Les leçons d’une semaine très ukrainienne pour Macron
Après avoir franchi une ligne rouge sur la question du soutien à l’Ukraine, le président français a mis dos au mur les deux principaux partis d’opposition, aux positions très souples vis-à-vis de Moscou
Semaine très ukrainienne sur la scène politique française. Et il s’agissait bien de scène intérieure. Même l’Elysée assumait que ce «moment de vérité» devait «clarifier» les positions des partis français.
En marquant les semaines précédentes par ses propos sur l’envoi de troupes au sol, qu’il ne faudrait pas exclure selon lui, Emmanuel Macron avait franchi de manière assumée une ligne rouge en affirmant justement qu’il n’y en avait plus. Il mettait ainsi ses opposants dos au mur, y compris en France.
«Souffler sur les braises»
Avant de se rendre ce vendredi à Berlin pour rencontrer l’Allemand Olaf Scholz et le Polonais Donald Tusk pour une réunion sur l’aide à l’Ukraine, occasion de remettre l’accent sur la scène internationale, Emmanuel Macron était jeudi soir sur TF1 et France 2 pour «rendre compte de la situation de manière pédagogique» selon l’expression d’un proche du président. Particulièrement alarmant et ferme, il a fait plus qu’assumer sa position. Il a par exemple déclaré qu’il fallait «être prêt à mettre les moyens pour atteindre notre objectif qui est que la Russie ne gagne pas» dans cette «guerre existentielle pour notre Europe et pour la France».
Eric Ciotti, le patron des Républicains (droite traditionnelle) a réagi en affirmant que les propos présidentiels l’interrogeaient: «Veut-il faire la guerre à la Russie ou occuper l’espace politique en pleine campagne des européennes? Soutenir l’Ukraine, oui. Souffler sur les braises d’un potentiel conflit mondial à des fins électorales, non!»
Car le chef de l’Etat français a aussi remis une pièce dans la machine à pointer ses opposants en affirmant que «ceux qui décident en France» de ne pas soutenir l’Ukraine autant que lui «ne font pas le choix de la paix» mais celui «de la défaite et de l’abandon de responsabilité».
«Vous donnez les clés du camion à Poutine, vous êtes à la remorque des intérêts de la Russie»
MARC FERRACCI (RENAISSANCE) AU DÉPUTÉ MARINISTE JORDAN GUITTON
Avant cela, mardi et mercredi, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient débattu de la position française dans ce conflit puis procédé à un vote, «non contraignant» mais plébiscité, sur l’accord bilatéral de sécurité signé avec Volodymyr Zelensky.
«Soit on est pro-Macron, soit on est accusé d’être pro-Poutine»
Si le texte a été largement validé, La France Insoumise a voté contre et, surtout, le Rassemblement national s’est abstenu. Comme prévu, les anciennes positions très souples vis-à-vis de Moscou des deux partis d’opposition les plus puissants au sein du parlement français sont donc revenues dans le débat et ont été très largement discutées dans les médias tout au long de la semaine.
«Les ambiguïtés du RN depuis le début du conflit», titrait La Croix. «Des proximités idéologiques entre la Russie et le RN», affichait Franceinfo. «Vous donnez les clés du camion à Poutine […] vous êtes à la remorque des intérêts de la Russie depuis bien longtemps», a lancé le député macroniste des Français de Suisse, Marc Ferracci, sur Sud Radio face au député mariniste de l’Aube Jordan Guitton. «Soit on est pro-Macron, soit on est accusé d’être pro-Poutine», a rétorqué Marine Le Pen à l’Assemblée. Pour elle, l’objectif du gouvernement était de se «parer du lin blanc du camp du bien et rejeter l’ensemble des oppositions et donc les millions de Français qu’elles représentent dans le camp du mal».
Ce jeudi avait également lieu un débat sur la chaîne parlementaire Public Sénat entre les têtes de liste des partis français en lice pour les élections européennes de juin. Toutes les têtes de liste? Non, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a jugé que l’événement n’était pas à sa hauteur et s’est fait remplacer par… Thierry Mariani, ancien ministre de Nicolas Sarkozy que ses très fortes positions prorusses avaient rendu infréquentable. Il avait notamment marqué les esprits en acceptant d’être observateur électoral lors du scrutin non reconnu de la République autoproclamée de Donetsk. Il était également membre du «comité d’étique» du média Russia Today (RT), contrôlé par le Kremlin. La stratégie d’Emmanuel Macron de rappeler les amitiés russes du RN ne semble pas beaucoup effrayer le parti d’extrême droite, très loin devant dans les sondages.
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