Le réseau suisse plus solide que ce qu’en disent les SIG
Le groupe genevois, en se défendant contre des accusations de factures gonflées liées à des pertes, a indiqué que ces dernières sont plus élevées ailleurs en Suisse. Une autorité fédérale lui donne tort
Vivement que les compteurs intelligents arrivent pour en finir avec les calculs des pertes sur le réseau électrique. C’est ce qu’on pourrait se dire à la suite des mésaventures des SIG, signalées par la Cour des comptes (CDC) genevoise cette semaine. Cet organe de surveillance a pointé mardi des erreurs dans les évaluations des pertes d’électricité sur le réseau du distributeur genevois. Les factures de compensation qui en ont résulté ont été excessives, à hauteur de 22 millions de francs de 2008 à 2021, selon la CDC.
Les SIG ont reconnu cette erreur (les montants sont minimes comparé aux ventes du groupe pour le segment électricité de 5 milliards de francs) et ils se sont engagés à rembourser les consommateurs. Le distributeur rappelle qu’il débourse 20 millions de francs par an cette fois, dans son programme Eco21, qui encourage les économies d’énergie.
Pour leur défense, les SIG ont aussi indiqué que les pertes d’électricité sur le réseau genevois sont inférieures à la moyenne suisse et que les méthodes de calcul qu’ils utilisent pour les évaluer sont validées par la Commission fédérale de l’électricité (ElCom). Deux affirmations que Le Temps a voulu vérifier.
En Suisse, 3% aussi
Il en résulte que pour la première – le pourcentage de pertes sur le réseau – les SIG se trompent. Ils disent avoir enregistré ces dernières années une moyenne de 3% de pertes sur leur réseau contre 7% en moyenne suisse. Sa taille, plus restreinte et le fait qu’il soit largement sous terre, expliquerait ce résultat. L’entretien du réseau contribue d’ailleurs à faire baisser les pertes, de 4% au début du siècle à plus de 2% l’an dernier.
L’ElCom nous indique toutefois que le taux de perte à l’échelon national est aussi de 3%, et les distributeurs sollicités avancent ce même chiffre. Chez Groupe E, il se situerait en dessous de 3,2%, ce qui serait bon pour un réseau rural. Viteos évoque un taux de 3%, Romande Energie et BKW ne donnent pas de chiffre.
Seul Oiken parle d’un pourcentage supérieur: entre 4,3% à 4,6%. «Il dépend de la topologie du réseau, des longueurs des lignes, des niveaux de réseaux, des flux d’énergie, de l’étendue de la zone de desserte et des équipements», précise un porte-parole du groupe valaisan.
L’ElCom, qui supervise 600 gestionnaires de réseau, dit ne pas avoir les moyens de procéder à des contrôles approfondis
Et pour les méthodes de calcul? Les SIG ont utilisé ces dernières années une méthode forfaitaire, qui a été critiquée. La CDC recommande de définir leurs tarifs sur la base des pertes calculées selon une méthode dite «par différence», avec comme référence des pertes plus récentes. Les SIG ont accepté cette recommandation mais ils laissent entendre que les autres distributeurs font la même erreur.
Groupe E, Viteos et Oiken nous disent pourtant appliquer la méthode par différence tandis que Romande Energie et BKW sont plus évasifs dans leur réponse. L’ElCom, qui supervise 600 gestionnaires de réseau, dit ne pas avoir les moyens de procéder à des contrôles approfondis.
Son service de presse précise que les directives en la matière sont définies sur son site. La tarification du réseau se base sur les coûts réels, et les forfaits basés sur des estimations ou des prévisions sont contraires à ces directives, signale l’ElCom.
Le montant d’énergie injecté dans un réseau ne correspond jamais exactement à celui qui arrive chez les consommateurs car il y a des pertes, de chaleur notamment. Les compteurs traditionnels sont imprécis parce que les relevés, manuels, sont épisodiques. L’arrivée, prévue par la loi, d’alternatives capables de tout mesurer quasiment en temps réel, doit de ce fait résoudre ce problème. A Genève, 80% des compteurs doivent être intelligents d’ici à 2028.
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