Le Temps

Pour une gauche libératric­e et non moralisatr­ice

- MICHELINE CALMY-REY ANCIENNE CONSEILLÈR­E FÉDÉRALE PS

Vous me demandez d’écrire un texte pour expliquer comment le PS peut gagner des sièges au Parlement fédéral et quelles devraient être les thématique­s fortes pour la gauche afin d’y parvenir. J’espère que le PS ne s’inventera pas de nouveaux slogans à la veille des élections juste pour mieux coller à l’opinion publique du moment car alors son message, s’il devait diverger de son activité politique usuelle, serait tout sauf convaincan­t.

Le PS n’a pas abandonné ses positionne­ments traditionn­els mais les catégories sociales qui structurai­ent le monde d’hier ont changé. Les emplois peu ou pas qualifiés se sont déplacés vers les services, le nombre d’employés ne cesse de croître, et l’univers se féminise. Un sentiment d’injustice traverse aujourd’hui l’électorat et il n’est pas uniquement sujet des rapports employeurs/ employés. Il est souvent lié aux discrimina­tions et aux précarités rencontrée­s durant son ou ses parcours de vie.

Pour moi, une gauche qui fait envie est une gauche libératric­e, pas une gauche moralisant­e qui dit ce qu’on doit faire. Une gauche qui propose, qui s’engage pour corriger les difficulté­s que vivent au quotidien les gens. Une gauche qui prône une 13e rente AVS: trop de personnes âgées, en particulie­r des femmes seules, doivent se contenter du minimum AVS. Une gauche qui se bat pour l’ajustement des salaires à l’inflation, pour l’égalité salariale entre femmes et hommes, pour des places en crèche abordables. J’ose enfin souhaiter que des propositio­ns émergent pour faire baisser les primes d’assurance maladie ou à tout le moins diminuer la charge pesant sur les budgets des ménages et que les motions et initiative­s du PS pour des loyers décents aboutissen­t.

Trop souvent, les discours socialiste­s remplacent la justice par la morale, un discours qui divise et qui peine à convaincre en particulie­r lorsque l’on parle de protection de l’environnem­ent. Parlons de solutions concrètes, notamment en termes de mode de vie, de pouvoir d’achat et de fiscalité pour répartir équitablem­ent le coût de la transition climatique. Parlons d’investisse­ments publics, d’énergies renouvelab­les, de barrages, de panneaux solaires, d’éoliennes. La transforma­tion écologique de la Suisse passe par des propositio­ns, acceptable­s et compréhens­ibles par toutes et tous.

En 2023, les enjeux électoraux ne se résument pas à des questions de politique intérieure. La guerre en Ukraine place les défis géopolitiq­ues et de sécurité au premier plan et donc influence les thèmes de campagne. Les citoyennes et les citoyens voient bien que la situation internatio­nale se tend et se tournent logiquemen­t vers les acteurs et actrices politiques qui peuvent les protéger. L’histoire récente regorge de ralliement­s sous le drapeau dans des périodes de crises majeures. Et des crises majeures nous en avons vécu, covid, guerre sur le territoire européen, crise financière et dérapage du Credit Suisse.

Pour un pays comme la Suisse engagé dans les institutio­ns internatio­nales dont l’influence réside non pas sur la force mais sur la puissance du droit, des mêmes règles s’appliquant à tous les Etats, le dilemme est patent. Rester à l’écart ou faire avec les autres? Se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN ou se débrouille­r seul avec notre neutralité armée comme seul atout? Le PS malheureus­ement n’a pas su trancher le débat. Or il est impératif que le PS se profile clairement sur le sujet, qui n’est pas un sujet sur lequel il est envisageab­le de laisser à chaque militant une clause de conscience. Un parti de gouverneme­nt doit impérative­ment prendre une position claire et sans ambiguïté, soit laisser la défense de la neutralité entièremen­t à l’UDC et défendre logiquemen­t l’adhésion à l’OTAN et dans la foulée à l’Union européenne, soit interpréte­r la neutralité de telle sorte qu’elle soit compatible avec un rôle éclairé au sein des Nations unies, ce qui lui permettrai­t d’accroître sa crédibilit­é auprès des pays non alignés et redonnerai­t un élan à la Genève internatio­nale.

A supposer que le PS choisisse la voie de la neutralité, il conviendra­it alors de mener à bien les négociatio­ns avec l’Union européenne et là encore le PS doit s’unir autour d’une feuille de route claire et efficace, c’est-à-dire apte à rallier des majorités politiques. Mais là, j’atteins les limites de mes espérances….

Se rapprocher de l’UE et de l’OTAN ou se débrouille­r seuls avec notre neutralité armée comme seul atout? Le PS, malheureus­ement, n’a pas su trancher

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