Les enseignants genevois à l’école des fainéants
Voilà quelques mois que les enseignants genevois ne s'étaient pas rappelés à notre bon souvenir. Le peuple de Genève s'interrogeait donc sur ce ramollissement préjudiciable à la réputation du canton. Heureusement, tout rentre dans l'ordre. La semaine prochaine, les maîtres seront dans la rue, les parents devront s'organiser.
Ce qui nous vaut cette nouvelle fâcherie des profs? La volonté du Conseil d'Etat de mettre un terme au «Sonderfall» genevois qui permet aux maîtres du cycle d'orientation de travailler en moyenne six périodes de moins que ceux des autres cantons latins. Jugez plutôt de l'effort démesuré requis pour assurer cette mesure d'économie structurelle: le gouvernement a l'impudence de vouloir leur infliger deux périodes d'enseignement supplémentaire dès 2027, autrement dit 24 périodes de cours (45 minutes) au lieu de 22 actuellement. Quel insigne mépris pour cette classe à part.
Au bout du lac, toucher aux fonctionnaires est passible de la correctionnelle. C'est donc le baptême du feu pour la nouvelle conseillère d'Etat aux commandes de l'Instruction publique, Anne Hiltpold. «Anne II», comme surnommée par les manifestants en mémoire de la peu regrettée Anne Emery-Torracinta, aggrave encore son cas: alors que les enseignants ont choisi la semaine des évaluations communes pour débrayer, elle exige un minimum de troupes au turbin pour assurer les examens. Elle menace également de sanctionner les enseignants qui embrigadent les parents dans leur délire de persécution. Il y a quelques jours, certains profs ont en effet eu l'indélicatesse d'écrire aux familles, en piochant les adresses dans les fichiers de l'Etat. Si cela fait belle lurette que la politique dégouline à l'école au lieu d'en être proscrite, on franchit ici une nouvelle ligne rouge. Que les enseignants usent du droit de grève, fort bien. Ce qui me chiffonne est ailleurs: à longueur d'année, les maîtres expliquent au bon peuple qu'il y va de l'intérêt des élèves, et non du leur. Si ces derniers étaient au centre de leurs préoccupations, les profs n'auraient pas choisi une semaine d'examens pour entamer ce bras de fer. Selon une méthode éprouvée qui jusqu'ici a fait plier les élus, comme en 2015, ils prennent en otage leur clientèle captive au nom de la qualité de l'enseignement. Alors qu'il s'agit de la défense de leurs avantages.
J'attends impatiemment le jour où ils expliqueront en quoi leur tâche justifierait un traitement de faveur par rapport aux autres Romands. Sauf à considérer que les petits Genevois seraient plus nuls que les autres. J'attends aussi qu'ils nous racontent pourquoi certains mettent si peu d'entrain à organiser des sorties scolaires, journées de ski et autres, au point que certains élèves n'y ont quasiment jamais droit. A cause de la correction des épreuves qu'ils ne font pas passer?
S'il est vrai, à leur décharge, que les tâches administratives sont de plus en plus lourdes, il faut aussi, par honnêteté intellectuelle, désigner celles qui ne leur reviennent plus, comme la conception des moyens d'enseignement, devenus romands depuis HarmoS. Et l'état-major du DIP, à ma connaissance, n'est pas franchement dégarni. Allez donc, messieurs, mesdames, défendre vos privilèges. Les élèves, comme d'habitude, feront avec. ■
A longueur d’année, les maîtres expliquent au bon peuple qu’il y va de l’intérêt des élèves, et non du leur