Presque tous unis contre la retraite à 66 ans
Un comité interpartis a lancé hier une croisade contre le relèvement de l’âge de la retraite. Il coupe ainsi l’herbe sous le pied des Jeunes PLR, qui lanceront la campagne en faveur de leur initiative ce jeudi
XL’image est rare. Des élus UDC, centristes, socialistes, verts et vert’libéraux unis pour une même cause: lutter contre la retraite à 66 ans. L’initiative, sur laquelle les Suisses s’exprimeront le 3 mars prochain, serre des rangs politiques plus habitués à lutter les uns contre les autres qu’à trouver un ennemi commun contre lequel hausser le ton. Voir la conseillère nationale Léonore Porchet (Les Vert·e·s/VD) approuver, tout sourire, le discours de Thomas Bläsi (UDC/GE) tient même de la performance politique.
Seul le PLR manque sur la «photo de famille». Et pour cause: ce sont les Jeunes PLR qui ont lancé l’initiative sur les rentes, avec l’appui du parti. C’est bien le seul d’ailleurs à soutenir le projet. Ce dernier prévoit de faire passer l’âge de la retraite de 65 à 66 ans d’ici à 2032 et de l’indexer par la suite à l’espérance de vie des plus de 65 ans. Si l’espérance de vie augmente, le passage à la retraite sera repoussé et, à l’inverse, si l’espérance de vie diminue, l’âge de la retraite diminuera. Pour les initiants, il s’agit avant tout de «pérenniser le financement de l’AVS».
Une punition pour les femmes
«Cette initiative va vraiment trop loin. Il s’agit même d’une attaque assez brutale de la part de gens qui pourront certainement s’offrir une retraite anticipée le moment venu, tout en mettant en péril les systèmes permettant actuellement aux personnes ayant des emplois pénibles de prendre une retraite anticipée», s’emporte Pierre-Yves Maillard, conseiller aux Etats (PS/VD) et président de l’Union syndicale suisse. Pour le socialiste, le projet bourgeois menace «des progrès sociaux conquis de haute lutte par les salariés des secteurs de la construction et de l’artisanat, notamment. Une acceptation de l’initiative fragilise ces acquis parce que les employeurs ne voudront plus les financer si l’âge de la retraite ne cesse d’augmenter».
De l’autre côté de l’échiquier politique, Thomas Bläsi (UDC/ GE) estime que «l’initiative met en avant un problème réel, mais propose une solution qui n’est pas acceptable». Et d’ajouter: «L’indexation de l’âge de la retraite à l’espérance de vie impliquerait que la population suisse doive in fine travailler jusqu’à un âge qui n’aurait pas été déterminé par un vote clair des électeurs, mais par un mécanisme – l’espérance de vie – qui apparaît comme la trompeuse note de bas de page du contrat».
Le Genevois relève encore que, pour les femmes, cette initiative représente «une double peine», alors qu’AVS21 vient d’entrer en vigueur avec une hausse à 65 ans de l’âge de la retraite pour elles. Pour faire passer cette pilule lors de la votation sur AVS21, une promesse avait été faite en campagne: ne pas procéder à un nouveau relèvement de l’âge de référence.
Une promesse dont se souvient particulièrement bien Léonore Porchet, conseillère nationale (Les Vert·e·s/VD) et vice-présidente de Travail.Suisse: «L’âge de la retraite vient d’être augmenté pour les femmes qui paient le prix fort des économies dans les assurances sociales et de la baisse des prestations. Après l’entrée en vigueur d’AVS21 il y a moins d’un mois, imposer un an de travail supplémentaire obligatoire et généralisé serait aussi disproportionné au vu du timide oui que la population a accordé à AVS21».
Le conseiller aux Etats Erich Ettlin (Le Centre/OW) fait également le lien avec cette réforme pour expliquer en quoi l’initiative des Jeunes PLR est problématique: «Après les expériences faites avec AVS21, un relèvement unilatéral de l’âge de la retraite ne semble pas opportun à l’heure actuelle et n’est guère susceptible de réunir une majorité devant le peuple». Enfin, Melanie Mettler, conseillère nationale (PVL/BE), ajoute encore que «l’initiative se fait au détriment de la classe moyenne et conduit à une fausse solidarité des pauvres avec les riches».
L’initiative des Jeunes PLR, si elle est acceptée par le peuple le 3 mars prochain, simplifierait juste la tâche du Conseil fédéral qui doit soumettre au parlement un projet de stabilisation de l’AVS pour la période 2030-2040 d’ici à fin décembre 2026. Les Jeunes PLR diront jeudi s’il s’agit là du seul avantage de leur initiative. ■
«Cela mettrait en péril les systèmes permettant aux personnes ayant des emplois pénibles de prendre une retraite anticipée»
PIERRE-YVES MAILLARD, CONSEILLER AUX ÉTATS (PS/VD)