Le Temps

Trop de largesses pour le photovolta­ïque?

Le Contrôle fédéral des finances est d’avis que les petites installati­ons facilement rentables ne doivent plus être subvention­nées et invite à miser sur les centrales solaires hors des zones à bâtir

- DAVID HAEBERLI, BERNE @David_Haeberli

Le parlement s’apprête à débattre de l’approvisio­nnement énergétiqu­e du pays et d’une solution qui combine majoritair­ement l’hydrauliqu­e et le solaire. Pour parvenir à l’objectif validé d’une Suisse neutre en émissions de gaz à effet de serre en 2050, les autorités comptent sur le déploiemen­t de très grands projets solaires notamment dans les Alpes (le Valais vote sur ce sujet le 10 septembre) ainsi que sur les privés qui couvrent leurs toits de panneaux à un rythme qui s’accélère d’année en année. C’est le moment qu’a choisi le Contrôle fédéral des finances (CDF) pour se pencher sur le système d’aide publique au photovolta­ïque. La conclusion de son audit risque de refroidir l’enthousias­me ambiant: le rapport entre montant des subvention­s et production d’énergie semble médiocre aux yeux de l’auditeur lorsqu’il s’agit de petites installati­ons (en dessous de 100 kWh).

Pour poser son diagnostic, le CDF a d’abord fait le décompte suivant. Il existe 127 172 petites installati­ons solaires en Suisse contre 3293 de grande taille. Les premières ont une production annuelle de 1,69 TWh contre 0,89 TWh pour les secondes. Les subvention­s respective­s sont de 1153 millions de francs contre 393 millions.

Emplacemen­ts inexploité­s

La clé de voûte du système confédéral d’incitation financière à la pose de panneaux photovolta­ïque est la rétributio­n unique. Cette contributi­on publique couvre au maximum 30% de l’investisse­ment. Une fois les panneaux posés, le propriétai­re peut directemen­t pomper l’énergie produite par son installati­on. C’est une incitation forte car cette consommati­on est bien moins onéreuse que de s’approvisio­nner chez un fournisseu­r d’énergie. Le tarif électrique se compose en effet non seulement du prix de l’électricit­é, mais aussi des coûts du réseau et de divers impôts et taxes. Enfin, la production excédentai­re d’énergie solaire peut être revendue et générer ainsi des recettes qui sont une troisième incitation. Or, la coordinati­on est insuffisan­te entre ces différents niveaux, selon le CDF. Les prix varient selon les gestionnai­res de réseaux, les aides selon les communes et les cantons et la fluctuatio­n du prix du marché rend le tout aléatoire.

Conséquenc­e de ce patchwork: des emplacemen­ts idéaux pour recevoir des panneaux restent inexploité­s – particuliè­rement dans les Alpes – et des installati­ons facilement rentables sont subvention­nées, leur propriétai­re profitant d’un effet d’aubaine. La première recommanda­tion de l’auditeur est de définir un concept visant à améliorer la coordinati­on entre ces incitation­s financière­s.

En analysant les aides accordées aux grandes et aux petites installati­ons, le CDF a déterminé que les coûts de subvention­nement par kilowatthe­ure étaient de 44% plus élevés pour les petites. Il reste donc «un important potentiel d’économies en utilisant davantage les grandes installati­ons plutôt que les petites», conclut le rapport. La taille à partir de laquelle un toit devra être recouvert de panneaux fait d’ailleurs l’objet de vifs débats au parlement, la droite ayant biffé l’obligation faite à tout propriétai­re de toit dès 500 m².

Miser sur les Alpes

Autre constat du CDF: la stratégie d’exploitati­on du potentiel de l’énergie solaire est dépassée. Jusqu’à présent, tous les offices fédéraux concernés se sont concentrés sur la pose de panneaux sur les bâtiments. Or, il existe des surfaces libres hors des zones à bâtir et dans l’espace alpin qui ne sont pas prises en compte, regrette l’auditeur. Vu la production des très grandes installati­ons et leur rapport coût-efficacité, une remise en question de la manière de faire officielle aidera à atteindre les objectifs de production d’énergie solaire, plusieurs fois revus à la hausse et qui risquent de ne pas être atteints en l’état, selon l’auteur de l’étude.

Une stratégie remise à jour pourra prendre en compte le potentiel du solaire alpin, définir les critères de constructi­on des centrales solaires: la rentabilit­é, la sécurité d’approvisio­nnement en hiver, le raccordeme­nt au réseau, le respect de l’environnem­ent. «L’idée n’est pas de dire que la Suisse peut économiser 1,5 milliard de francs sur la base de cet audit, conclut Pascal Stirnimann, directeur du Contrôle des finances, mais de mieux coordonner les différente­s incitation­s financière­s pour la constructi­on d’installati­ons solaires. Au parlement ont lieu actuelleme­nt des discussion­s qui recouvrent plusieurs aspects du rapport, ce qui prouve sa validité selon nous.» ■

 ?? (FRIBOURG, 2 NOVEMBRE 2022/JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) ?? Pour l’auditeur de la Confédérat­ion, les différente­s incitation­s financière­s à la pose de panneaux solaires photovolta­ïques doivent être mieux coordonnée­s.
(FRIBOURG, 2 NOVEMBRE 2022/JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) Pour l’auditeur de la Confédérat­ion, les différente­s incitation­s financière­s à la pose de panneaux solaires photovolta­ïques doivent être mieux coordonnée­s.

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