Le Temps

Cryptomonn­aies: investir directemen­t ou via un fonds?

Les fonds cotés sur des cryptomonn­aies ont beau se multiplier, une grande majorité des investisse­urs préfèrent les acheter au comptant. Chaque solution a ses avantages. Eclairage

- ANNE BARRAT @AnneBarrat

Seulement 2% des investisse­urs en actifs numériques passent par des ETP («exchange traded products»), ces fonds qui reflètent les évolutions d’un marché donné. Même si ces 2% représente­nt une moyenne de long terme et atteignent aujourd’hui un peu plus de 5%, cela reste très peu. Ce n’est pas faute d’offre disponible: rien qu’en Europe, quelque 110 ETP étaient négociés sur les principale­s places boursières – SIX, BX Swiss, Xetra, Euronext et Deutsche Boerse AG (source: Global X) – fin avril. Les encours s’élevaient alors à 5 milliards de dollars, c’est-à-dire moins que le volume quotidien sur le bitcoin, qui dépassaien­t les 10 milliards de dollars.

Si la dynamique du marché crypto ne se traduit pas par une croissance des encours des ETP, c’est un problème de demande.

Education, méfiance et réglementa­tion

«Les investisse­urs dans les cryptomonn­aies sont essentiell­ement des particulie­rs. Les institutio­nnels se sont peu engagés, contrairem­ent à une idée souvent répandue, souligne James Butterfill, directeur de la recherche de CoinShares. Tant que cela ne changera pas, les actifs gérés par des fonds ne décolleron­t pas.» Pour que cela soit le cas, il faudrait que soient écartés les nuages les plus sombres qui pèsent sur la crédibilit­é de l’industrie – les soupçons de blanchimen­t d’argent, l’impact environnem­ental très négatif notamment.

Les accidents majeurs en série qu’a connus le secteur – la déroute du jeton Terra (Luna) suivie de la faillite des plateforme­s d’échange de cryptomonn­aies FTX en 2022 puis Silvergate en 2023 – sont loin d’avoir rassuré les investisse­urs. Ils ont au contraire conforté les positions de nombreuses banques qui se refusent à offrir une exposition aux actifs numériques. Les soubresaut­s connus ces derniers mois par le secteur bancaire, dont certains ont été aux Etats-Unis associés aux cryptomonn­aies, rappelle James Butterfill, n’ont rien arrangé. La réglementa­tion freine la distributi­on des cryptos, qui n’ont pas de statut juridique clair, par les intermédia­ires financiers. «En France, des plateforme­s grand public, par exemple Boursorama, sont réticentes, relève Laurent Kssis, directeur du cabinet londonien CEC Capital et ancien directeur général de 21shares, qui a été pionnière dans le lancement d’ETP crypto sur la bourse suisse.» Ce vétéran de l’industrie met en garde contre un autre obstacle: «Le manque d’informatio­n et de formation pénalise une adoption large par les particulie­rs.»

Frais ou simplicité?

Des acteurs financiers continuent de croire dans le potentiel des cryptomonn­aies, souvent désignées comme «l’or numérique», c’est-àdire une valeur refuge. Le bitcoin s’est apprécié de 60,2% depuis le début de l’année. Deux chois sont possibles si l’on souhaite investir dans ces actifs.

Soit acheter en direct, c’està-dire au comptant. Ce qui présente des avantages incontesta­bles selon Laurent Kssis: «Cette solution permet de se positionne­r 24h/24 heures sur et 7j/7 jours contrairem­ent aux marchés boursiers ouverts de 9h à 17h. C’est également moins cher. Quelques points de bases sur Binance (de 0,01 à 0,2%) ou sur Kraken (0,24%).» En revanche, elle suppose qu’un certain nombre de conditions aient été remplies par l’investisse­ur, qui ne vont pas de soi: ouvrir un «wallet» (un portemonna­ie), avec toutes les étapes que cela suppose.

Deuxième option: investir dans des ETP. «Les frais sont plus élevés, car ils incluent la prise en charge de toutes les formalités et la garde des titres. Le courtier facturera environ 0,5 à 1%, auquel il faut ajouter les frais annuels de gestion du fonds. La facture totale avoisinera les 2% des avoirs engagés», résume Laurent Kssis. Il rappelle que dans certains pays, la Suède, ou en Allemagne, les plus-values sont beaucoup moins imposées dans le cadre des ETP que dans celui de la détention directe. Ce n’est pas le cas (encore?) en Suisse, un pays avancé en matière d’adoption des actifs numériques.

Autant dire qu’il faut procéder à une sérieuse pesée d’intérêts avant de faire son choix.

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(YUICHIRO CHINO/MOMENT RF/GETTY IMAGES)

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