«La sécularisation laisse des traces»
Où va l’Eglise catholique? De passage en Suisse, Mario Grech, secrétaire général du Synode et cardinal, a répondu hier aux questions du «Temps». Il revient sur le concept d’Eglise ouverte sur le monde, le célibat des prêtres et l’ordination des femmes
Invité en Suisse, le cardinal Mario Grech était hier de passage à Soleure. Le Temps l’a rencontré dans les bureaux de l’évêque de Bâle.
Qui êtes-vous et quel est votre rôle? Je suis un membre baptisé de l’Eglise catholique, qui essaie de remplir sa mission, sa vocation, au mieux, en marchant aux côtés de mes prochains. Formellement, je suis également le secrétaire général du Synode [un vaste processus lancé en 2021 par le pape, qui invite les fidèles des diocèses du monde entier à donner leur avis sur l’avenir de l’Eglise, préfigurant de possibles réformes, ndlr]. Ma responsabilité est d’aider le pape à organiser cette rencontre. Dans le passé, le Synode était célébré tous les trois ans et ne comportait que des évêques. Mais le pape François a changé la chose. En octobre dernier, pour la première fois, un quart des participants étaient des membres du clergé, de simples religieux, hommes et femmes. Et des représentants laïques. Il y avait notamment deux Suissesses.
Et qu’a-t-il été décidé? Nous n’avons pas encore atteint de conclusions. Le synode des évêques est divisé en deux sessions. La seconde se tiendra en octobre 2024. Ce que je peux dire, c’est que 112 des 114 conférences épiscopales du monde entier nous ont fait remonter leurs observations sur différentes thématiques. Avec une forte participation. Et que 500 influenceurs catholiques ont également participé au processus en ligne. Mais les choses prennent du temps. Nous sommes toujours en train d’essayer de mettre en oeuvre certaines réformes décidées lors du concile oecuménique de Vatican II (conclu en 1965).
Même si le synode n’est pas encore terminé, quelles en sont les premières conclusions? Nous avons essayé de discerner ce que l’Esprit saint essaie de communiquer à l’Eglise. La sécularisation laisse des traces. Nous devons trouver une nouvelle manière d’annoncer l’Evangile. C’est le but de ce synode en cours. Comment procéder? Nous devons nous recentrer. Approfondir notre spiritualité. Mais également travailler notre communication. Pour réussir, il est nécessaire que nous connaissions mieux les hommes et les femmes contemporains, ainsi que leurs besoins. Pour citer le pape, nous devons devenir une Eglise ouverte sur le monde.
Concrètement, cela signifie-t-il que les règles encadrant le célibat des prêtres, le divorce ou l’ordination des femmes pourraient être réformées? L’Eglise a reçu l’Evangile de Jésus. Avec la mission de le transmettre. Ce n’est pas à elle de le revoir, puisqu’il ne lui appartient pas. Elle n’en est que la messagère. Cependant le célibat des prêtres, par exemple, est une loi de l’Eglise. Qui peut être revue. Je précise que dans certaines Eglises catholiques orientales, le célibat n’est pas obligatoire. Il n’est cependant pas dans les prérogatives de l’Eglise de réformer les enseignements du sacrement du mariage qui, par nature, est une union indissoluble. L’Eglise peut toutefois accompagner ceux qui souffrent dans leur mariage. C’est la différence entre une question pastorale et une question doctrinale.
Quid du mariage homosexuel? Le mariage est une institution qui unit un homme et une femme. Mais il est demandé à l’Eglise d’accompagner des personnes qui ont des expériences homosexuelles, de les aider à suivre la voie tracée par Jésus.
Les accompagner? Nous ne pouvons reconnaître un mariage entre personnes de même sexe. Mais nous pouvons aider sur le chemin qui mène à Jésus Christ. Afin de mieux se connaître et adopter une existence conforme à l’Evangile.
Et l’ordination des femmes? A la suite du premier synode, dix thématiques principales ont été sélectionnées par le pape pour être approfondies, dont la place des femmes dans la vie et la mission de l’Eglise. La proposition sur la table est que celles-ci puissent assumer davantage de responsabilités dans le domaine pastoral. Mais si certaines réformes peuvent être décidées au niveau local, la question de l’ordination des femmes n’en fait pas partie. Nous devons trouver un consensus global sur la question, au risque de diviser l’Eglise.
«Nous ne pouvons reconnaître un mariage entre personnes de même sexe»
Les derniers relevés statistiques montrent que moins de 50% des Suisses et des Suissesses se définissent comme croyants. Pourquoi? Je ne sais pas. Lors des synodes, nous n’analysons pas pourquoi les gens vont à l’église ou non. Nous faisons des suggestions, afin de rendre l’Evangile accessible à tous. Je ne connais par ailleurs pas assez bien la situation suisse pour pouvoir m’exprimer sur ce pays en particulier.
Les rapports comme celui de l’Université de Zurich concernant une multitude d’agressions sexuelles au sein de l’Eglise pourraient-ils jouer un rôle dans ce désamour? Il existe une commission pontificale à ce sujet et le Saint-Père souligne depuis longtemps que nous devons résoudre ce problème des abus sexuels. Pour répondre à votre question, je dirais qu’une multitude de raisons peuvent expliquer pourquoi certains se détournent de l’Eglise. Les conclusions de ce type de rapports peuvent constituer l’une de ces raisons. ■