La loi covid, une coquille désormais presque vide
Les opposants au texte ne désarment pas et imposent une nouvelle votation pour l’abroger sans attendre. Pourtant, cette loi n’a plus grand-chose qui pourrait diviser la société, toutes les mesures de restrictions ayant déjà été levées
C’est un record, assurément. Pour la troisième fois en deux ans, la population suisse doit se prononcer sur la loi Covid-19. Ainsi l’ont voulu plusieurs organisations – dont Mass-Voll, les Amis de la Constitution et le Mouvement fédératif romand –, qui ont lancé le référendum contre une loi que le parlement a prolongée jusqu’en juin 2024. Mais l’enjeu de la votation a perdu beaucoup de son caractère explosif par rapport aux deux précédentes versions.
Importation de médicaments
Au printemps 2021, le parlement avait créé la base légale pour venir à la rescousse de 100 000 entreprises et d’un million de personnes en finançant des aides pour quelque 35 milliards de francs. Déjà, les référendaires avaient crié leur refus de «la propagande d’Etat, de la suppression des libertés et d’une société à deux vitesses». Car cette loi esquissait déjà l’objet de la deuxième votation du 28 novembre 2021, qui avait légitimé l’introduction du certificat covid.
Il n’y a plus rien de tout cela dans la loi en votation. Toutes les restrictions dues à la pandémie ont été levées voici un an. Et le ministre de la Santé Alain Berset l’a promis: «En Suisse, le certificat covid ne sera pas réintroduit». C’est dire que cette loi ressemble de plus en plus à une coquille vide.
Pas tout à fait, quand même. Elle contient encore trois points que soulignent les autorités. D’abord, elle permet au Conseil fédéral de continuer à importer des médicaments et à les mettre sur le marché, même lorsqu’ils ne sont pas autorisés. C’est le parlement qui a voulu cela en mars 2021. Deux médicaments soutenus dans le cadre d’un programme de recherche pourraient être commercialisés au début de l’année prochaine: l’un concerne les personnes atteintes d’un covid long et l’autre les patients vulnérables ayant des parcours difficiles dans la maladie.
Un deuxième point est d’ordre serviciel. Le Conseil fédéral maintient l’infrastructure du certificat covid, mais uniquement pour les voyageurs qui se rendent à l’étranger. Actuellement, plus de 20 000 Suissesses et Suisses par mois se font encore délivrer un tel document. On ne peut en effet pas exclure que certains pays qui seraient touchés par un rebond de la pandémie cet hiver l’exigent.
Troisième élément à mentionner: la loi pourrait obliger les employeurs à mieux protéger les personnes vulnérables si la situation épidémiologique venait à se dégrader. Celles-ci auraient alors l’autorisation de se mettre en mode télétravail.
Parmi les partis politiques, seule l’UDC rejette la loi Covid19. «On conserve les bases d’une potentielle dictature sanitaire alors même que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a levé l’état d’urgence», s’exclame Jean-Luc Addor (UDC/VS). «Dans cette loi, il reste le certificat covid qu’on peut remettre en vigueur», craint-il.
Privé de restaurant
L’avocat valaisan, qui a renoncé à se faire vacciner, s’est senti «discriminé» durant la pandémie. «Avec le recul, on constate que les autorités ont abusé du droit d’urgence pour imposer des restrictions souvent disproportionnées», estime-t-il. Ainsi, le conseiller national n’a plus eu accès au Palais fédéral par la porte principale, mais uniquement par la porte sud des visiteurs. Il n’a pas non plus pu fréquenter le restaurant de la Galerie des Alpes. «Le vrai enjeu de cette votation, c’est la liberté», souligne-t-il encore.
C’est un fait: dans l’esprit des référendaires, ces souvenirs restent marquants. Michel Matter (Parti vert’libéral/GE) le comprend, mais conteste l’assertion que la loi covid ait été discriminatoire. «Il ne faut pas oublier tous ceux que cette loi a protégé: les personnes vulnérables, mais aussi la société et l’économie en général, qui ont pu poursuivre leurs activités».
Pour le président des médecins genevois, cette votation peut se résumer en «une loi au cas où». On y aurait recours uniquement si une nouvelle vague du virus survenait ou si un voyageur devait avoir besoin d’un certificat covid pour se rendre dans un pays exigeant une vaccination. «Nous devons rester vigilants», conseille Michel Matter.
En 2021, lors des deux premiers scrutins, le peuple suisse avait approuvé la loi Covid-19 à une majorité de plus de 60%. Les premiers sondages laissent supposer un score assez semblable, même si leurs résultats divergent sensiblement. Celui des journaux Tamedia ne donne qu’une avance de dix points en faveur de la loi, tandis que celui de la SSR prédit un verdict beaucoup plus clair: 68% de oui contre 28% de non si l’on votait à l’heure actuelle. Tout peut bien sûr encore évoluer, mais il faut s’attendre à ce que tous ceux qui aimeraient tourner définitivement la page de la pandémie doivent encore patienter un an.
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