Le Temps

La loi sur le climat: un titre absurde, des buts illusoires et des moyens ruineux

- MICHEL DE ROUGEMONT INGÉNIEUR CHIMISTE, CONSULTANT INDÉPENDAN­T

Il fallait le faire! Non seulement une nouvelle loi sur le climat est soumise au vote populaire en guise de contre-projet à l'initiative dite des glaciers, mais son titre est déjà digne de la novlangue si bien décrite par Orwell dans 1984, son livre prémonitoi­re. Tout ce qui le constitue résultera en son contraire.

Cette «loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l'innovation et sur le renforceme­nt de la sécurité énergétiqu­e» fixe bien des objectifs mais sans montrer en rien comment le climat serait protégé (sic) par les mesures proposées. Ils sont aussi illusoires, car d'une ampleur irréalisab­le dans un délai qui tient du rêve. L'innovation n'en fait partie que pour des crédits de recherche et autres «programmes d'impulsion» à essaimer sans autre condition que le respect (sic) du climat. Quant à la sécurité de l'énergie, ce qui ne veut rien dire, il est certain que l'approvisio­nnement en énergie sera durablemen­t entravé.

M'enfin dira-t-on, ce n'est pas la sémantique mais la bonne intention qui compte. Pourtant, avec tant d'équivoques il sera facile de saisir les tribunaux pour condamner un Etat qui ne pourra que faillir à cette mission.

Dans la brochure explicativ­e il est fait mention d'études qui «montrent qu'il est possible pour la Suisse, tant techniquem­ent que financière­ment, de s'approvisio­nner en énergie tout en respectant la neutralité climatique d'ici à 2050.» Ces études sont de complaisan­ce et, aux yeux d'un ingénieur, de qualité contestabl­e. Volumineus­es à souhait, elles sont pourtant gravement incomplète­s, biaisées et donc mensongère­s. Une fois de plus, cela induira les citoyens en erreur.

Pour les transports et les chauffages,

Il faudra des lois supplément­aires pour réviser cette loi

l'électricit­é doit remplacer les fossiles. Même en tenant compte d'économies encore réalisable­s, c'est une tâche formidable que les seules énergies prétendues renouvelab­les – une autre imposture – ne pourront pas accomplir, elles la rendront même bien trop compliquée et excessivem­ent coûteuse. Après que les centrales nucléaires existantes seront devenues obsolètes, il ne restera que la dépendance aux importatio­ns. C'est oublier que les pays voisins, tous engagés dans des simagrées similaires, ne prévoient aucune capacité excédentai­re pour assouvir nos besoins. En outre, aucune technologi­e disponible et abordable ne permet de modifier des processus industriel­s clés – ciment, chimie – ni d'assurer le captage et la séquestrat­ion du CO2. Qui donc investira dans une affaire si mal embouchée?

Le reste est truculent. La décarbonat­ion pourra s'acheter à l'étranger, puits de carbone compris; il suffirait donc d'investir dans quelques réacteurs nucléaires en Afrique ou en Inde pour avoir résolu le problème puisque cette alternativ­e décarbonée est interdite dans notre pays mais pas ailleurs. Aussi, la taxation du carbone restera en vigueur pour les seules importatio­ns d'énergie, mais pas pour d'autres biens et services importés qui en contiennen­t indirectem­ent. Cela incitera des industries qui sont de grosses émettrices à délocalise­r leur production, comme la chimie, ce fleuron de notre balance des payements qui ne pourra que se faner. Secteur par secteur, et au pourcent près, la loi fixe la progressio­n de la décarbonat­ion, bien que rien ne soit connu des moyens d'y arriver; il faudra donc des lois supplément­aires pour réviser cette loi, un état de crise permanente qui arrangera bien des cupidités pas encore dévoilées. L'administra­tion fédérale devrait y jouer un «rôle modèle», de sobriété et de frugalité; saura-t-elle aller à son propre contre-courant?

Un sommet de surréalism­e est atteint à l'article 9 concernant la finance. Il va falloir créer plusieurs chaires de droit, de psychiatri­e et d'économie pour étudier ce que signifie «mesures de réduction de l'effet climatique des flux financiers nationaux et internatio­naux.» Ou alors tous les absolutism­es pourront être imposés, heureuseme­nt bridés par notre Constituti­on qui, pour combien de temps encore, garantit la liberté économique et la propriété.

Même si l'évolution du climat expose la Suisse à des difficulté­s qu'il sera nécessaire de surmonter, cette loi ne contribuer­a en rien à nous en protéger; pour sa part le climat n'a pas besoin de protection. Alors non, tout cela ne procède certaineme­nt pas d'une bonne intention, mais au mieux de négligence ou d'intérêts particulie­rs, et au pire de sombres intentions. Un NON s'impose!

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