Trop de largesses pour le photovoltaïque?
Le Contrôle fédéral des finances est d’avis que les petites installations facilement rentables ne doivent plus être subventionnées et invite à miser sur les centrales solaires hors des zones à bâtir
Le parlement s’apprête à débattre de l’approvisionnement énergétique du pays et d’une solution qui combine majoritairement l’hydraulique et le solaire. Pour parvenir à l’objectif validé d’une Suisse neutre en émissions de gaz à effet de serre en 2050, les autorités comptent sur le déploiement de très grands projets solaires notamment dans les Alpes (le Valais vote sur ce sujet le 10 septembre) ainsi que sur les privés qui couvrent leurs toits de panneaux à un rythme qui s’accélère d’année en année. C’est le moment qu’a choisi le Contrôle fédéral des finances (CDF) pour se pencher sur le système d’aide publique au photovoltaïque. La conclusion de son audit risque de refroidir l’enthousiasme ambiant: le rapport entre montant des subventions et production d’énergie semble médiocre aux yeux de l’auditeur lorsqu’il s’agit de petites installations (en dessous de 100 kWh).
Pour poser son diagnostic, le CDF a d’abord fait le décompte suivant. Il existe 127 172 petites installations solaires en Suisse contre 3293 de grande taille. Les premières ont une production annuelle de 1,69 TWh contre 0,89 TWh pour les secondes. Les subventions respectives sont de 1153 millions de francs contre 393 millions.
Emplacements inexploités
La clé de voûte du système confédéral d’incitation financière à la pose de panneaux photovoltaïque est la rétribution unique. Cette contribution publique couvre au maximum 30% de l’investissement. Une fois les panneaux posés, le propriétaire peut directement pomper l’énergie produite par son installation. C’est une incitation forte car cette consommation est bien moins onéreuse que de s’approvisionner chez un fournisseur d’énergie. Le tarif électrique se compose en effet non seulement du prix de l’électricité, mais aussi des coûts du réseau et de divers impôts et taxes. Enfin, la production excédentaire d’énergie solaire peut être revendue et générer ainsi des recettes qui sont une troisième incitation. Or, la coordination est insuffisante entre ces différents niveaux, selon le CDF. Les prix varient selon les gestionnaires de réseaux, les aides selon les communes et les cantons et la fluctuation du prix du marché rend le tout aléatoire.
Conséquence de ce patchwork: des emplacements idéaux pour recevoir des panneaux restent inexploités – particulièrement dans les Alpes – et des installations facilement rentables sont subventionnées, leur propriétaire profitant d’un effet d’aubaine. La première recommandation de l’auditeur est de définir un concept visant à améliorer la coordination entre ces incitations financières.
En analysant les aides accordées aux grandes et aux petites installations, le CDF a déterminé que les coûts de subventionnement par kilowattheure étaient de 44% plus élevés pour les petites. Il reste donc «un important potentiel d’économies en utilisant davantage les grandes installations plutôt que les petites», conclut le rapport. La taille à partir de laquelle un toit devra être recouvert de panneaux fait d’ailleurs l’objet de vifs débats au parlement, la droite ayant biffé l’obligation faite à tout propriétaire de toit dès 500 m².
Miser sur les Alpes
Autre constat du CDF: la stratégie d’exploitation du potentiel de l’énergie solaire est dépassée. Jusqu’à présent, tous les offices fédéraux concernés se sont concentrés sur la pose de panneaux sur les bâtiments. Or, il existe des surfaces libres hors des zones à bâtir et dans l’espace alpin qui ne sont pas prises en compte, regrette l’auditeur. Vu la production des très grandes installations et leur rapport coût-efficacité, une remise en question de la manière de faire officielle aidera à atteindre les objectifs de production d’énergie solaire, plusieurs fois revus à la hausse et qui risquent de ne pas être atteints en l’état, selon l’auteur de l’étude.
Une stratégie remise à jour pourra prendre en compte le potentiel du solaire alpin, définir les critères de construction des centrales solaires: la rentabilité, la sécurité d’approvisionnement en hiver, le raccordement au réseau, le respect de l’environnement. «L’idée n’est pas de dire que la Suisse peut économiser 1,5 milliard de francs sur la base de cet audit, conclut Pascal Stirnimann, directeur du Contrôle des finances, mais de mieux coordonner les différentes incitations financières pour la construction d’installations solaires. Au parlement ont lieu actuellement des discussions qui recouvrent plusieurs aspects du rapport, ce qui prouve sa validité selon nous.» ■