Les raisons d’une impression de «Macron bashing»
La semaine passée, certains de mes articles et le numéro précédent de cette chronique ont provoqué des réactions affirmant que je sombrais dans une forme de «Macron bashing». Je ne reviendrai pas sur le détail des arguments, j’ai pu le faire directement avec les lecteurs déçus. Mais je trouve intéressant de creuser les raisons de cette impression.
Emmanuel Macron en prend effectivement pour son grade dans la presse depuis quelque temps. Cela ne veut pas dire que les journalistes pensent qu’il est le pire de ce que les mondes politiques français et occidentaux actuels ont à offrir. Loin de là.
Essayons d’analyser pourquoi le chef de l’Etat français provoque autant de critiques après tant d’éloges et dans un contexte où les dérives viennent souvent d’ailleurs.
Le président de la République souffre tout d’abord du fait qu’il concentre tous les regards, comme le veut le système français. Un rôle de président jupitérien, épicentre universel, qu’il affectionne peut-être un peu trop. Car, au bout de sept ans, l’usure du pouvoir fait que ses coups d’éclat n’ont plus le même effet. Rares seront ceux à tomber en pâmoison devant les conséquences de sa visite chaotique au Salon de l’agriculture, de son 49.3 sur les retraites, de la loi immigration passée avec la droite dure puis largement censurée par le Conseil constitutionnel, des psychodrames du remaniement, des petites phrases calculées sur les troupes au sol en Ukraine, la coalition antiHamas ou le fait de ne pas humilier la Russie. Petites phrases sur lesquelles le gouvernement et l’Elysée reviennent souvent dans un deuxième temps pour les expliciter, les désamorcer. En ne précisant pas de quoi il veut parler quand il lâche sa formule choc, Emmanuel Macron sait très bien ce qu’il fait. Il attire l’attention grâce à une déclaration fracassante mais ambiguë, avec une idée derrière la tête. Une stratégie de communication diplomatique pour le moins déstabilisante, dont on cherche parfois l’efficacité.
Mais le problème d’Emmanuel Macron dépasse ces choix et ces méthodes que l’on peut légitimement critiquer quand cela se justifie (c’est même notre devoir de journaliste de les analyser avec distance, sans que cela fasse de nous des opposants et encore moins des supporters de ses opposants).
Outre le côté revendicatif et critique des Français qui jette toujours une lumière plus crue sur leurs politiques que sur celles des autres, Emmanuel Macron est aussi victime du fait qu’il a en face de lui des oppositions très peu constructives, voire volontairement initiatrices de chaos.
Pire, son principal opposant, le Rassemblement national, bénéficie largement de la stratégie présidentielle qui fait du parti de Marine Le Pen l’unique cible d’un duel qui réussit à s’imposer. Le gouvernement français essaye de mettre le RN dos au mur (dernièrement sur l’Europe, la Russie ou la modification de la Constitution sur l’IVG, un vrai succès macronien, vous voyez que l’on sait le signaler aussi). Face à ces attaques, le RN s’en sort en camouflant son incompétence, en se contentant de formules vides, de postures de respectabilité et de clins d’oeil qui ne coûtent pas cher à l’électorat populaire. Il est effrayant de constater à quel point il monte dans les sondages sans rien proposer de cohérent, sans même esquisser et encore moins assumer une véritable ligne politique complète.
Le Rassemblement national n’offre aucune prise alors que le camp présidentiel est bien obligé d’en offrir au quotidien en gouvernant. Nous, journalistes, rendons compte de ces actions, qui se déploient dans un milieu de plus en plus hostile et donc propice à l’échec. Emmanuel Macron fait ce qu’il peut, souvent avec une manière qui ne passe plus, mais très certainement mieux que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ne le feraient à sa place. Et aussi Donald Trump, Viktor Orban ou Boris Johnson, faut-il ajouter pour répondre à ceux qui pensent, avec raison, que la France a tout de même la chance d’avoir échappé à un vrai gouvernement populiste pour l’instant. Voilà qui est dit.
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