Trop woke, le futur plan d’études des gymnases?
Actuellement en consultation, le nouveau projet destiné à unifier les cursus des écoles secondaires dès août prochain est déjà sous le feu des critiques. Dans la «SonntagsZeitung», certains dénoncent un «agenda politique». En Suisse romande, les inquiétud
X«Trop tendancieux», un «agenda politique évident», une «direction dangereuse». Ces derniers temps, les critiques se multiplient contre le futur plan d’études cadre (PEC), règlement destiné à encadrer les cursus des écoles secondaires suisses dès la rentrée prochaine. Dans un article de la SonntagsZeitung ce dimanche, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer des positions idéologiques trop orientées et un risque d’endoctrinement sur les bancs de l’école.
Issu de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et actuellement en consultation, ce nouveau plan d’études de 140 pages, première révision depuis 1994, vise à uniformiser les enseignements de la maturité fédérale.
Particulièrement dans le viseur des détracteurs, une section intitulée «Education au développement durable». On y souligne l’objectif d’une «transformation en une société durable», défi qui concerne aussi bien les questions climatiques que «le racisme, les inégalités sociales et économiques ou encore la répartition inéquitable des opportunités entre les genres».
Eviter le moule
Le chapitre, qui mentionne l’énergie solaire mais pas l’énergie nucléaire, souligne la SonntagsZeitung, en a froissé certains. A la suite de la consultation, les cantons de Lucerne et d’Argovie ont exprimé leur mécontentement tandis que la direction de l’éducation du canton de Zurich a rappelé que le principe de neutralité politique des écoles ne devait pas être «activement influencé». Pour Alain Pichard, membre de la Commission de l’éducation au Grand Conseil bernois interviewé dans l’article, «les écoles sont de plus en plus saturées idéologiquement.»
Une crainte partagée par Jean Romain, qui a longtemps enseigné la philosophie dans un collège genevois et avait participé aux débats autour du plan-cadre de 1994. «Qu’on traite de développement durable à l’école n’est pas illégitime, mais l’inacceptable, ce sont les termes utilisés, clairement orientés, qui cherchent à établir une forme
PUBLICITÉ de consensus moral. C’est inadmissible!» Pour l’écrivain, le rôle du plan-cadre est bien d’encadrer et non pas d’imposer une vision unique aux enseignantes et enseignants. «Il faut leur laisser l’opportunité de mettre en place des discussions, des oppositions en cours: l’intelligence, l’esprit critique naissent du conflit. L’école ne doit pas encore plus devenir un moule!»
Pas d’idéologie à l’école: c’est aussi la position ferme de Frédéric Borloz, conseiller d’Etat vaudois chargé du Département de l’enseignement et de la formation professionnelle. «Si nécessaire, il faudra tracer une limite pour garantir la neutralité politique, à laquelle nous sommes attachés.» Mais le ministre n’est pas inquiet: les discussions ne sont pas terminées et le plan-cadre laissera en tous les cas une certaine autonomie aux cantons.
«Pas d’agenda partisan»
Une polémique qui n’a pas lieu d’être, confirme Sylvie Bonvin-Sansonnens, conseillère d’Etat fribourgeoise responsable de la Formation. D’autant qu’un nouveau projet sera soumis au comité de la CDIP en juin prochain, incluant des révisions. Le développement durable y figurera toujours en bonne place. «J’estime qu’il n’y a aucun agenda partisan derrière la version mise en consultation. Tous les collèges fribourgeois ont déjà des projets de développement durable, toutes les écoles du canton se mettent en réseau pour coordonner leurs travaux en lien avec la durabilité. Nous souhaitons soutenir leurs initiatives, qui se basent, je le rappelle, sur la science et non pas sur une idéologie.»
Contacté, Jean-Philippe Lonfat, chef du Service valaisan de l’enseignement et président de la conférence des secrétaires généraux de la CDIP, souligne qu’à la suite des premières réactions, la sensibilisation au développement durable, présentée au départ comme vertu cardinale du plan, aurait été depuis intégrée à l’enseignement de la géographie notamment. «La société suisse des professeurs de l’enseignement secondaire a accueilli favorablement le plan d’études.»
Soupirs du côté du conseiller d’Etat valaisan et vice-président de la CDIP, Christophe Darbellay. «Parler de durabilité de nos jours, ce n’est pas du wokisme: c’est indispensable de préparer la nouvelle génération aux grands enjeux de la planète.» Et de souligner que la révision du plan-cadre est, à ses yeux, loin d’être révolutionnaire. «Le seul vrai débat qu’il soulève, c’est celui de la maturité en quatre ans!»
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