Trop tard, trop lentement… mais l’espoir demeure!
Nous sommes partis trop tard et nous avançons trop lentement, c’est le triste constat qu’il faut bien faire aujourd’hui concernant la transition énergétique. L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée: la température moyenne mondiale au cours de la période de 12 mois entre février 2023 et janvier 2024 a dépassé de 1,5 °C les niveaux préindustriels; les émissions de CO2 ont continué à augmenter (1,1%) alors qu’elles devraient diminuer de 5,9% pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
L’avenir n’est pas plus rassurant: l’élection du président des Etats-Unis s’annonce sous les pires auspices. Une victoire de Donald Trump pourrait donner un coup d’arrêt à la transition énergétique, timidement mise en route par Joe Biden. Enfin, la forte progression de l’extrême droite aux élections européennes pourrait freiner la mise en oeuvre du Green Deal.
Bref, l’objectif de 1,5 °C paraît hors de portée et n’a plus qu’une fonction rhétorique pour ne pas dire incantatoire. Si nous parvenons à éviter un réchauffement de 2 °C, nous pourrons nous estimer heureux.
C’est dans ce contexte qu’il faut accorder toute l’attention qu’il mérite au récent rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) sur l’évaluation des risques climatiques en Europe.
Ce document rappelle tout d’abord que l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement. Les chaleurs extrêmes, autrefois relativement rares, deviennent de plus en plus fréquentes. L’Europe du Sud (la péninsule Ibérique, l’Italie, les Balkans et la Turquie) connaîtra sans doute une baisse considérable des précipitations et des sécheresses de plus en plus dévastatrices.
Les autres régions d’Europe seront confrontées à un changement du régime des précipitations: des averses de plus en plus violentes et de longues périodes de pluie, avec pour conséquence des inondations dévastatrices comme celles qu’a connues récemment le Pas-de-Calais.
L’AEE nous rappelle aussi que les risques induits par les changements climatiques menacent la sécurité alimentaire, la production énergétique, l’accès à l’eau et la santé des populations. En outre, comme l’explique fort bien le rapport, «le changement climatique est un multiplicateur de risques qui peut exacerber les risques et les crises existants». Il peut provoquer des effets en cascade et provoquer des crises systémiques.
Au terme d’une minutieuse analyse de risques pour les différentes régions du continent – à court, moyen et long terme – le rapport aboutit à une conclusion plutôt alarmante: l’Europe est très mal préparée à affronter les conséquences du réchauffement climatique. Elle ne dispose pas de plans d’action pour en réduire les impacts.
Bref, non seulement nous sommes à la peine pour lutter efficacement contre le réchauffement, mais encore nous n’avons pas de politique qui nous permette de nous y adapter et d’en limiter les effets sur les populations les plus vulnérables.
Peut-on apporter une touche un brin plus optimiste à ce sombre tableau? Oui, certes, pour deux raisons au moins. Tout d’abord, si l’on regarde plus en détail l’évolution des émissions de CO2, on constate que, dans l’UE, elles sont en baisse de 7% et aux Etats-Unis de 3%. L’augmentation globale est en fait largement imputable à l’Asie (+4%). Or, la croissance fulgurante de la production d’énergie renouvelable en Chine devrait amener une baisse de ses émissions d’ici quelques années. C’est suffisant pour entraîner une première petite réduction au niveau global. Ensuite, l’exemple de la Chine, qui a commencé sa révolution verte une décennie avant nous, montre que la courbe des énergies renouvelables suit – logiquement – une courbe exponentielle. Les débuts sont lents mais l’accélération est fulgurante. En 2023, le pays a mis en service l’équivalent de 80% de la puissance photovoltaïque totale installée en Europe. En d’autres termes, la Chine a fait en une année ce que l’Europe a fait en trente ans. Tout espoir n’est donc pas perdu! ■