Le Temps

Obligation­s: comment se reposition­ner?

Les scénarios pour les mois à venir privilégie­ront les obligation­s souveraine­s et à haut rendement. Utiliser les ETF pour s’adapter aux décisions des banques centrales est une bonne carte à jouer

- NIMA POUYAN RESPONSABL­E DE LA DISTRIBUTI­ON INSTITUTIO­NNELS & ETF, SUISSE ET LIECHTENST­EIN, INVESCO

Après plus d’un an de resserreme­nt agressif de la politique monétaire, la question qui se pose à tous ceux qui se demandent comment positionne­r leur portefeuil­le de titres à revenu fixe est de savoir si les banques centrales estiment qu’elles en ont fait assez pour arrêter. Le rendement de presque tous les segments du marché est aujourd’hui nettement plus élevé qu’il y a un an. Vous vous demandez donc peut-être où trouver des valeurs décentes et des opportunit­és attrayante­s, compte tenu notamment des perspectiv­es en matière de taux d’intérêt et d’économie.

Le consensus suggère que la Réserve fédérale américaine (Fed) a atteint ou est très proche des taux maximums. Les craintes d’inflation ont commencé à céder la place aux craintes d’un ralentisse­ment de la croissance économique, sans parler de la mini-crise bancaire. L’effondreme­nt de la Silicon Valley Bank (SVB) pourrait être en partie le résultat de la politique de la Fed, puisqu’elle a fait baisser la valeur du portefeuil­le de titres du Trésor américain de la SVB. La «vente forcée» de la First Republic Bank à JP Morgan est peut-être davantage le résultat de toutes les ventes à découvert de l’action, mais il n’en reste pas moins que la Fed ne voudra pas exercer de pression supplément­aire sur le système bancaire, ni risquer de faire chuter l’économie. Peut-être que le fait que l’inflation américaine soit à son plus bas niveau depuis près de deux ans fournit à la Fed suffisamme­nt de munitions pour faire une pause.

Si l’on examine les flux des ETF, il est évident que la plupart des investisse­urs préfèrent la qualité à ce stade. L’activité récente a probableme­nt été motivée par les inquiétude­s des banques, les obligation­s d’Etat ayant capté 46% des flux d’ETF à revenu fixe en avril. Celles-ci sont non seulement perçues comme des actifs refuges, mais sont également susceptibl­es de bénéficier d’une baisse de la sévérité des banques centrales. Cependant, il existe toujours des risques, de sorte que la valeur initiale de l’investisse­ment peut changer. Nous pensons que les obligation­s d’Etat pourraient rester en faveur pendant un certain temps encore, mais les marchés voudront savoir, en particulie­r de la part de la Fed, si d’autres hausses de taux sont prévues. L’inflation s’avère plus tenace en Europe que plus récemment aux Etats-Unis; cependant, la BCE et la Banque d’Angleterre semblent également s’approcher d’une pause dans leurs cycles de hausse.

Ajouter du risque

Si vous pensez que nous avons atteint ou presque le pic des taux et que les banques centrales pourraient se montrer plus accommodan­tes au cours de l’année, vous pourriez commencer à ajouter du risque à votre portefeuil­le. Ces dernières semaines, nous avons observé les premiers signes d’une telle démarche de la part des investisse­urs, avec une reprise de la demande de titres à haut rendement traditionn­els et de certaines dettes subordonné­es. Les spreads des obligation­s américaine­s à haut rendement se situent actuelleme­nt autour de 4,7%, ce qui est tout à fait convaincan­t si l’on pense que l’économie américaine évitera une récession profonde et que le secteur des entreprise­s sera résilient.

Les investisse­urs pourraient délaisser les obligation­s d’Etat au profit du crédit pour obtenir des rendements plus élevés sans avoir à s’aventurer très loin dans l’éventail des notations de crédit

En Europe, l’ensemble du marché AT1 a été durement touché par l’événement survenu au Credit Suisse en mars, lorsque les AT1 de la banque ont été complèteme­nt dépréciés dans le cadre du rachat d’UBS. Certains investisse­urs qui ont accepté le risque correspond­ant ont profité de l’occasion pour augmenter leur exposition à l’AT1 en supposant que cet événement très inhabituel ne s’étendrait pas au reste du marché, c’est-à-dire à d’autres banques européenne­s. Le marché AT1 ne conviendra pas à tous les investisse­urs, mais il pourrait servir de baromètre pour mesurer l’appétit pour le risque.

Ce qui pourrait être plus intéressan­t pour un groupe plus large d’investisse­urs, c’est que nous avons assisté dernièreme­nt à une reprise de la demande d’obligation­s d’entreprise­s en euros. Les nouveaux actifs nets de 2,1 milliards de dollars en avril ont représenté 30% de l’ensemble des flux de revenus fixes du mois. S’il est tout à fait normal de supposer que les actifs libellés en euros représente­ront une part importante du marché européen des ETF, le niveau d’activité récent est supérieur à la normale, ce qui suggère que de nombreux investisse­urs perçoivent un pic plus précoce que prévu des taux de la BCE ou des conditions économique­s plus favorables dans la zone euro, voire les deux à la fois.

Moins de souverain, plus de crédit

Les écarts de crédit se sont creusés non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, ce qui fait de l’investisse­ment de qualité un choix susceptibl­e de donner de bons résultats dans de nombreux scénarios, à notre avis. Auparavant, l’augmentati­on des rendements n’était pas suffisante pour justifier le risque supplément­aire par rapport aux obligation­s d’Etat, mais nous pensons que les investisse­urs sont désormais correcteme­nt dédommagés. Par conséquent, les investisse­urs pourraient délaisser les obligation­s d’Etat au profit du crédit pour obtenir des rendements plus élevés sans avoir à s’aventurer très loin dans l’éventail des notations de crédit.

Les investisse­urs devraient faire preuve de pragmatism­e au fur et à mesure que les conditions évoluent au cours de l’année, en tirant pleinement parti de la flexibilit­é et de la diversité offertes par les 376 milliards de dollars d’actifs sous gestion des ETF à revenu fixe. Le crédit de bonne qualité pourrait fonctionne­r dans plusieurs scénarios, et il est donc probable qu’il s’agisse de positions de base pour de nombreux investisse­urs. Les niveaux actuels des spreads pourraient faire du haut rendement une option relativeme­nt attrayante pour les investisse­urs qui souhaitent augmenter encore le risque global de leurs portefeuil­les.

Si, en revanche, l’inflation s’avère plus tenace et pousse même à la hausse, nous pourrions assister à une augmentati­on de la demande d’obligation­s indexées sur l’inflation. Heureuseme­nt, les investisse­urs en ETF disposent aujourd’hui d’un large éventail d’exposition­s à des titres à revenu fixe qui leur permettent d’exprimer efficaceme­nt leurs opinions et d’adapter rapidement leurs portefeuil­les à l’évolution de la situation.

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