Comment la police arrive à se faire voler une mitraillette
Dans la nuit de samedi à dimanche, un jeune homme a tiré une dizaine de fois sur la devanture d’un café des Pâquis. Plus surprenant, l’arme venait d’être subtilisée dans une voiture de la brigade anti-criminalité, qui ne disposait pas d’un compartiment po
Incroyable, mais vrai. Un jeune homme, âgé de 19 ans, a réussi à voler un pistolet-mitrailleur SIG Sauer MPX dans un véhicule de la police genevoise avant de s’en servir pour tirer en rafale sur la devanture d’un café du quartier chaud des Pâquis. Mais comment cela est-il possible? Selon nos renseignements, la voiture banalisée appartenait à la brigade anti-criminalité et se trouvait parquée pour la nuit dans le même secteur. L’enquête devra encore déterminer comment cette arme impressionnante a pu être dérobée aussi facilement alors qu’un ordre de service interne et confidentiel prévoit de la sécuriser dans un compartiment spécifique. Visiblement, le véhicule n’était pas adapté pour transporter ce type d’engins.
Dimanche, le Ministère public confirmait l’information de 20 minutes, selon laquelle des coups de feu avaient été tirés, vers 4h du matin, dans la vitrine d’un établissement public. Le bar en question étant fermé, cette dangereuse manifestation de colère n’a fait aucun blessé. Le communiqué de presse ajoutait que les premiers actes d’enquête avaient permis de retrouver l’arme à proximité des lieux, abandonnée dans un conteneur poubelle.
Vidéosurveillance
D’après nos informations, ce sont les images de vidéosurveillance qui ont permis de localiser rapidement le pistolet-mitrailleur dans le conteneur et d’interpeller le jeune homme, suspecté d’avoir volé l’engin et d’être l’auteur des coups de feu. Ce dernier, qui aurait déjà eu un contentieux avec le patron de l’établissement, nie les faits, pour le moment du moins. Les investigations sont menées par la brigade criminelle, sous la conduite du procureur Clément Emery.
Mais le plus étonnant restait à venir. Le même communiqué précisait que l’arme en question, dont sont dotées les forces de l’ordre du canton, avait été dérobée dans un véhicule de police. Les circonstances de ce vol font l’objet d’une enquête de l’Inspection générale des services, supervisée par le procureur général Olivier Jornot.
Selon nos sources, le véhicule en question n’était pas sérigraphié et ne portait donc pas l’inscription «police». De fait, la brigade anti-criminalité est une brigade mixte qui patrouille en civil pour appréhender les délinquants de rue. Ce type d’arme, dite «collective» par opposition à l’arme de service du policier, n’est sortie de sa cache que lorsque l’intervention le justifie. En dehors de ces situations bien particulières, celle-ci doit rester enfermée dans un compartiment inviolable prévu à cet effet dans le véhicule. Cela permet d’éviter les vols, notamment lorsque les policiers doivent se précipiter hors de leur voiture pour courir après un malfrat.
On peut donc aisément imaginer que l’arme en question ne se trouvait pas dans un compartiment sécurisé, puisque le premier détrousseur en vadrouille a pu s’en emparer. Une aventure qui motivera sans doute un examen des véhicules appelés à transporter ce genre de pistolet-mitrailleur, afin de déterminer si la mise en oeuvre de l’ordre de service est matériellement possible ou si ces armes se baladent souvent sans précautions particulières.
La théorie et la pratique
Ce type d’arme, dite «collective», n’est sortie de sa cache que lorsque l’intervention le justifie
A toutes les questions que pose cette affaire, personne ne répond précisément en l’état de l’enquête. Contacté, le service de presse de la police genevoise souligne de manière toute générale que l’arme de service du policier (qui n’est pas en cause ici), à savoir le pistolet Glock 19, doit être portée dans son étui de dotation fixé à la ceinture. «Lorsque le collaborateur est en service et doit se séparer de son arme pour un court moment, il doit sécuriser son arme dans les meubles ad hoc mis à disposition, excluant tout endroit non adapté comme le tiroir de bureau, les placards et armoires non sécurisés.» Lorsqu’il finit son service ou doit se séparer de son arme durant plusieurs heures, «il doit entreposer son arme, ses accessoires et munitions dans son casier personnel situé dans le local d’armes sécurisé ou dans les armoires fortes et coffre-fort mis à disposition».
Concernant l’armement collectif, notamment le pistolet-mitrailleur SIG Sauer MPX, l’arme doit être portée par le policier et soutenue par une sangle en faisant pointer le canon vers le sol. «Lors du transport du pistolet-mitrailleur dans les véhicules de service, celui-ci doit être déchargé, aucun magasin n’est introduit dans l’arme. Cette arme se trouve soit dans un module sécurisé dans la portière, soit dans son coffre à l’intérieur du coffre arrière.»
S’agissant d’un armement collectif, les unités de la police amenées à intervenir dans le cadre de leur mission sont dotées de cet armement. Il peut s’agir de policiers en uniforme ou en civil utilisant des véhicules sérigraphiés ou banalisés. «Dans un véhicule de service, l’arme collective doit être mise dans les logements prévus à cet effet ou être sécurisée», relève la porte-parole Aline Dard. Tout en ajoutant: «Dans le cas d’espèce, l’enquête en cours permettra de déterminer comment cette directive a été appliquée.» Ou si elle pouvait l’être.
■