Au bord du gouffre, au bord de la piscine
Les chapitres deviennent des stories Instagram. Les images se superposent d’une manière floue, fluide, dégoulinante. Les mots défilent sur un fond sonore qui berce et grésille. Le court-circuit artistique proposé par le collectif Anthropie nous plonge dans le monde d’une jeune génération «perdue dans l’océan numérique».
Sensible et caustique, Extinction Piscine raconte ses préoccupations et sa fureur devant le dérèglement climatique. Ce «manifeste incertain», cette «voix sans boussole» restitue parfaitement les ressacs de l’angoisse et du déni, avec de nombreuses bouffées d’ironie qui peuvent s’agglomérer en un nuage de cynisme. Tous les symptômes d’un «stress pré-traumatique».
Si l’oeuvre est d’abord un texte paru aux Editions Abrüpt, le choix de lui donner forme via un feuilleton Instagram relève déjà de l’autodérision. Affalé sur son propre canapé, le public pourra scroller pour vivre une expérience littéraire différente. Il pourra aussi découvrir sa version scénique au Grütli à Genève du 1er au 5 septembre prochain, dans le cadre du vaste programme d’arts vivants déployé par le festival La Bâtie.
Au cours du spectacle déferle le flux constant de vidéo, musique et texte lu. Sur scène, une seule personne, sans visage, souligne parfaitement l’essence collective de la création, qui surpasse le plaisir esthétique et contemplatif offert par l’écran. Ballottées mais ensemble, les voix réunies par Anthropie sont avides de partage, dans les modes de production et de diffusion littéraires.
Dans la présentation du spectacle au Grütli, elles partagent les références qui ont influencé leur propre texte, qui continuera à respirer à travers des formes hybrides, des données open source aux performances, des posters à l’exposition. A l’occasion de son oeuvre précédente, intitulée Dio, le collectif avait même proposé un format scénique pour appartement, sorte de théâtre DIY. Autant de formes nouvelles et agiles pour ne pas s’affaler dans la résignation. ■