9 milliards de francs par an (ou 2% de notre PIB) selon les opposants. Notons que ce chiffre représente à peu près les importations annuelles de produits pétroliers! Même le Conseil fédéral reconnaît que le coût de l’inaction serait bien plus élevé: jusqu’à 4% du PIB! Il faut aussi comprendre que ce ne sont pas des coûts, de l’argent perdu comme quand on importe du pétrole ou du gaz à grands frais, mais des financements qui enrichiront le pays. Cela ne représente pas plus que les milliards qui sont de toute façon investis chaque année en infrastructures, constructions et production d’électricité ou de chaleur, alors autant que cet argent soit utilisé pour des technologies modernes, propres et efficientes plutôt que pour nous acharner dans la voie sans issue de systèmes démodés et beaucoup trop chers.
Le seul bon argument que je peux entendre, même s’il n’apparaît qu’en filigrane, est la peur du changement. C’est exact qu’il va falloir dorénavant fonctionner différemment pour fonctionner mieux. Cela impliquera pour certains opposants de perdre des avantages personnels en tant qu’importateurs de véhicules thermiques ou d’huile de chauffage. Mais pouvons-nous freiner l’évolution d’un pays entier pour les intérêts particuliers de certains? Une reconversion dans le futur n’est-il pas un défi beaucoup plus intéressant que de s’arc-bouter sur le passé?
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