Ecologie, que de contradictions!
Ce n’est pas le moindre paradoxe de l’écologie moderne que de prôner souvent des solutions contre-productives. L’exemple le plus flagrant est bien celui de la voiture électrique. Son usage est neutre en carbone, mais pas sa fabrication, ni parfois l’électricité qu’elle consomme. Inutile d’entrer dans le détail des calculs qui mesurent son bénéfice à partir d’un certain nombre de kilomètres parcourus, la réalité est qu’on a déplacé le problème. Cela vaut d’ailleurs pour les vélos et trottinettes qui nécessitent aussi une batterie qu’il s’agit de construire, de charger, d’éliminer. Toujours en matière d’irrationalité, que dire de l’arrêt du nucléaire civil en plein discours sur la décarbonation?
Une autre contradiction tient à la condamnation sélective portée sur les habitudes de consommation jugées nuisibles à l’environnement. La voiture thermique impacte le climat, remplaçons-la par des véhicules électriques ou les transports publics, soit. Mais le numérique et l’électronique personnelle polluent aussi beaucoup sans mesures coercitives. Il faut dire que c’est beaucoup moins payant d’en critiquer l’usage ou d’en prôner le sevrage, chez les jeunes en particulier, ceux-là mêmes qui défilent, font la grève, se collent au sol ou arrosent Van Gogh de ketchup.
Autre duplicité encore dans le fait de ne pas admettre que des propos assénés souvent comme des vérités scientifiques peuvent s’avérer imprécis ou erronés. Ainsi, on a beaucoup parlé un temps de la disparition programmée du pétrole, le risque de pénurie prochaine étant l’argument massue pour passer au renouvelable avant qu’il ne soit trop tard. Mais le fameux «pic» a sans cesse été repoussé par l’Agence internationale de l’énergie, qui l’a prédit tout d’abord pour 2006, puis 2018, puis 2025… Le gaz de schiste américain a déjoué toutes les estimations. «Les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir», s’amusait Pierre Dac. En outre, il s’avère que l’inventivité humaine résout souvent, tant bien que mal, de nombreux problèmes jugés insurmontables. De même au sujet de la montée des eaux océaniques. A en croire Wikipédia, «Dès 1989, certaines prévisions annoncent que les Maldives pourraient avoir disparu en 1999, mais récemment la date a été repoussée à 2100. Pour l’instant, l’élévation du niveau de la mer est limitée à 3 mm par an.» Et ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres. Qu’on se comprenne bien: mon propos ne se veut pas climatosceptique, mais lucide quant aux vérités approximatives qui sont véhiculées en permanence autour de ces thèmes.
Venons-en maintenant à l’hypocrisie qui consiste à exporter les problèmes, comme on cache la poussière sous le tapis. Par exemple, l’extraction des nouveaux métaux nécessaires à l’industrie moderne induit des conséquences environnementales lourdes, mais très loin du regard des principaux consommateurs. Les Péruviens, les Chiliens et les Argentins peuvent en témoigner, dont les salars fournissent ce lithium indispensable aux batteries. En Asie comme en Afrique, d’immenses installations à ciel ouvert exigent des millions de tonnes d’eau et rejettent des déchets hautement pollués. De cette façon, il est possible de bénéficier ici d’un air pur et d’une conscience immaculée, alors que des populations lointaines en paient le prix fort.
Cela n’empêche pas les pays riches de donner des leçons de bonne conduite à des peuples qui entament leur développement, en les privant de faire chez eux ce qu’ils ont vécu eux-mêmes. Il en va ainsi des critiques sur la déforestation alors que, jusqu’au Xe siècle, la forêt occupait l’essentiel du territoire européen avant d’être réduite à 30% aujourd’hui pour laisser place aux cultures et aux infrastructures. Sachant cela, quelle est la légitimité des détracteurs du défrichement en Afrique subsaharienne ou en Amérique latine? Ce d’autant que, selon la FAO, l’évolution de la surface boisée est globalement stable, voire positive à l’échelle du monde. Mais qui le dit? ■
En matière d’irrationalité, que dire de l’arrêt du nucléaire civil en plein discours sur la décarbonation?