Pour une gauche libératrice et non moralisatrice
Vous me demandez d’écrire un texte pour expliquer comment le PS peut gagner des sièges au Parlement fédéral et quelles devraient être les thématiques fortes pour la gauche afin d’y parvenir. J’espère que le PS ne s’inventera pas de nouveaux slogans à la veille des élections juste pour mieux coller à l’opinion publique du moment car alors son message, s’il devait diverger de son activité politique usuelle, serait tout sauf convaincant.
Le PS n’a pas abandonné ses positionnements traditionnels mais les catégories sociales qui structuraient le monde d’hier ont changé. Les emplois peu ou pas qualifiés se sont déplacés vers les services, le nombre d’employés ne cesse de croître, et l’univers se féminise. Un sentiment d’injustice traverse aujourd’hui l’électorat et il n’est pas uniquement sujet des rapports employeurs/ employés. Il est souvent lié aux discriminations et aux précarités rencontrées durant son ou ses parcours de vie.
Pour moi, une gauche qui fait envie est une gauche libératrice, pas une gauche moralisante qui dit ce qu’on doit faire. Une gauche qui propose, qui s’engage pour corriger les difficultés que vivent au quotidien les gens. Une gauche qui prône une 13e rente AVS: trop de personnes âgées, en particulier des femmes seules, doivent se contenter du minimum AVS. Une gauche qui se bat pour l’ajustement des salaires à l’inflation, pour l’égalité salariale entre femmes et hommes, pour des places en crèche abordables. J’ose enfin souhaiter que des propositions émergent pour faire baisser les primes d’assurance maladie ou à tout le moins diminuer la charge pesant sur les budgets des ménages et que les motions et initiatives du PS pour des loyers décents aboutissent.
Trop souvent, les discours socialistes remplacent la justice par la morale, un discours qui divise et qui peine à convaincre en particulier lorsque l’on parle de protection de l’environnement. Parlons de solutions concrètes, notamment en termes de mode de vie, de pouvoir d’achat et de fiscalité pour répartir équitablement le coût de la transition climatique. Parlons d’investissements publics, d’énergies renouvelables, de barrages, de panneaux solaires, d’éoliennes. La transformation écologique de la Suisse passe par des propositions, acceptables et compréhensibles par toutes et tous.
En 2023, les enjeux électoraux ne se résument pas à des questions de politique intérieure. La guerre en Ukraine place les défis géopolitiques et de sécurité au premier plan et donc influence les thèmes de campagne. Les citoyennes et les citoyens voient bien que la situation internationale se tend et se tournent logiquement vers les acteurs et actrices politiques qui peuvent les protéger. L’histoire récente regorge de ralliements sous le drapeau dans des périodes de crises majeures. Et des crises majeures nous en avons vécu, covid, guerre sur le territoire européen, crise financière et dérapage du Credit Suisse.
Pour un pays comme la Suisse engagé dans les institutions internationales dont l’influence réside non pas sur la force mais sur la puissance du droit, des mêmes règles s’appliquant à tous les Etats, le dilemme est patent. Rester à l’écart ou faire avec les autres? Se rapprocher de l’Union européenne et de l’OTAN ou se débrouiller seul avec notre neutralité armée comme seul atout? Le PS malheureusement n’a pas su trancher le débat. Or il est impératif que le PS se profile clairement sur le sujet, qui n’est pas un sujet sur lequel il est envisageable de laisser à chaque militant une clause de conscience. Un parti de gouvernement doit impérativement prendre une position claire et sans ambiguïté, soit laisser la défense de la neutralité entièrement à l’UDC et défendre logiquement l’adhésion à l’OTAN et dans la foulée à l’Union européenne, soit interpréter la neutralité de telle sorte qu’elle soit compatible avec un rôle éclairé au sein des Nations unies, ce qui lui permettrait d’accroître sa crédibilité auprès des pays non alignés et redonnerait un élan à la Genève internationale.
A supposer que le PS choisisse la voie de la neutralité, il conviendrait alors de mener à bien les négociations avec l’Union européenne et là encore le PS doit s’unir autour d’une feuille de route claire et efficace, c’est-à-dire apte à rallier des majorités politiques. Mais là, j’atteins les limites de mes espérances….
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Se rapprocher de l’UE et de l’OTAN ou se débrouiller seuls avec notre neutralité armée comme seul atout? Le PS, malheureusement, n’a pas su trancher